On note, pour commencer, qu’après un certain nombre de leaders du premier parti de France (Sanchez, Aliot), c’est d’abord Marine Le Pen qui s’est exprimée, avant Jordan Bardella. Manière de respecter le protocole, puisque c’est ce dernier qui dirige officiellement le parti. Manière aussi, peut-être, de passer le témoin à plus jeune et plus prometteur, Bardella, coqueluche de la génération Z et artiste des réseaux sociaux.
Marine Le Pen a en quelque sorte préparé le terrain. Elle a critiqué, en quelques phrases bien senties mais assez généralistes, le mépris du peuple par la Macronie aux abois, la nomination d’un fidèle de la première heure par un Président de plus en plus isolé, mais aussi la dictature de l’Union européenne, l’empilement des agences qui ne servent à rien au sein de l’administration publique ou encore la gabegie financière qui n’en finit pas. Avec son ton habituel, gouailleur, populaire, émaillé de formules bien trouvées - et peut-être encore un petit peu agressif, diront certains. Florilège : « Un Premier ministre vient d’être nommé, sans majorité, sans autre projet que de se maintenir au pouvoir », s’est moquée Marine Le Pen. Filant la métaphore rugbystique, elle a ironisé sur « le bloc macroniste [qui] se couche sur le ballon pour empêcher la partie », avant de donner le coup de grâce : « Croyez-vous que dans une démocratie, un pouvoir puisse gouverner avec 15 petits points d’opinions favorables ? » Quant à sa détermination à mener le RN à la victoire, elle était toute contenue dans deux phrases lapidaires : « Nous le ferons ! », « Nous sommes prêts ! »
Marine Le Pen et Jordan Bardella : un duo bien réglé
Ensuite, place à Bardella, dans un duo parfaitement réglé. Plus précis, moins bateleur, le président du RN a énuméré les mesures pratiques dont Marine Le Pen n’avait fait qu’esquisser les contours : suppression de l’AME et de la CAF pour les étrangers en situation irrégulière ; fermeture des agences publiques qui coûtent sans produire (parmi lesquelles il place l’Arcom…) ; privatisation de l’audiovisuel public ; prison automatique pour les agresseurs de policiers ; référendum populaire sur la politique migratoire ; fermeture des robinets de l’immigration incontrôlée. Dans une envolée particulièrement applaudie, il a déroulé toutes les pompes à immigration dans le viseur, en terminant à chaque fois par « Avec nous, c'est terminé ! »
Ces deux interventions, bien tournées et résolument marquées par l’esprit de sérieux, montrent d’abord que le RN a réussi sa mue. C’est un parti de gouvernement, en tout cas qui aspire clairement à gouverner. Bien plus, d’ailleurs, que des socialistes qui, du haut de leur 1,4 % à la présidentielle, s’offusquent encore qu’on ne les laisse pas accéder au pouvoir. Elles montrent ensuite que le RN n’hésite pas à reprendre les bonnes idées venues de sa famille de pensée. Le référendum sur l’immigration ? Une brillante idée de Philippe de Villiers (nous en avons déjà parlé). La privatisation de l’audiovisuel public ? Une autre brillante idée, défendue depuis longtemps par Marion Maréchal, Éric Zemmour et Sarah Knafo.
Un Rassemblement national prêt à gouverner
« Un retour aux urnes » : c’est ce que réclame Marine Le Pen, tandis que Jordan Bardella, lui, en appelle au sens de l’honneur gaullien pour évoquer la démission du président de la République. Ces deux-là sont complémentaires, forment une équipe qui marche, un tandem qui se renvoie la balle et partage tout sur le fond, chacun avec sa forme bien à lui.
Le Rassemblement national semble donc prêt. « Tout n’est qu’une affaire de volonté politique », résume Marine Le Pen. Ce dimanche, le RN a donné l’image d’un parti solide, fort des ses nombreux parlementaires, dont les mesures sont concrètes, les constats chiffrés, les engagements précis. On est bien loin du carnage du débat de 2017, face à un Emmanuel Macron déjà orphique et méprisant mais, à l’époque, incontestablement plus au fait des sujets. En 2027, dix ans auront passé, le RN a toutes ses chances pour être une nouvelle fois au second tour de la présidentielle. La suite le dira. En tout cas, Bordeaux : une démonstration de force face à un pouvoir macroniste en bout de course.