Préparation du terrain par le CEMA
Et qu’a dit le CEMA ? Schématiquement, que ce monde est dangereux, que la guerre n’est pas aux portes de l’Europe mais qu’elle « est déjà là en Europe ». Que la menace principale en Europe, si elle n’est pas exclusive, c’est la Russie, « puissance nucléaire et conventionnelle », qu’elle représente « une menace durable, proche et dimensionnante », à l’horizon 2030. Toujours selon le général Burkhard, notre pays doit donc faire preuve de « lucidité » et éviter le « déni ». On en vient alors aux moyens : « Même si elle dispose d’une armée complète, les moyens de la France sont limités », a reconnu le général cinq étoiles. En clair, les armées ont besoin de plus de moyens et donc d’un budget encore plus important. On ne refera pas ici l’histoire des vingt dernières années durant lesquelles le budget de la défense a été bien souvent la variable d’ajustement du budget de la nation. Il est vrai que les militaires ne défilent que le 14 juillet, et pas pour revendiquer… La « prise de conscience généralisée » à laquelle le CEMA fait appel s’adresse d’ailleurs autant aux Français qu’aux responsables politiques. Souvenez-vous d’une autre adresse de Macron aux armées en 2017, sa première (« Je suis votre chef ! ») alors que le général de Villiers, justement, avait tiré le signal d’alarme sur la question des moyens alloués à nos armées. Aujourd’hui, compte tenu du retard pris, il faut donc mettre les bouchées doubles.
Et donc, voici la cavalerie Macron...
Une fois que l'artillerie a pilonné le terrain. Macron, sinon va-t-en-guerre, tout du moins use, abuse, diront certains, de la dramatisation. Macron pour annoncer, in fine, pas encore du sang et des larmes, mais des efforts supplémentaires pour notre défense. Dans son discours, ce dimanche soir, veille de fête nationale, il a enfoncé le clou sur la menace russe « durable » et sur le fait que le monde, aujourd’hui, est à « un moment de bascule » : « Jamais depuis 1945 notre liberté n’avait été aussi menacée. » « Liberté de notre Europe » : évidemment, tout le discours de Macron est marqué, sans surprise, par ce primat européen dont il ne se départit jamais. Alors, face aux menaces, Macron actualise le vieil adage « si vis pacem, para bellum » : « Pour être libre, il faut être craint, et pour être craint, il faut être puissant. » Qui n’adhérerait pas à ce slogan ? Et, donc ? Il faut de nouveaux efforts budgétaires. Par rapport à 2017, « nous allons doubler le budget de la défense d’ici 2027 au lieu de 2030 ». On accélère. Il était de 32,7 milliards d’euros, au début du premier mandat de Macron ; il va passer à plus de 60 milliards, à la fin de son second mandat. Ce qui implique 3,5 milliards supplémentaires sur le budget de 2026 et 3 milliards en plus sur le budget de 2027. À condition que…
À condition que chacun prenne « ses responsabilités pour l’an prochain », lance le Président. Et d'insister lourdement : « J’en appelle à la responsabilité nationale. » Si vous voyez ce que je veux dire…
Ceux qui ne voteront pas le budget seront des traîtres
En clair, que l’Assemblée nationale vote le projet de loi de finances (PLF) à l’automne. Macron, d’ailleurs, n’a pas manqué de tacler au passage les oppositions qui, l’an passé, ont voté la censure, responsable, selon lui, du retard dans l’exécution de la loi de programmation militaire (LPM). Et c’est là qu’on comprend toute la stratégie de Macron avec cette allocution aux armées, médiatisée comme jamais. Au-delà de l'hommage bien mérité aux armées et aux militaires, au-delà du constat évident sur les menaces qui pèsent sur notre pays comme sur le continent, sur la nécessité de muscler notre défense, il s’agit, accessoirement (ou pas...), de sauver le soldat Macron. En effet, si l'avant-poste Bayrou saute, le réduit Macron est fichu. Bayrou menacé de censure à la fin de l’automne sur le PLF (voir les déclarations du Rassemblement national et de la gauche, jusqu’aux socialistes qui se sont fait balader avec le conclave sur les retraites), Macron aura beau jeu d’en appeler au sens des responsabilités en rappelant la nécessité de renforcer notre défense. Censurer Bayrou s'apparenterait à un acte de trahison alors que « le salut de la patrie demande que l’on dépense plus pour la défense ». Au passage, comment ne pas être épaté par cette manière qu'a Macron d'en appeler au salut de la patrie, lui qui ne jure que par « notre Europe »...
Dépenser plus pour la défense, fort bien. Mais on attend avec impatience le soldat Bayrou qui doit nous dire, le 15 juillet, comment il va faire pour économiser 40 milliards, l’an prochain. Pardon, 43,5 milliards, si l’on a bien suivi Macron.
Georges Michel
https://www.bvoltaire.fr/allocution-de-macron-aux-armees-il-faut-sauver-le-soldat-macron/