Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Bruno Retailleau, un jeune jockey sur un vieux cheval mort

Bruno Retailleau, un jeune jockey sur un vieux cheval mort

Non seulement, le match entre Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez ne passionnait pas les masses populaires ; mais, pour tout arranger, le suspense n’était pas du genre insoutenable. Sans surprise donc, ce dimanche 18 mai, le premier sort vainqueur avec 74,31 % des suffrages. Un triomphe en trompe-l’œil ?

Les raisons de ce dernier ne sont pas à aller chercher bien loin : « Le nombre d’adhérents en droit de voter a triplé pour l’occasion : il est passé de 40 000 à 120 000 en quelques mois », nous dit Le Figaro du lendemain. Inutile de préciser que les puissants réseaux catholiques, les mêmes qui avaient porté François Fillon à l’élection présidentielle de 2017, avec le succès qu’on sait, étaient à la manœuvre.

Il est vrai qu’à ce jeu d’influences, Laurent Wauquiez partait perdant, car n’incarnant par grand-chose ; lui, l’homme du sérail s’étant peu à peu retourné contre son milieu d’origine, passant de l’européisme béat au populisme de circonstance. Un coming-out qui laissait même Alain Minc, pourtant expert en européisme, plutôt perplexe.

Les incohérences d’un Laurent Wauquiez…

Bref, et ce au contraire d’un Bruno Retailleau, sa sincérité pouvait être mise en doute. Ce d’autant plus que les milieux catholiques conservateurs ne lui ont probablement pas pardonné sa volte-face, lors du vote, en 2019, par le Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes dont il est le président, d’une subvention de 22 000 euros à l’association SOS Chrétiens d’Orient. Parti la fleur au fusil, notre turlupin capitule immédiatement en rase campagne, lorsque ses opposants socialistes tweetent : « SOS Chrétiens d’Orient : @laurentwauquiez persiste à vouloir soutenir 1 asso dont les dirigeants sont connus pour leur appartenance à l’extrême droite. Non, L.Wauquiez n’a pas changé, il s’agit toujours de faire d’@auvergnerhalpes 1 labo politique d’une droite dure et identitaire. » Coucouche panier, en d’autres termes. Le genre de reniements que les actuels soutiens de Bruno Retailleau n’ont pas dû et ne sont pas près d’oublier. Ce qui lui donnait encore moins de poids lorsque voulant ouvrir « sa droite » à des personnalités telles qu’Éric Zemmour et Sara Knafo, il affirmait que le programme économique de Marine Le Pen est « d’extrême gauche ». Dans le même registre, sa proposition d’envoyer les OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon a laissé perplexe l’ensemble des observateurs du monde politique, tout comme celle d’un Gérald Darmanin, son frère jumeau de Garde des Sceaux, qui veut rouvrir le bagne de Cayenne pour les narcotrafiquants et les islamistes. En attendant d’envoyer tout ce joli petit monde sur la face cachée de la Lune ?

Plus sérieusement, le nouveau président des Républicains, même s’il s’est sagement tenu à l’écart de cette fête de l’esprit, n’a pas forcément de quoi sortir le mousseux et faire tourner les serviettes. Dimanche soir, un journaliste de France info, citant l’un de ses confrères du Parisien, remarquait, non sans raison : « Les LR ont un nouveau jockey, mais qui caracole aujourd’hui sur un cheval mort. » Comme quoi même les gens de gauche peuvent parfois faire preuve d’esprit.

L’impossible équation de Bruno Retailleau…

En effet, que reste-t-il aujourd’hui du parti gaulliste ? Sa frange de gauche, menée par l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, a rallié le macronisme tandis que son homologue de droite, Éric Ciotti, faisait de même avec le lepénisme. Ainsi, ne reste-t-il plus à Bruno Retailleau que les rogatons de ce qui fut naguère l’un des premiers mouvements politiques de France. L’heure n’est donc pas exactement à mettre le feu au dancefloor, tant les soutiens du nouveau champion, fussent-ils puissants et bien organisés, ne pèsent guère en termes électoraux ; la preuve par la démonstration de force de La Manif pour tous, qui ne s’est guère ensuite retrouvée dans les urnes.

Des LR au fond du trou électoral…

Pire, cette dégoulinante infernale ne date pas d’hier. De l’élection présidentielle de 2017 à celle de 2022, les résultats des candidats LR, François Fillon et Valérie Pécresse, passent de 20,01 % à 4,78 %. Aux législatives, flonflons et violons ne sont pas non plus au rendez-vous, avec 22,23 % en 2017, 7,13 % en 2022 et 6,57 % en 2024. Les européennes ne sont guère plus joviales : 8,48 % en 2019 et 7,25 % en 2024. Si l’on résume, la hausse est à la baisse, comme disent les technocrates. Certes, il leur reste encore le Sénat, la maison de retraite la plus huppée du pays, mais cela fait court, très court. Pour se refaire la cerise, il y a bien sûr les élections municipales de l’année prochaine.

Seulement voilà, les grandes villes votent à gauche et les petites communes plébiscitent le Rassemblement national. Ne demeurent alors plus que les villes moyennes, où les notables conservateurs peuvent encore faire la différence, même si le vote RN y est de plus en plus menaçant : Perpignan, Béziers ou Fréjus sont déjà tombés ; la suite pourrait être plus inquiétante encore pour cette droite dite « classique ». Là encore, la voie est étroite, comme aurait pu dire Jean-Claude Brialy, lorsqu’il échangeait avec son coiffeur ou son attaché de presse.

Ce sont donc ces travaux d’Hercule qui attentent le Vendéen.

Si on le voit mal suivre le chemin d’Éric Ciotti ; au moins peut-il, a minima, accepter un accord de retrait réciproque en faveur du candidat de droite le mieux placé pour le second tour. Ira-t-il jusque-là ? Peut-être. Mais est-il en position de force pour négocier un tel accord ? Rien n’est moins sûr. Car malgré le flou régnant à la tête du Rassemblement national, si ce n’est pas Marine, ce sera Jordan, ou inversement. Et les deux affichent des résultats à l’insolente santé dans toutes les enquêtes d’opinion, que ce soit en matière de popularité ou de soutien.

Au-delà de ces questions stratégiques, demeure la tactique à adopter. Si Bruno Retailleau quitte trop tôt la Place Beauvau, il ne pourra espérer obtenir les résultats escomptés en matière de sécurité. Mais s’il la quitte trop tard, il pourrait lui être reproché de s’être trop longtemps compromis avec Emmanuel Macron.

En politique, être à la croisée des chemins n’est jamais aisé. Surtout quand en lieu et place d’autoroutes, il ne s’agit jamais que de sentiers de montagne.

https://www.revue-elements.com/bruno-retailleau-un-jeune-jockey-sur-un-vieux-cheval-mort/

Écrire un commentaire

Optionnel