Une plaidoirie pour la liberté d’expression
Le tribunal a estimé que ces propos restaient dans le cadre de la liberté d’expression, comme l’a plaidé leur défense, Me Fabrice Delinde. L’enjeu du dossier, selon l’avocat au barreau des Hauts-de-Seine, portait justement sur l’équilibre entre cette liberté d’expression et les infractions poursuivies. La notion d’outrage, explique-t-il, ne pouvait s’appliquer puisque les propos relevaient d’une « attaque symbolique des manquements de l’État » et non d’une attaque personnelle contre le maire présent lors de l’hommage, « qui de toute façon n’a aucun pouvoir en la matière ».
Concernant la provocation à la haine, il soutient qu’elle ne pouvait être retenue qu’en cas de propos visant des personnes en raison de leur couleur de peau, de leur ethnie, de leur religion ou de leur non-appartenance à la nation. Hors, les militants « visaient une catégorie administrative » dont la présence est par ailleurs illégale sur le territoire. Il rappelle également que l’exonération d’infraction peut être admise lorsque des propos sont jugés « utiles au débat public », une appréciation qui demeure laissée à la Justice.
Un « stress important »
« Heureusement qu’elle existe encore plus ou moins », réagit l’un des militants, soulagé malgré les « abus juridiques » qu’il dénonce. Pendant neuf mois, après 24 heures de garde à vue, il a vécu sous un contrôle judiciaire strict : interdiction de contacter son ami, interdiction de participer à des manifestations sur voie publique. Une seule dérogation lui avait été accordée pour se rendre au pèlerinage de Chartres, en mai. « On prend tarif pendant un certain de temps », résume-t-il, avant de rappeler qu’il ressort avec un casier judiciaire vierge. « Sans compter un stress important : je n’ai pas dormi de la nuit la veille en voyant la constitution des parties civiles ».
La LICRA, SOS Racisme et la LDH s’étaient portées parties civiles, comme ces associations ont pour habitude de le faire. Ensemble, leurs avocats réclamaient 6.000 euros aux deux militants, qui ne voient dans cette procédure « rien d’autre qu’un procès politique ». Contactées, les associations n'ont pas donné suite à nos sollicitations.
Une « judiciarisation du discours anti-immigration »
« Cette mise en cause n’avait pas lieu d’être », dénonce encore l’un d’eux, alors que les prévenus expliquaient, lors de l’audience, s’être sentis « salis » et « insultés » par un hommage où « il n’a pas été fait état de la situation du mis en cause, un OQTF, et du caractère islamique de l’attentat », rapporte Le Parisien.
De son côté, Me Matthieu Sassi, avocat au barreau de Paris, voit dans cette affaire un exemple de ce qu’il décrit comme une « judiciarisation du discours anti-immigration qui se solde régulièrement par des relaxes et témoigne en fait d’une politique publique qui veut empêcher la parole de se libérer à ce sujet ».
« Tout ce qu’on a demandé, c’est une application de la loi », rappelle, enfin, l’un des militants, qui ne voit dans cette procédure « rien d'autre qu'un procès politique ».