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Chikirou a encore frappé

250707

Qualifiée en juin 2023, par Le Figaro, « personnage de roman balzacien », Sophia Chikirou apparaissait depuis puiseurs années, aux yeux de bien d'autres observateurs avertis, comme la stratège de LFI.[1]⇓ La dire « controversée » paraît bien faible pour définir cette députée de la 6e circonscription de Paris.

Le Point en faisait même le « talon d'Achille » du chef de la France insoumise.

« Elle en abat, elle est directe, efficace, créative aussi, mais il faut suivre le rythme et comme elle est brute de décoffrage et que c’est quelqu’un d’entier, si elle n’est pas contente, on est vite au courant », résumait, en 2022, Clémentine Autain. Elle-même élue de la Seine-Saint-Denis, celle-ci avait mené aux côtés de notre brillante parisienne la campagne des régionales. D'une telle expérience elle avait retiré un bilan aussi clair que négatif.[2]⇓

Pour mesurer la véritable popularité interne de Chikirou au sein de la gauche et de son propre parti, on ne saurait trop conseiller de se référer, outre sa fiche Wikipedia, aux éclairages apportés par le livre La Meute[3]⇓ . Mais pas plus que sa relation avec Jean-Luc Mélenchon, célibataire « au sens fiscal du terme », rien de tout cela n'explique vraiment son rôle actuel. À peine s'attardera-t-on à considérer qu'elle fut « mise en examen dans l’affaire des comptes de campagne de LFI de 2017.[4]⇓

Au départ, fille d'un honnête militant cégétiste retourné à sa retraite dans sa Kabylie natale, Sophia Chikirou, se présentait comme une sorte de laïcarde à l’ancienne. Son livre, Ma France laïque, publié en 2007, portait pour bandeau « En finir avec les communautarismes ».

Depuis, élue des arrondissements de l'est parisien, elle met désormais l'excellence des bistrots asiatiques de Belleville au crédit de la propagande du régime totalitaire de Pékin.

Or, elle vient à cet égard de franchir un pas significatif dans le cadre de la Commission des affaires européennes. Elle y a signé, seule, ayant évincé son corapporteur Frédéric Petit, un Rapport de 153 pages, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale sous le N° 1588. Cette édifiante littérature se veut consacrée aux relations entre l’Union européenne et la Chine. Or, tout en épinglant l'Allemagne (pages 9, 51, 67 etc), tout en dénonçant notre voisin comme un « faux ami de la France » (page 60) et en pointant les divergences généralisées d'attitude au sein des 27 (page 36) elle rend hommage à l'héritage chiraquien remontant même à la décision gaullienne de reconnaître le régime maoïste en 1964.

Au sein de l'Institut de Recherche Stratégique de l'École Militaire, l’IRSEM, Paul Charon dirige le domaine Influence et Renseignement. Il n'hésite pas à dénoncer « ce rapport très positif pour les autorités chinoises. » Compte tenu de l’instrumentalisation prévisible, « elles auraient tort, dit le sinologue, de ne pas l’utiliser pour montrer l’absence d’unité au sein des autorités françaises. »  Un diplomate européen, cité par Le Monde, ajoute : « quand elle découvrira le rapport, l’ambassade chinoise va être ravie d’enfoncer un coin dans la position française ».[5]⇓ Sur des sujets internationaux sensibles, les rapports de l’Assemblée se montrent rarement si ouvertement contraires, en effet, à la doctrine officielle de l'État.

Députée des Hauts-de-Seine, Constance Le Grip s'étonne : on n'y trouve « aucune mention des ingérences étrangères chinoises ». Et pour cause. Jean-Luc Mélenchon, cité à quatre reprises, est la seule personnalité politique auditionnée. Or, son parti a toujours soutenu les positions de Pékin. Interrogée, Sophia Chikirou répond seulement que Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin, en qui elle voit sans doute deux exemples de probité, ont été sollicités mais qu'ils n’ont pas répondu.

La Commission des affaires européennes est composée de 47 membres. Lors de l'adoption seuls 8 députés étant présents : 4 députés LFI, 3 Renaissance et une Rassemblement national. Celle-ci, Sylvie Josserand fit observer : « Nous sommes réunis pour examiner un rapport aux failles majeures, qui illustre une bienveillance inquiétante envers la Chine. Ainsi, le rapport élude totalement les pratiques de dumping massif, les subventions publiques, et les transferts forcés de technologie orchestrées par Pékin. Ce comportement a pourtant contribué à la destruction de centaines de milliers d’emplois, en France et en Europe. » (page 139) Et de poser la question : « Madame le rapporteur, comment justifiez-vous l’absence totale de mention d’ingérence chinoise en Nouvelle-Calédonie, alors qu’elles sont documentées ? Comment expliquez-vous que tout en mentionnant la vassalisation de Washington, vous restez silencieuse sur le danger d’une vassalisation vis-à-vis de Pékin ? Changer de maître n’est pas gagner sa liberté... » (page 140)

D'emblée le document assène 50 recommandations (pages 11 à 16) toutes convergentes avec les désiderata de la Chine communiste.

L'ensemble de ce qui constitue la matière d'un petit livre va dans le même sens.

Ainsi, une réunion euro-chinoise étant prévue à Pékin pour les 24 et 25 juillet, on constate que « l’Union européenne reproche à la Chine ses soutiens massifs aux entreprises publiques et privées dans des secteurs jugés stratégiques (véhicules électriques, énergies renouvelables, semi-conducteurs), tandis que Pékin dénonce une vague de protectionnisme déguisé derrière les instruments de défense commerciale déployés par Bruxelles. Depuis 2023, les enquêtes et contre-enquêtes s’accumulent : l’UE cible les batteries et les voitures électriques chinoises, provoquant les réactions de la Chine sur le brandy, la viande porcine, les turbines industrielles. Ainsi l’Union européenne a mis en place au printemps 2025 une cellule de veille baptisée « Import Surveillance », censée détecter en temps réel les anomalies dans les flux d’importation. Du côté chinois, les réactions ont été directes. Le ministère du Commerce a qualifié la task force européenne de « nouvelle forme de barrière technique au commerce », (page 19)

Invitant (page 40) à mieux connaître la Chine le rapport vante avant tout son économie planifiée. Observant les quatorze plans quinquennaux adoptés depuis la fondation du régime, Mme Chikirou nous invite à en admirer, comme en rêvaient jadis militants du PSU, le caractère démocratique : « L’élaboration de chaque plan fait l’objet d’un large processus consultatif, la planification est un instrument de modernisation que les Chinois chérissent ; depuis les années 80, elle n’est plus rigide comme du temps de l’ère maoïste, mais au contraire, elle correspond à l’idée de mouvement et d’agilité de la pensée confucéenne » [sic]. Et de citer Lee Kuan Yew, qui fut Premier ministre à Singapour pendant plus de 30 ans : « les plans quinquennaux de la Chine ne sont pas des reliques soviétiques. L’Occident les méprise à ses risques et périls ». (page 41)

Plus loin on découvre aussi « Shanghai, laboratoire vivant de la civilisation écologique » (page 42)

Si le rôle central, dans tous les rouages de la société comme de la politique en Chine continentale n'est autre que le parti communiste, les bons esprits de la France (prétendument) insoumise refusent de qualifier ce régime de dictature, réservant ce terme aux régimes de type sud-américain, où un seul homme décide. Très différent, bien sûr, des systèmes de parti unique. Et de citer avec gourmandise l’adage institutionnel chinois : « Le Parti décide, l’État exécute. » Sur ce point, Voltaire, en son temps, leur a pourtant répondu à l'avance : « j'aime mieux être dévoré par un beau lion que pour deux cents rats de mon espèce. »

Étonnamment, dans le paradis de Mme Chikirou, une chose ne va pas bien : la démographie. Difficile de le nier. Depuis les mesures restrictives prises en 1979, le taux de fécondité est passé de 2,75 enfants par femme à 1,01 en 2024. Parallèlement, la politique de l’enfant unique a entraîné un déséquilibre marqué entre hommes et femmes, en raison notamment d’une préférence culturelle pour les garçons, qui a conduit à des avortements sélectifs et, plus marginalement, à des infanticides. Mais tout cela, qui remonte à Deng Xiaoping est, nous dit-on, serait en train de se corriger (on respire).

Page 57, on revient au sujet avec ce que le rapport dénonce comme un « discours normatif sur la défense des valeurs démocratiques : l’expression récurrente 'nos valeurs', omniprésente dans les discours officiels, fonctionne tel un mantra diplomatique. Ce recours incantatoire traduit une idéologisation de l’action extérieure de l’UE et semble annihiler toute capacité d’autonomie d’initiative.  Plusieurs analyses ont mis en évidence la montée d’un 'occidentalisme stratégique', à l’origine confinée au débat stratégique américain, et qui imprègne la lecture sécuritaire des relations euro-méditerranéennes...» Et quelques lignes plus loin : « la Chine considère l’extension du cadre otanien comme une provocation stratégique en Europe de l’Est comme en mer de Chine méridionale ou dans l’Indopacifique. » L’Opinion pouvait titrer, ce matin du 7 juillet, que « Pékin souffle le chaud avec la France et le froid avec l’Union européenne »[6]⇓ . Les 153 pages de Mme Chikirou y répondent présent à 100 % : « la France doit jouer un rôle distinct dans la défense du multilatéralisme et promouvoir un ordre international fondé sur l’inclusion et la coopération entre les nations » (page 81)

Chikirou, lors de sa visite à Pékin au ministère des Affaires étrangères chinois, a même reçu de l’ambassadeur Zhu Liying un message officiel fort rassurant : « La Chine ne va pas casser le système international, car elle fait partie du système » (page 79)Saluant la dédollarisation de l’économie mondiale, elle applaudit donc à ce qu'elle appelle « l’insoumission [le mot est lâché] monétaire de la Chine et de l’Europe ». (page 84). Le yuan par conséquent plutôt que le billet vertComme les calvinistes aiment à le répéter : il n‘y a que la foi qui sauve.

JG Malliarakis 

Apostilles

[1] cf. son portrait par Sophie de Ravinel, le 28 juin 2023, dans Le Figaro.
[2] cf. article "Législatives 2022 : à Belleville, Sophia Chikirou en terrain favorable, par Julie Carriat in Le Monde au 10 juin 2022.
[3] cf. livre "La Meute" par Charlotte Belaïch et Olivier Pérou. Cette Enquête de 352 pages sur la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon est parue en 2025, chez Flammarion.
[4] cf. article "La députée Sophia Chikirou mise en examen dans l’affaire des comptes de campagne de LFI de 2017" par Laura Motet in Le Monde au 24 septembre 2024.
[5] cf. article de Pierre Januel, "A l’Assemblée nationale, l’embarrassant rapport de Sophia Chikirou sur la Chine" publié par Le Monde en date du 4 juillet 2025, qui souligne : "La commission des affaires européennes de l’Assemblée a adopté un rapport sur les relations entre l’Europe et la Chine. Rédigé par la députée LFI Sophia Chikirou, le document prend des orientations très éloignées de celles du gouvernement."
[6] « Alors que la Chine durcit sa politique à l'égard de Bruxelles, elle semble compter sur Paris pour trouver des compromis… » écrit ainsi Claude Leblanc…...

https://www.insolent.fr/2025/07/chikirou-a-encore-frappe.html

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