La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) vient de publier sa fiche n°23, consacrée à la situation économique et financière des hôpitaux publics pour l’année 2023. Les chiffres sont alarmants : jamais depuis 2005 les comptes hospitaliers n’avaient affiché un déficit aussi lourd. Au-delà des bilans comptables, c’est la capacité même du service public hospitalier à maintenir son niveau de service qui est interrogée.
Un déficit abyssal : 2,4 milliards d’euros en 2023
Après un déficit de 1,3 milliard d’euros en 2022, celui de 2023 atteint 2,4 milliards, soit 2,3 % des recettes. Une proportion inédite depuis le début du suivi statistique. Ce chiffre dépasse largement celui de l’année 2019 (565 millions d’euros), avant la crise sanitaire. Le déficit d’exploitation a doublé en un an pour atteindre -1,9 milliard d’euros.
Ce décrochage s’explique par plusieurs facteurs cumulatifs :
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la fin progressive des dispositifs exceptionnels mis en place durant la crise du Covid,
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une inflation persistante, notamment sur l’énergie,
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une hausse continue des charges d’exploitation (+6,6 %) qui dépasse celle des recettes (+5,6 %).
Trois hôpitaux sur quatre dans le rouge
En 2023, 75 % des hôpitaux publics ont affiché un résultat déficitaire. C’est bien plus qu’en 2019 (58 %), avant le Covid, et même qu’en 2022 (65 %). Le déficit cumulé des établissements déficitaires atteint 2,8 milliards d’euros, tandis que les établissements excédentaires (seulement 25 %) n’affichent qu’un excédent cumulé de 421 millions.
Les catégories les plus touchées sont :
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l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), avec un déficit de -3,9 % de ses recettes,
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les anciens hôpitaux locaux (-2,9 %),
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les petits centres hospitaliers (-3 %).
Seuls les centres spécialisés en psychiatrie tirent leur épingle du jeu, avec un excédent net de 2 %.
Des recettes tirées par l’Assurance maladie, mais insuffisantes
Les recettes globales ont atteint 103,6 milliards d’euros en 2023, dont 75,9 milliards issus de l’Assurance maladie, en hausse de 5,7 % sur un an. Mais cette croissance ne compense pas la flambée des coûts. Par ailleurs, le poids de l’Assurance maladie dans les recettes baisse pour la deuxième année consécutive, passant de 77,1 % en 2022 à 76,4 % en 2023.
La Garantie de financement (GF), mise en place durant le Covid, a laissé la place à la Sécurisation modulée à l’activité (SMA), dispositif moins généreux. Les aides sont ainsi passées de 1,8 milliard d’euros en 2022 à 1,1 milliard en 2023.
Les charges des hôpitaux publics ont grimpé à 105,9 milliards d’euros, dont 60,8 milliards pour les seules charges de personnel (+5 %). Les coûts liés à l’énergie et aux prestations générales ont explosé (+34,5 % pour les charges dites « hôtelières et générales »), atteignant 12 milliards d’euros.
Les dépenses à caractère médical (médicaments, dispositifs…) continuent d’augmenter (+5,3 %), à 21 milliards d’euros.
Un effort d’investissement relancé, mais sous pression
Malgré ce contexte, l’investissement hospitalier est reparti à la hausse, grâce notamment au Ségur de la santé et à France Relance. Les hôpitaux publics ont investi 5,6 milliards d’euros en 2023 (soit 5,4 % de leurs recettes), un niveau inédit depuis 2015. Toutefois, la capacité d’autofinancement s’effondre à 1,7 % des recettes, contre 4,9 % en 2020. L’écart entre investissements et ressources propres se creuse, et la dépendance aux aides publiques et aux emprunts s’accentue.
La dette hospitalière diminue (30,1 milliards d’euros, soit 29 % des recettes), mais la durée apparente de la dette explose à 16,8 ans (contre 10,6 ans en 2022), traduisant l’incapacité croissante des établissements à rembourser sur leurs ressources propres.
La proportion d’établissements considérés comme surendettés repart à la hausse : 36,3 % en 2023 contre 33,6 % en 2022.
Si les hôpitaux publics continuent d’investir, c’est au prix d’un endettement long et de déficits massifs. Le fragile équilibre entre recettes assurantielles, charges salariales croissantes et investissements nécessaires semble désormais rompu. Derrière les chiffres, c’est la pérennité du modèle hospitalier public qui se joue. Et la série noire pourrait ne faire que commence
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