La droite pèse deux fois plus lourd que la gauche, dans l’opinion. C’est ce que montre un sondage IFOP Fiducial pour Le Figaro et Sud Radio. Sauf que la droite est parfaitement désunie, tandis que la gauche, bien que faible, pense déjà à unir ses forces. L’électorat de droite est-il maudit, éternellement condamné à perdre ?
Les dynamiques électorales ne sont pas qu’arithmétique, mais on remarque qu’en additionnant Arthaud, Mélenchon, Roussel, Faure et Tondelier, on obtient 26,5 % ; le centre, en la personne d’Édouard Philippe, représente 21 %, et la somme de Retailleau, Dupont-Aignan, Bardella et Zemmour parvient à 52,5 %.
D’après Michel Audiard, « quand les types de 130 kilos disent certaines choses, les types de 60 kilos les écoutent ». Pas en politique, visiblement : c’est la droite qui se tait et la gauche qui impose ses vues.
60 ans ou le sexe des anges
Certes, pour d’aucuns, le RN ne serait pas de droite. Pour Bruno Retailleau, il serait même d’extrême gauche. Notons que du temps du RPR et de l’UMP, on ne pouvait pas s’allier avec le FN parce que c’était des fachos d’extrême droite. Aujourd’hui, on ne peut pas s’allier avec le RN parce que ce sont des salauds d’extrême gauche. Le changement de pied est assez radical.
L'autre argument avancé est que Marine Le Pen récuse elle-même cette étiquette. Sauf que l’institut de sondage, dans la présentation de son classement, ne s’y trompe pas. Rajoutons qu'on peut faire une dissertation en trois parties en convoquant Raymond Aron pour définir ce qu’est vraiment la droite, mais l’essentiel, c’est l’acception commune du mot dans l’opinion publique : pour le vulgum pecus, sont de gauche l’immigrationnisme, le wokisme, le laxisme judiciaire, le progressisme échevelé, l’écologie punitive, la détestation de la France et la volonté de la dissoudre dans un grand tout. À l’inverse, lorsqu’on est contre l’immigration, pour l’ordre, la sécurité, l’autorité, l’enracinement, la grandeur de la France, la préservation de notre culture, de notre civilisation, de notre patrimoine matériel et immatériel, de nos terroirs, de nos frontières et de nos limites, que l’on promeut la natalité et la souveraineté, que l’on pense que l’immigration n’est pas une chance et qu’il faut lutter de toutes nos forces contre la montée d’un islam conquérant en France, on est qualifié, à tort ou à raison, de droite.
Le nœud de la discorde serait l’âge de départ à la retraite. Les Byzantins qui discutaient du sexe des anges pendant que les envahisseurs étaient à leurs portes. Notre sexe des anges, à nous, s’écrit en deux chiffres : 60 ans. Pendant que les Frères musulmans étendent leurs ramifications et mettent en coupe réglée nos quartiers, on ratiocine. Je rassure déjà les femmes si, d’aventure, la charia s’installe un peu rudement en France, façon Afghanistan : il n’est pas certain que nous autres ayons encore le droit de travailler, la question sera donc réglée pour la moitié de la population. La maison brûle ; les Français sont là, à la fenêtre, à appeler au secours, et nos politiques de droite, en bas, voient bien le feu, mais font leur mijaurée, se demandent s’ils peuvent porter ensemble la grande échelle sans se salir les mains par trop de proximité.
Sarah Knafo s’est dite prête, ce mercredi matin, sur Sud Radio, à travailler avec Retailleau. Mais s’il est une qualité que chacun reconnaît à Sarah Knafo, c’est sa grande cohérence. Comment celle-ci s’accommoderait-elle, et c'est du reste ce qu'elle précise peu ou prou aussitôt, d’un rapprochement avec Édouard Philippe - puisque Bruno Retailleau a déclaré, entre le maire du Havre et Marine Le Pen, préférer le second -, celui-là même qui refuse d’interdire complètement le voile islamique dans le sport et a appelé à voter communiste plutôt que RN aux dernières législatives ?
Entre deux Philippe...
Ces flirts politiques contre-nature sont tout ce qu’Éric Zemmour déteste et qu'il a résumé dans la célèbre formule « On nous avait promis le Kärcher™ et on a eu Kouchner », sur l’air du « Je voulais voir ta sœur et on a vu ta mère » de Brel. Aujourd’hui, gageons qu’aux côtés du Vendéen Retailleau, une partie majoritaire de l’électorat de droite, entre deux Philippe, préférerait voir Villiers qu’Édouard.
La gauche, elle, fourbit ses armes. François Ruffin propose d’organiser une primaire à gauche ayant pour périmètre tout le NFP allant « de Poutou à Hollande ». Que le Poutou ait accusé la police de tuer ou qualifié l’attaque du Hamas, deux jours après le 7 octobre, de « lutte nécessaire contre la colonisation menée par un État belliqueux et guerrier » importe peu, il est convenu, à l’approche des élections, de se découvrir une mémoire de poisson rouge.
Pendant ce temps, avec des minauderies de chaisières, la droite refuse de s’allier autour d’un dénominateur commun. Ils sont pourtant d’accord sur le diagnostic, ont identifié la matrice de notre délitement et, ô surprise, ce n’est pas l’âge du départ à la retraite. La droite la plus bête du monde ? Non, c’est encore trop gentil. Le vrai adjectif est « criminelle ». Voilà ce que pensent nombre de Français de droite. Philippe de Villiers (puisqu’on en parle) exhorte la droite à se libérer enfin des chaînes du piège mitterrandien qui a trop vécu et à brûler ce cordon sanitaire. De fait, le destin de la ficelle autour de la dinde de Noël, c’est, in fine, la poubelle, sous les détritus.