Mercredi 3 décembre, France Culture a ainsi diffusé un débat baptisé « Commission d’enquête : l’audiovisuel public fait-il l’objet d’un procès politique ? ». Le point d’interrogation semblait bien superflu, tant on comprenait que la réponse attendue se trouvait dans la question. « Certaines personnalités politiques ou titres médiatiques, dont ceux appartenant au groupe Bolloré, répètent à l’envi depuis des années que l’audiovisuel public suit un agenda politique et penche fortement à gauche, dénonçait, en introduction, France Culture. L’audiovisuel public manque-t-il vraiment de neutralité ? Attaquer l’audiovisuel public, est-ce s’attaquer à la démocratie ? » Pour répondre à ces questions à peine orientées, la radio avait invité Alexis Lévrier, « historien des médias » de son état, mais surtout militant de gauche notoire qui n’hésite pas à retweeter, sur X, Edwy Plenel, Daniel Schneidermann ou Jean-Michel Aphatie. « L’audiovisuel n’est pas parfait, […] il peut y avoir des dérives, a-t-il, tout d’abord, reconnu, avant de passer à l’offensive. La commission d’enquête n’a cependant pas été lancée là-dessus : c’est bien un projet politique ou, plus exactement, un projet politico-médiatique. » Et l’expert autoproclamé de s’attaquer sans surprise à l’incarnation contemporaine du Mal : « C’est une opération politique lancée par le groupe Bolloré pour affaiblir l’audiovisuel public ! […] Il a une stratégie de conquête du pouvoir et ça passe par l’affaiblissement de l’audiovisuel public. Et le résultat, c’est la baisse des audiences : France Inter a perdu 500.000 auditeurs ! »
Selon Alexis Lévrier, les attaques contre l’audiovisuel public seraient d’autant plus infondées que « la neutralité en matière de journalisme n’existe pas ». L’historien rappelle que la neutralité n’est qu’un « idéal » vers lequel il faut tendre. « L’impartialité s’est brandie dès l'Ancien Régime par les détracteurs en disant : "vous n’êtes pas impartial, vous ne méritez pas d’être journaliste". On retrouve cela aujourd’hui quand on veut disqualifier le journalisme. » Soit, mais pourquoi cet argument vaudrait-il pour le service public et pas pour CNews, lui aussi régulièrement accusé d’impartialité ?
Roselyne en renfort
Également présente sur le plateau, Roselyne Bachelot est allée dans le même sens, dénonçant un injuste « pilonnage » de France Télévisions et Radio France. « Le service public de l’audiovisuel a été désigné comme le bouc émissaire de toutes les insatisfactions et dérives qui se passent dans le paysage informationnel, a ainsi défendu l’ancien ministre de la Culture. J’ai beaucoup d’inquiétude devant ce débat qui me paraît faussé. […] Il y a, en ce moment, un projet politique qui cible délibérément le service public de l'information. » Petit détail : Mme Bachelot officie actuellement en tant que chroniqueuse à France Musique, autre station de Radio France…
Face à cette défense unanime, le journaliste Brice Couturier a eu bien du mal à faire entendre un autre son de cloche. Il a néanmoins dénoncé la « dérive » d’antennes publiques qui se sont clairement « alignées sur des positions de gauche évidentes ». « Que France Culture penche à gauche me gêne moins que France Inter. Là, on a affaire au vaisseau amiral où il y a eu des dérives et un engagement », a-t-il déclaré, se faisant le porte-voix d’innombrables Français.
L’éloge de la bien-pensance
En nette supériorité numérique, les défenseurs du service public ont rapidement repris la main sur l’échange et balayé les arguments du sieur Couturier. Roselyne Bachelot s’est notamment livrée à un hommage appuyé de l’audiovisuel d’État. « Le service public est un patrimoine, un joyau, a-t-elle clamé. C’est une offre éditoriale à laquelle les Français sont très attachés. Ils y trouvent de la qualité, de la création, qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Les chiffres sont là pour justifier le besoin du service public. »
Un sondage publié samedi 6 décembre dans La Tribune Dimanche révèle, en effet, l’attachement des Français envers leurs médias publics. Mais, analysés dans le détail, ces « chiffres » ne traduisent pas une adhésion pleine et entière. Bien au contraire. On y découvre, ainsi, qu’à peine un Français sur deux (52 %) juge que l'audiovisuel public fournit une information fiable et indépendante, que 49 % estiment que l'audiovisuel public coûte trop cher, et surtout que 74 % ne sont pas attachés à France Inter. De quoi relativiser le bel enthousiasme de certains et expliquer, aussi, certaines baisses d’audience — sans en rendre CNews responsable.