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Pour ne pas oublier la question ouvrière…

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Par Jean-Philippe Chauvin

Dans le même temps, le Premier ministre se charge de trouver les financements de l’économie de guerre et de désarmer les oppositions ou, plutôt, d’éviter la censure qui le renverrait sans sursis à ses terres béarnaises… Le risque, évident, serait de négliger le social en arguant de l’urgence géopolitique, et de s’engager dans des voies qui pourraient vite devenir des impasses pour l’État et des boulevards pour les contestations parfois inconsidérées ! Pour l’heure, l’opinion publique reste publiquement sage quand elle s’inquiète, plus ou moins discrètement, des risques d’un lendemain incertain. Mais le calme social n’est-il qu’apparent ? Les mois qui viennent nous répondront plus sûrement que les prédictions du marc de café, et l’humilité nous impose de ne pas forcément prévoir le pire, mais de s’y préparer pour pouvoir y parer efficacement.

Il est un dossier qui, décidément, ne veut pas se fermer : celui des retraites, sous tous ses aspects et effets, et le conclave censé aborder ce sujet « sans tabou ni totem » finit dans la confusion et le désaveu. Dans le même temps, la désindustrialisation reprend son cours inquiétant, alors même que le réarmement annoncé devrait logiquement inverser la tendance : ce n’est pas encore probant… Devant cette situation générale peu rassurante, le fatalisme pourrait nous saisir, et l’abandon de toute résistance au cours des choses s’imposer : ce serait, en fait, une trahison de notre part ! Aussi, il importe de rappeler ici quelques points de notre politique sociale, au-delà même des débats actuels : non pour éluder les questions du moment mais, plutôt, pour les considérer de plus haut et de façon plus efficace. Ce qui doit nous guider ? Évidemment le bien commun de la nation et de ses forces productives, et la préservation des intérêts de ceux qui font (et fondent), par leur travail, l’économie réelle.

Et si l’on parlait, justement, de la question ouvrière ? Elle est, aujourd’hui, l’une des grandes absentes du débat politique, comme si elle n’était qu’une annexe mineure des débats économiques et sociaux, et qu’elle n’avait plus de sens sur la scène politique française, plus empressée d’évoquer les questions dites sociétales, comme un moyen d’éviter d’aborder la question sociale. Il est vrai que les ouvriers ne représentent plus dans notre pays « que » 5 millions de personnes environ, et que leur nombre s’effrite chaque année un peu plus devant l’avancée de la robotisation, des délocalisations et de la poussée permanente de la tertiarisation des sociétés, dans le cadre d’une domination du triptyque « mondialisation-métropolisation-numérisation ». Le monde paysan a connu, tout au long du XXe siècle et après encore, le même (double) processus de déperdition numérique sur le plan démographique et d’effacement de sa visibilité aux yeux de nos contemporains, processus accéléré par les fameuses « Trente Glorieuses » et le triomphe de la société de consommation depuis les années 1960 en France comme dans le reste de l’Europe. Aujourd’hui, les ouvriers sont quasiment effacés de la représentation médiatique de notre société contemporaine, et l’obsession des amis de M. Mélenchon pour la cause palestinienne depuis le pogrom du 7 octobre 2023, signifie, d’une certaine manière, le congé que la Gauche donne désormais à une classe productrice manuelle qu’elle ne veut plus reconnaître en France, si ce n’est comme une masse pourvoyeuse de votes populistes forcément condamnables… L’ouvrier français n’est-il pas, effectivement, la « mauvaise conscience » d’une Gauche qui, jadis ouvriériste, a préféré les sirènes de l’altérité lointaine ou exotique à la défense et pérennisation d’une classe de travailleurs un peu trop proches et parfois attachés à des traditions qui leur donnent « corps et sens » dans une société wokiste qui, par idéologie, « du passé fait table rase » ?

Pourtant, il y aurait de quoi débattre (et proposer) sur les conditions de formation, d’accès à l’emploi ou des pratiques et calendrier de travail, voire sur le cadre industriel ou sur l’organisation des chantiers, etc. Sans oublier les questions salariales et de la pénibilité du travail dans certains secteurs d’activité (industrie, bâtiment, etc.), et celle de la santé des ouvriers, dont l’espérance de vie générale serait de plus de dix ans moins élevée que celle des cadres ou des enseignants, tandis que leur espérance de vie sans incapacité majeure ou « en bonne santé » (trop peu évoquée et pourtant beaucoup plus significative) serait encore plus éloignée de celle des salariés du tertiaire… Des questions que ne posent que du bout des lèvres ceux qui, jadis, se voulaient les grands défenseurs de la classe ouvrière quand ils n’en étaient que les récupérateurs et, même, les parasites. L’anticapitalisme de certains partisans de l’extrême-gauche cache mal leur désintérêt concret pour le sort d’ouvriers que le groupe de réflexion Terra Nova considérait, il y a une décennie déjà, comme perdus (et irrécupérables) pour la Gauche…

Souvent, la question ouvrière n’est abordée qu’au moment des fermetures d’usines, quand il est déjà trop tard pour sauver les emplois eux-mêmes, et sous l’angle d’une désindustrialisation qui, malgré les efforts récents (et louables) pour réindustrialiser (efforts remis en cause par l’instabilité politique depuis l’été 2024 et la dissolution ratée de Macron), serait dans le cours du temps et dans la logique de la mondialisation (d’où les délocalisations spéculatives de Whirlpool en 2017 ou celles, actuelles, d’ArcelorMittal) et contre laquelle certains nous expliquent doctement qu’il est inutile de lutter… Les ouvriers sont les grands sacrifiés de la mondialisation, et ce n’est pas seulement vrai en France ! La condition ouvrière dans les pays ateliers d’Asie ou d’ailleurs n’a rien à envier à celle que décrivaient Zola, London et Simone Weil en leurs temps respectifs… Et celle des ouvriers français de 2025 est plus que jamais fort dépendante des intérêts et des spéculations de quelques financiers ou actionnaires qui ne laissent s’installer les unités de production que là où ils seront sûrs de faire les meilleurs bénéfices, sans trop regarder au sort de ceux qui leur permettront ces dividendes de plus en plus souvent fruits d’une exploitation brutale des travailleurs locaux.

Alors, que faire ? Doit-on se résoudre à l’abandon des classes ouvrières françaises pour complaire aux investisseurs et aux banquiers ? Doit-on s’empêcher de penser aux améliorations possibles des conditions de travail (et donc de vie) en France ? Sûrement pas ! Et le vieux royaliste social que je suis espère bien que la question ouvrière ne sera pas vue sous un angle seulement économiste ou compassionnel mais qu’elle sera posée dans des termes de mieux-être au travail, de qualité et d’intégration dans les nouveaux équilibres écologiques et sanitaires, ne serait-ce que pour permettre aux ouvriers d’usine comme du bâtiment (entres autres) d’espérer vivre mieux et plus longtemps au regard des chiffres d’aujourd’hui, y compris après la période professionnelle.

Non, la question ouvrière, qui peut se décliner en multiples questions professionnelles, productives et sanitaires, ne doit pas être négligée, ni dans cette période « d’économie de guerre » (une formule martiale qui paraît, même aujourd’hui, bien exagérée), ni hors et après celle-ci ! Sans doute faudra-t-il la rappeler régulièrement aux hommes politiques qui ont tendance à ne voir que les chiffres économiques et à oublier ceux, les ouvriers, qui leur donnent de la consistance par leur rude travail quotidien. Mais il faudra plus encore rendre aux ouvriers une reconnaissance sociale aujourd’hui trop limitée (voire inexistante) dans notre société, et reconnaître leur éminente dignité de travailleurs, toutes choses aujourd’hui peu valorisées dans un monde qui privilégie l’argent au détriment du travail… L’affirmation légale de la propriété du métier et la constitution de patrimoines corporatifs (par profession ou corps de métier), éléments constitutifs d’une société qu’il serait possible de qualifier de corporative (ou « corporée »), peuvent permettre cette nouvelle appréciation des travailleurs (de la création comme de la production), appréciation utile à la motivation de ceux-ci… Rendre ses lettres de noblesse au travail est une œuvre de salut public et social qui doit profiter à tous les travailleurs.

Dans l’histoire, et sauf quelques notables exceptions comme celle du Front Populaire (avec les erreurs, voire les fautes de celui-ci dont les conséquences se firent sur le long terme et au dépens de la France comme de ses travailleurs) mais aussi de l’époque gaullienne, la République n’a guère eu beaucoup d’égards envers les ouvriers, préférant les fusiller en juin 1848 à Paris comme en 1908 à Draveil, puis les matraquer ensuite avant que, parfois, de les juger et condamner pour mieux décourager toute colère et toute contestation ou­vrières.

En ouvrant une ancienne brochure royaliste des années 1900, je tombe sur ces quelques phrases auxquelles j’avoue souscrire entièrement, en attendant mieux encore par l’action politique et la conquête sociale : « Les intérêts du Roi et de la classe ouvrière sont confondus. Le Roi exilé, c’est la classe ouvrière maintenue dans la servitude ; le Roi sur le Trône, c’est l’abolition du prolétariat, c’est le droit de cité restitué à la classe ouvrière ». Oui, le droit de cité, le droit de se faire entendre et respecter par les forces financières et industrielles, et celui d’être écoutée et, éventuellement et autant que faire se peut, soutenue par une classe politique qui, aujourd’hui malheureusement, préfère parler de mythiques « valeurs de la République » plutôt que de préserver les intérêts concrets des ouvriers, ceux d’ici et de maintenant.

Puisque la République ne veut pas assurer la défense ouvrière française, il faudra bien que les royalistes, sociaux par nature, assument avec d’autres (qu’ils soient de droite ou de gauche, des marges ou des centres, syndicalistes ou indépendants), cette régence-là, en préparant le recours à cette Monarchie qui, pour s’enraciner, se devra d’être sociale et politique à la fois, juste et forte, protectrice et fédératrice. En un mot : royale !

https://www.actionfrancaise.net/2025/05/07/pour-ne-pas-oublier-la-question-ouvriere/

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