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[ÉDITO] Arrivée possible du RN au pouvoir : les socialistes ne savent plus quoi inventer

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Le 6 novembre prochain, le Sénat examinera une proposition de loi constitutionnelle, déposée par le groupe socialiste, visant « à protéger la Constitution, en limitant sa révision à la voie de l'article 89 ». Allons droit au but : il s’agit, pour les socialistes, de se prémunir d’une éventuelle victoire du Rassemblement national en 2027. Le Parti socialiste, dont la candidate n’obtint que 1,75 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle (le pire score de son histoire, Gaston Defferre, en 1969, ayant fait 5,01 %), en est réduit à ce genre de manœuvre pour verrouiller, pour ne pas dire verminer, le « système » afin que le camp national, s'il arrivait aux affaires, soit entravé dans son action.

Soixante ans de « forfaiture » ?

Du reste, les socialistes ne s’en cachent même pas puisque, dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi constitutionnelle, Marine Le Pen est clairement nommée : « Le 25 janvier 2024, Marine Le Pen et ses collègues ont déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de loi constitutionnelle "Citoyenneté-Identité-Immigration". » Au cœur du projet politique de Marine Le Pen, un référendum sur l’immigration. Pour faire court, l’idée de l’ancienne (et future ?) candidate à la présidence de la République est de faire appel au peuple, sur cette question existentielle pour notre nation, par la voie référendaire en utilisant l’article 11 de la Constitution. Un article qui dispense le chef de l’État de passer par le Parlement. Pour les socialistes, « cette proposition de loi constitutionnelle du Rassemblent national est une arme de destruction de notre République telle que nous la connaissons ». Carrément. L'expression « révolution nationale », allusion évidente au régime de Vichy, est même employée dans l'exposé des motifs. Il est vrai que les socialistes savent de quoi ils parlent, leurs « ancêtres » de la SFIO ayant, pour la majorité d'entre eux, voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en juillet 1940 (90 parlementaires, tout de même !). Mais ça, c'est une autre histoire. Quoique.

Rappelons qu'en 1962, le général de Gaulle utilisa l'article 11 de la Constitution pour la modifier afin d'introduire l’élection du président de la République au suffrage universel. « Forfaiture », hurla le président du Sénat de l’époque, le radical Gaston Monnerville, qui estimait que cet article 11 n’était pas fait pour réviser la Constitution. Les constitutionnalistes en discutent encore aujourd’hui, mais depuis soixante ans (première élection au suffrage universel en décembre 1965), notre République vivrait donc sous le régime de la forfaiture. On a du mal à y croire !

On a bien compris la manœuvre...

Cet article 11 prévoit que le président de la République peut soumettre à référendum « tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent ». Or, la question migratoire, avec toutes les implications que l'on connaît, ne relève-t-elle pas de la politique sociale de notre pays ? On peut le penser et se poser justement la question.

Alors, les socialistes veulent régler la question. Leur proposition de loi constitutionnelle vise tout simplement à ce que toute révision constitutionnelle passe par les fourches Caudines du Parlement. Bien vu ! Et, donc, l’article 89 de la Constitution évoqué plus haut. Sachant que toute révision constitutionnelle par cette voie nécessite un vote du texte dans les mêmes termes par chaque chambre et une majorité des trois cinquièmes du Parlement réuni en Congrès (députés et sénateurs), elle sera quasi impossible à obtenir. On a bien compris la manœuvre.

Cette proposition de loi constitutionnelle peut-elle prospérer et aller à son terme ? On peut en douter, dans le contexte politique actuel. Du reste, il faudrait le concours des députés et sénateurs LR qui, ainsi, renieraient définitivement le peu de ce qu’il leur reste de gaulliste, en confessant en quelque sorte la « forfaiture » de 1962. Cette « forfaiture » sur laquelle, depuis, a reposé toute la mythologie gaulliste de la « rencontre d’un homme et d’un peuple », largement exploitée par les lointains et très indignes successeurs de l’homme de Colombey. Et puis, « petit détail » qui a peut-être échappé à nos législateurs : l’article 89 de la Constitution prévoit tout de même qu’« en cas de proposition de loi constitutionnelle [à la différence des projets de loi, à l’initiative du gouvernement], le recours au référendum est obligatoire ». Eh oui, il faudra quand même passer par le peuple. C'est ballot, ça !

On ne peut que sourire de cette initiative socialiste, visant à « protéger la Constitution » en la torturant dans un esprit tout à fait contraire à celui qui inspira ses pères fondateurs. Mais, on l'a bien compris, tout est bon, au nom du fameux État de droit, pour enlever au peuple le peu de souveraineté qui lui reste.

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