Un condensé de toutes les « wokeries »
À tel point que le journal Marianne pose la question de la neutralité d’un tel festival, de plus en plus proche d’une tribune militante que d’un véritable projet artistique. Parler ici de neutralité, de liberté d’expression, d’invention ou d’originalité relève de plus en plus de la gageure. Le Festival In d’Avignon est devenu une sorte de condensé de toutes les wokeries les plus wokeuses du moment, mais avec quinze ans de retard au compteur.
Début juillet, son directeur Tiago Rodriguez publiait, dans les saintes écritures de Télérama, une tribune pour dénoncer les massacres orchestrés par l’État israélien. C’est son droit. Sauf que le Festival d’Avignon est financé essentiellement par l’argent public. Et dans la foulée, on retrouvait les principaux sujets qu’il faut avoir pour « être in » comme lui. Avec la gauche radicale et le combat pro-palestinien qui tient le haut du pavé, sans oublier l’éternel féminisme avec le procès Pélicot ou, bien sûr, les migrants, cette année version Liban : que de l’inattendu ! Un condensé de tous les poncifs culturels du moment.
Un spectacle Jeanne d'Arc aux allures de combat de boxe
Et s’il avait fallu un peu mieux m’en convaincre, dans le cadre des revisitations convenues, une nouvelle Jeanne d’Arc est venue nous rappeler à notre devoir d’insolence dans la version Festival Off Avignon. Cette nouvelle vague, intitulée Dissonance Jeanne d’Arc — et il est vrai que pour sonner faux, elle donne le la. On aurait pu tout aussi bien prendre Hitler, maman les petits bateaux ou la poupée Barbie qui dit non. Mais c’était Jeanne d’Arc… On y représente une émission de radio à la transgression décalée jusqu'à l’absurde. « Une dessinatrice LGBT+, un prêtre anarcho-monarchiste, une mystique façon sainte Thérèse, un juriste psychorigide, un metteur en scène insoumis et une journaliste d'extrême droite s'affrontent dans une émission dite de "culture", enregistrée dans les conditions du direct au théâtre des Carmes. Le sujet du débat : Jeanne d’Arc ! » : on jubile. Ce qui devait être, nous apprend-on, un chaste exercice de divertissement intelligent prend des allures d’un combat de boxe. Il est question « d'une jeune femme de 19 ans, de son corps érotisé et supplicié, de la foi, de la guerre. Un spectacle où le bouffon est roi et l'insolence salvatrice. »
Comme l’antique wokisme, on croyait Olivier et son Festival Py d’Avignon disparus : qu’on se rassure, notre culture conforme, rabâcheuse, estampillée DRAC, n’est pas morte ; elle a encore de beaux jours devant elle. Tiago Rodriguez est là, et la relève est assurée.