Son interview au Figaro de ce 27 août est un modèle d’aveuglement volontaire. Les 15 % de droits de douane infligés par Trump de manière léonine à une UE au comble de la veulerie, incapable de défendre les intérêts de ses habitants, en témoigne de manière spectaculaire. Bayrou lui-même a parlé de « soumission » européenne… Mais Séjourné, lui, est satisfait : « Le mandat qui a été donné à la Commission, avec un consensus total, était très clair : éviter l’escalade et écarter un "no deal", explique-t-il. Ursula von der Leyen l’a appliqué à la lettre. » En clair, réjouissons-nous, cela aurait pu être bien pire… Avec des avocats de ce calibre, la Justice n’aurait plus besoin de procureurs… « Le rapport de force n’était pas en faveur des Européens », explique piteusement Séjourné, un peu plus tard. Pourtant, l’Europe dispose d’une population supérieure à celle des États-Unis (449 millions d’habitants, contre 340 millions). Et puis, on croyait que Trump était nul, fou, incapable de mettre ses réformes à exécution. On croyait, aussi, que la France serait bien plus puissante dans l’Europe, que l’UE en remontrerait au monde entier… On allait voir ce qu’on allait voir. Une fois de plus, on voit…
Apprendre les bases d'une négociation
Quant au président de la République, il a été « l’un des plus en pointe parmi ceux qui ont tenté de durcir cette négociation », nous explique le merveilleux Séjourné, façon saint Jean Bouche d'or. Cet accord, c'est donc un peu le bilan du président de la République française. L'imam caché de l'UE a encore frappé et c'est la France qui se découvre des bleus au corps.
Séjourné fait d'autres aveux, dans ce monument de langue bois. Le successeur de Thierry Breton y est contraint pour masquer le spectacle terrible du Waterloo européen : « Notre faiblesse tient à la structure même de l’Union européenne. Tout est imbriqué et Trump a lié des sujets différents – commerce, défense, enjeux territoriaux comme le Canada ou le Groenland – alors qu’ils ne relèvent pas tous de l’Union européenne », déplore-t-il. Eh oui, sortir du cadre de la compétence de son interlocuteur, mettre la barre haut, faire peur, impressionner, promettre le pire : l'UE a expérimenté la base de ce qu'on appelle une négociation, quel que soit le secteur et quelle que soit l’époque. Que Séjourné s’en étonne a de quoi inquiéter ceux que ce gentil naïf payé plus de 20.000 euros bruts mensuels à 40 ans est censé défendre : les Français et les Européens. Il faut offrir d'urgence un cours de première année de BTS action commerciale à Stéphane Séjourné ! « L’accord est loin d’être parfait, mais il est bien meilleur que ce qu’ont obtenu tous les pays de la planète, dont le Royaume-Uni et le Japon », ose notre vice-président. Le Japon est pourtant essentiellement à 15 %. Quant au Royaume-Uni, il est l’un des pays qui ont le mieux négocié. Seul, sans l’UE, il obtient un taux de 10 % (contre 15 % pour l’UE) sur l’essentiel de ses produits. Les vins et les spiritueux, grande richesse française, n’ont finalement pas été exemptés. Un désastre.
L’Ukraine ? Si on arrive à peser et à participer aux négociations, « ce sera un succès », assure notre européiste stipendié. Il faut savoir réduire ses ambitions pour pouvoir présenter ses échecs comme des succès. Cette leçon simple est assimilée. Mais l’UE a aussi promis 600 milliards d’investissements aux États-Unis et un chèque de 750 milliards pour des achats d’hydrocarbures. Séjourné bredouille : ces dépenses « relèvent in fine du secteur privé ». Oui, mais hélas, certains Français attendent leurs revenus du même secteur privé, qui a le devoir de rester compétitif… Ce n’est pas fini : Séjourné veut signer le Mercosur : « Il faut résoudre la question des inquiétudes de nos agriculteurs », balaye-t-il. La France propose des pistes… Il faut aussi signer le CETA, l’accord entre l'UE et le Canada ! Quand tout démontre que vous faites fausse route, il devient urgent d'accélérer.
Théorie du maillon
Contradiction ? Séjourné a trouvé les coupables de ces échecs patents : l’opposition, bien sûr. « De nombreuses forces politiques sont complices d’un affaiblissement sans précédent de la France », lance-t-il, avec le culot qui caractérise le macronisme. Macron n’y est donc pour rien. Nos gouvernants depuis plus de dix ans sont blancs comme neige et innocents comme l’agneau de prairie au printemps.
À une dernière question, Séjourné répond : « Je ne crois pas que [la France] soit le maillon faible, mais elle doit redevenir le maillon fort ». Une théorie du maillon qu'il faudra éclaircir. Mais pas question de changer quoi que ce soit ! Encore moins de lâcher la barre. On ne change pas une équipe qui perd. Pas question, non plus, d’interroger une doctrine européiste dont tous les indicateurs montrent qu’elle mène le pays droit dans le mur économique, politique et sociétal.
En 2019, tout juste élu eurodéputé, Stéphane Séjourné expliquait, doctement : « L'Europe change beaucoup la vie des gens. C'est méconnu en France, mais les dossiers que nous traitons […] changent la vie quotidienne des gens. » Pas faux, l'UE fait de la France, jour après jour, un pays plus ruiné et soumis que la veille. Mais l'UE aura sans conteste amélioré la vie de Stéphane Séjourné. C'est toujours cela de pris.