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[ÉDITO] Dette : on est vraiment au pied du mur… ou au bord du gouffre

Capture d'écran
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La motion de censure des socialistes rejetée, sans surprise, François Bayrou va donc pouvoir passer l’été à Matignon. En espérant que son bureau est climatisé, n’en déplaise à Agnès Pannier-Runacher, en charge de la brumisation gouvernementale, car, a priori, c’est un sale été qui se profile à l’horizon caniculaire. En effet, la Cour des comptes vient de rendre son rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques. Un rapport « destiné à éclairer le débat public en amont de la préparation des textes financiers qui seront présentés au Parlement à l’automne ». Samedi, BV vous posait cette question : « Dette : craignez-vous que la France ne subisse le sort de la Grèce ? » (vous pouvez encore répondre à cette question). À 93 %, résolument « budgéto-sceptiques », vous avez répondu « oui » ! Et, effectivement, il y a de quoi l’être, en lisant ce rapport qui nous dit, en gros, que la situation est grave, pour ne pas dire désespérée, tant au plan de la situation qu’à celui des perspectives.

Ce rapport tombe à quelques jours des annonces que doit faire François Bayrou, comme il l’avait promis au printemps, pour redresser durablement nos finances publiques, et ce, dès 2026 à travers la loi de finances et la loi de financement de la Sécurité sociale qui seront discutées au Parlement à la rentrée. La Cour des comptes le dit tout net : la France est au pied du mur. « Le report des efforts n’est plus possible, alors que la charge de la dette publique a déjà doublé entre 2020 et 2024 » (2020-2024 : le Covid-19, mais pas que). Traduction politique : le sale boulot, pour Bayrou, c’est maintenant.

Dynamique diabolique

La situation ? On la connaît, mais les magistrats de la rue Cambon enfoncent le clou : « Depuis plus de deux décennies, et à la différence notamment de l’Allemagne et de l’Italie, la dynamique de l’endettement a été principalement nourrie par l’accumulation de déficits primaires, alors que la croissance s’érodait progressivement. » Le déficit primaire, quésaco ? C’est le solde négatif du budget des administrations publiques, non compris les intérêts versés sur la dette. C’est-à-dire que notre endettement s’est accru principalement par « notre faute » (en fait, celle de nos gouvernants). La Cour le dit bien : « Le rôle des taux d’intérêt et des phénomènes de marché a été secondaire, dans cette dynamique. » Dynamique diabolique. Pire : « Ces déficits et cette dette croissants n’ont en outre pas eu comme principale contrepartie des investissements ou des dépenses d’avenir de nature à augmenter le potentiel de croissance future, mais ont d’abord financé la hausse des dépenses courantes, notamment liées au modèle social national et au vieillissement de la population. » Depuis plus de deux décennies, ça marche donc comme ça, en France : on s'endette pour fonctionner, pas pour investir.

Plus de vingt années maudites

Re-traduction politique : les ministres qui posaient fièrement, mercredi matin, autour du président de la République et du Premier ministre, après le Conseil des ministres, pour la photo traditionnelle qu’on avait oublié (ou pas) de faire lorsque Bayrou avait pris ses fonctions en décembre, s’ils ne sont pas complètement responsables de cette situation, n'en constituent pas moins, à travers ce fameux « socle commun », pour ne pas dire « cercle de la raison », un concentré, une synthèse, un précipité de tous ceux qui dirigent le pays, à gauche comme à droite, depuis plus de vingt ans. Macron ? N’en parlons pas, quinze ans qu’il est aux affaires : secrétaire général adjoint de l’Élysée, ministre de l’Économie, président de la République avec pratiquement tous les pouvoirs durant le premier quinquennat. Bayrou ? Pas responsable, mais un peu quand même aussi. Tout en dénonçant depuis de longues années les déficits successifs, il n'a jamais tiré politiquement les conséquences en se désolidarisant de la politique d’Emmanuel Macron.

Et l’on peut en dire autant des Darmanin, ministre des Comptes publics au début du premier quinquennat de Macron, des Valls et Borne, anciens Premiers ministres, des Lecornu dont le ministère cumule aujourd'hui des retards de paiement, malgré une loi de programmation ambitieuse et nécessaire. Quant aux LR, qui ont rejoint le « socle commun », on a bien compris qu'il s'agissait, en fait, de réactiver leur précieuse carte de crédit « parti de gouvernement ». Mais on pourrait aussi pointer du doigt la part de responsabilité de Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, qui fut un temps aux affaires durant ces vingt années maudites.

« Reprendre le contrôle »

Alors, la Cour des comptes préconise des « efforts très exigeants » durant les prochaines années afin de « reprendre le contrôle » de nos finances publiques. « Reprendre le contrôle », cela signifie, en clair dans le texte, qu’on ne contrôle plus rien du tout. Quel constat d’échec ! Il y a belle lurette que la fameuse maxime « gouverner, c’est prévoir » est passée par pertes et profits. Des efforts budgétaires très exigeants ? Facile à dire ou à écrire car, ajoute la Cour, « ces ajustements seront d’autant plus difficiles qu’ils doivent être socialement acceptables et ne pas porter atteinte au potentiel de croissance futur ». Autant dire mission impossible, pour un pouvoir exécutif impuissant, divisé, sans majorité au Parlement, sans soutien de l’opinion publique. Alors, ce rapport alarmant et alarmiste est peut-être finalement une aubaine, pour Bayrou. S’il tombe à l’automne en présentant un budget particulièrement rigoureux, s'appuyant notamment sur les constats de la Cour des comptes, il pourra prendre à témoin les Français et quitter Matignon en prenant une posture à la Mendès France ; bref, soigner sa sortie. Pendant ce temps, Macron sera toujours à l'Élysée. Et la France, dans tout ça ? Cette fois-ci, on est vraiment au pied du mur... ou au bord du gouffre.

Georges Michel

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