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culture et histoire - Page 1271

  • Heidegger en 10 principes

    Heidegger fixe quelques principes simples qui peuvent changer notre vie et en faire une « existence », voire une « destinée ».
    Premier principe : s’étonner du don de l’existence
    Ne pas être indifférent à ce don extraordinaire qu’est notre existence. C’est la meilleure manière de n’être ni futile, ni purement utilitaire. L’étonnement est la première condition pour prendre conscience de la beauté du monde, pour penser le monde et pas simplement l’exploiter.
    Deuxième principe : être avec ! (Mitsein)
    Etre capable d’entendre les autres. Etre capable d’entendre, de prendre conscience de ses propres origines. C’est la base d’une société où chacun a soin des autres, loin de la brutalité du monde moderne où les rapports entre les hommes sont dominés par l’utilitarisme. Le « Mitsein » fonde une communauté qui est plus qu’une société. Dans cette communauté, les hommes ne sont pas interchangeables. On peut s’engager pour une communauté, engager même sa vie, on n’engage pas sa vie lorsqu’on a des rapports purement utilitaires avec autrui.
    Troisième principe : le temps advient !
    Il faut cesser de voir le temps seulement comme quelque chose qui fuit, comme un ennemi qui nous rapproche de la mort. Le temps qui arrive sur nous, qui advient, est une ressource à bien employer. Or le temps qui advient est aussi le temps qui fuit ! Sans fuite, il n’y aurait pas d’avènement possible ! Dès lors que le temps advient, on n’a pas de raison de le fuir dans le divertissement (au sens de Pascal), on va devenir responsable de cette richesse qui advient sans cesse, jusqu’à la mort. Cela entraîne dans la vie une certaine « tenue » éthique.
    Quatrième principe : ce qui est jeté est aussi envoyé !
    On est « jeté » dans la vie. On n’a pas choisi ni le lieu ni la date de notre naissance ! Mais on peut aussi considérer qu’on est « envoyé » pour accomplir une destinée qui a du sens. C’est ce que Heidegger appelle « le souci ». Une vie sans souci ressent le vide et l’ennui. Le souci nous temporalise, nous donne conscience que le temps est une richesse limitée par la mort. La morale est un appel du souci. Chacun ressent les appels de la conscience morale, qu’il l’admette ou non !
    Cinquième principe : la responsabilité dans le temps nous rend humains.
    La vie sort de son absurdité. Le passé, le présent et l’avenir ne s’opposent plus. L’avenir détermine le présent sur la base du passé. C’est alors qu’on ressent une vocation à accomplir une œuvre. La vie animale devient une existence humaine. Elle se déroule dans l’histoire et la liberté. Accepter cette responsabilité dans le temps est une « résolution » qui ouvre les portes de l’existence authentique.
    Sixième principe : c’est la pensée poétique et non la pensée scientifique qui nous fait naître à une vie existante.
    La pensée poétique pour Heidegger n’est pas un simple jeu esthétique, comme c’est le cas dans l’acception courante du mot « poésie ». La Bible, Homère sont des poésies dans le sens fort de Heidegger. Elles font apparaître un monde qui donne du sens à la vie des hommes. La science, elle, ne « pense » pas. Ce n’est pas son rôle. Elle ne porte aucun jugement esthétique ou moral, et ne fonde donc pas notre existence.
    Les quatre autres principes sont ceux du « quadriparti », du cadre dans lequel l’homme peut « habiter » le monde en tant qu’homme véritable (ni simple animal, ni matière première préférée de l’économie).
    Septième principe : la libération de la terre 
    C’est la prise de conscience de notre origine propre qui fonde une vie enracinée dans l’authenticité. Son contraire est l’exploitation de la terre par la technique, qui conduit à l’errance (déracinement).
    Huitième principe : l’accueil du ciel. 
    L’accueil du ciel sous lequel l’homme habite est l’accueil du temps qui permet de nous responsabiliser comme être humain libre dans l’histoire. Le contraire de l’accueil du temps est la révolution qui entraîne un retour à la barbarie.
    Neuvième principe : l’attente de la Divinité
    Pour Heidegger, l’ego ne saurait être la mesure de toute chose, car ce serait tomber dans l’oubli de l’Etre. L’attente de la Divinité s’oppose à la fabrication des idoles. L’attente (qui est en fait une écoute) s’oppose à l’idolâtrie. Elle est écoute d’une inspiration créatrice. La capacité créatrice de l’homme est inscrite dans sa destinée. Elle a un côté divin que sa nature animale n’explique pas.
    Dixième principe : La conduite des mortels
    Heidegger parle de mortels car la mort donne à l’homme sa dignité propre (il est seul à savoir qu’il va mourir contrairement à l’animal). L’homme en créant est amené à combattre donc à se sacrifier pour son œuvre, laquelle manifeste sa liberté dans l’histoire. La conduite des mortels consiste à leur faire quitter leur vie purement animale et les rendre capables de sacrifices, autrement les rendre capable d’héroïsme, donc hors tout calcul utilitaire. Son opposé est la futilité. La noblesse de cette tenue de l’homme dans l’existence est justement dans cette gratuité, où l’homme offre sa démarche héroïque en réponse au don de l’existence qui lui a été donné.

    Yvan BLOT, 17/09/09

    http://archives.polemia.com/article.php?id=2374

  • Chronique de livre: Laurent Obertone "La France Orange Mécanique 2015"

    383286295.jpgEn 2013, Laurent Obertone a réussi un coup de force prodigieux avec son premier livre. Grâce au succès de vente considérable de La France Orange Mécanique (plus de 200 000 exemplaires) et au coup de pub de Marine Le Pen, il a injecté un peu de réalité dans les grands médias orthodoxes. Avec lui il n’était plus possible de parler de « sentiment » d’insécurité, mais d’insécurité tout court. Sans surprise, la majorité des acteurs du spectacle d’occupation[1] n’acceptèrent pas la désillusion, les bas-fonds du « vivre ensemble » ne pouvaient pas être remis en cause. Son passage au « spectacle-parler » de Laurent Ruquier[2] était assez révélateur sur ce point. Le climax de l’émission fut atteint avec l’ineffable Aymeric Caron criant hystériquement toutes les inepties possibles, du genre « C’est quoi ces chiffres ? Quelles sont vos sources ? ». C’est qu’il doit bien connaître l’insécurité, lui qui reprocha à Obertone de ne pas dire « que ça va mieux », lui le bien-pense-peu capable de recevoir une protection policière sur demande[3]. Nous, les bouseux incultes, devrons faire sans. Faut dire qu’on n’a pas la chance (ONPC) d’avoir une petite copine au ministère de l’intérieur et d’être dans les petits papiers du gouvernement. Heureusement, comme le dit l’expression populaire :  « Le chien (de garde) aboie et la caravane passe… » Un mois plus tôt, l’Express avait expliqué qu’une partie des chiffres et des faits n’étaient pas cachés, car en accès libre (sic), donc cela prouvait que le livre était une « escroquerie »[4]. Tartufferie journalistique de premier ordre ! L’information doit être communiquée pour être connue. Connaissent-ils vraiment leur métier ? Toutes les calomnies et autres tentatives de mises à mort médiatiques, Obertone y revient longuement dans le prologue de la nouvelle édition (définitive) de La France Orange Mécanique. Dans cette mise à jour, sortie en avril 2015, 200 pages abondants de nouveaux éléments ont été ajoutés (pour un total de 500). Une belle occasion pour en écrire une fiche de lecture.

    Raphaël Sorin, directeur littéraire des éditions Ring, qualifie le livre de « puzzle reconstitué ». Je partage son avis. Bien entendu, les faits d’insécurité apparaissent tous les jours sur les chaînes d’information en continu. Toutefois, c’est de l’immédiateté, du spectacle pour rameuter les téléspectateurs et les exciter entre deux pages publicitaires.  Pour connaître l’ampleur de la violence, il est nécessaire de réaliser une mise en perspective. Or, comme le remarque l’auteur celle-ci se révèle impossible avec les médias nationaux, qui traitent l’information avec un filtre idéologique qui minimise ou accentue les actes malveillants, quand ce n’est pas pour les travestir totalement ou les mettre de côté. Cartographier l’étendue des méfaits en tous genres y est également honni. Contentez-vous d’un simple « tout va bien » d’un expert reconnu. Rien à voir ! Circulez ! Neutralité journalistique oblige, interdit de nourrir l’extrême droite avec ce sujet qui manipule les peurs. Hitler, les années 30, l’empire Sith, ne sont jamais loin. Cette hystérie autour de ce sujet n’a pas toujours existé selon l’essayiste. Il remarque que l’arrivée au deuxième tour des présidentielles de Jean-Marie Le Pen en 2002 marqua une rupture dans les médias. Depuis lors, aborder la réalité de l’insécurité, c’est faire systématiquement le jeu du FN. Le livre propose d’avoir un aperçu au-delà de tout parasitage informationnel.

    Laurent Obertone décrit une situation catastrophique. Pour s’en rendre compte l’auteur se base essentiellement sur la presse régionale et sur des chiffres fiables validés par le gouvernement lui-même. Derrière la froide et monotone sémantique journalistique, il étaye les faits; le décalage en est souvent saisissant. Certains pourraient interpréter la volonté d’Obertone d’énumérer et de détailler les actes malveillants pour du voyeurisme. Toutefois, élément rare, il n’oublie pas de donner une place aux victimes, souvent oubliées, sans tomber dans l’émotionnel. Nous ne sommes pas là pour jouir d’un bain de sang, mais redécouvrir ce que signifie une « rixe » ou un « viol avec violence ». En outre, l’ensemble de ce qui est montré dans le livre  n’est qu'une infime partie émergée de l’iceberg. Le recensement de tous les délits et crimes apparus dans la presse régionale le 19 janvier 2012 démontre que cette partie visible est déjà énorme. Les chiffres del'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) quant à eux, offrent une vision plus globale. Selon cet organisme approuvé par le gouvernement, sans compter les mineurs et les personnes de plus 75 ans, en 2013 on dénombre chaque jour en France:

    -          446 victimes de violences sexuelles hors ménage.

    -          1 154 victimes de violences physiques ou sexuelles au sein du ménage.

    -          1 361 victimes de violences physiques hors ménage.

    -          3 567 vols et tentatives de vols de véhicules.

    -          4 213 vols et tentatives de vols personnels, dont 1134 avec violences ou menaces.

    -          15 616 atteintes contre le logement ou le véhicule

    -          19 726 atteintes aux biens[5]

    Oui, oui, tous les jours. On pourrait penser comme Caron que « ça va mieux » qu’avant, mais l’essayiste prouve le contraire. Depuis les années 60, la criminalité a explosé à un rythme bien supérieur à la croissance démographique. Par-delà l’aspect quantitatif, elle a également changé de visage, l’avènement de l’ultraviolence en est sa transformation la plus saisissante. Finie la dispute entre deux amis bourrés à la fermeture d’un bar, tournant au vinaigre à cause  d’un mauvais coup de poing. Roger a tué Marcel, il sait qu’il a rompu son contrat avec la société, il ira en prison. Maintenant, laissez place aux agressions gratuites et sans limites pour « cigarette refusée » ou « mauvais regard », aux viols collectifs, aux tortures, aux vols à la chaîne, aux règlements de comptes à l’arme à feu, aux « morts pour rien » (mon expression journalistique favorite)... Tel que dans le filmOrange Mécanique, cette ultraviolence s’inscrit souvent dans des dynamiques de groupes où l’absence d’empathie est le caractère primordial.  Pour Obertone, un  groupe violent est une « tribu primitive qui évolue au sein d’une société développée »[6]. La violence naturelle et sociale contre ces nuisibles n’est plus possible aujourd’hui. Premièrement, parce que le Zeitgeist considère que l’agressivité est une pure construction sociale. Deuxièmement, car nous (citoyens) avons donné cette tâche à des institutions destinées à punir. Dans les faits, l’agressivité est en partie innée. Ainsi meurtriers et anti-sociaux auraient un cortex préfrontal plus petit que la moyenne. En outre, la société (via ses institutions) ne tempère plus l’agressivité sans limites de certains individus.

    La justice est devenue l’assistante sociale des criminels. Elle « ne sert plus à punir mais à égaliser »[7]. Les actes d’un accusé  s’expliquent toujours, pour elle, à l’aune des déterminismes sociaux. Elle croit fermement qu’expliquer c’est excuser. Elle ne joue plus son rôle : « Lorsqu’elle s’attarde sur une infraction, la justice ne doit pas chercher à en saisir les causes, c’est là le travail des philosophes. »[8] Aujourd’hui, les antisociaux ne risquent rien à commettre un crime et à récidiver; la culture de l’excuse est toujours dans leur camp. Leur infliger une peine c’est excessif. Ils étaient 100 000 condamnés à l’attendre en 2010, et on ne pensait déjà qu’à réinsérer ces enfants de cœur. Par contre, un bijoutier qui se défend d’un vol n’aura pas le droit à la clémence. Les agresseurs sont des victimes, les victimes des agresseurs. L’humble chroniqueur de cet article pourrait vous énumérer une quantité de preuves, dans le livre, du laxisme judiciaire. Cependant, l’actualité récente l’illustre parfaitement : « Condamné à la perpétuité en 2007 pour trois assassinats à Aix, et à 22 ans pour la mort d'un bijoutier en 2006 rue de la Palud (1e), Noël Mariotti est en semi-liberté ». CQFD !  Pour Obertone les peines prohibitives servent à protéger la société des individus dangereux. De plus, elles servent à tordre les déterminismes sociaux grâce à la dissuasion.  Elles font comprendre à des malfaiteurs potentiels qu’ils n’ont pas d’intérêt à commettre leurs actes au vue de ce qu’ils risquent. Tout être humain normal dispose d’une rationalité partielle certes, limitée, mais réelle pour juger de la pertinence d’une action (sauf dans le cas des fous).

    Heureusement pour nous, la priorité des politiques est la sécurité routière. Avec 3 268 morts sur les routes en 2013, on constate une excellente hiérarchisation des problèmes à résoudre. L’ironie mise de côté, la sécurité routière est un des nombreux cache-misère de l’inconséquence politique des élites actuelles, supportée en grande pompe par les médias. Des médias qui préféreront s’intéresser aux viols en Inde alors que selon Obertone, on en compte au moins 264 quotidiennement en France. (Eux aussi ont du mal avec le concept de hiérarchie.) Nous sommes dans une belle idiocratie passionnée par l’austérité, mais curieusement incapable de voir que : « Chaque année, la délinquance et la criminalité coûtent aux victimes et à l’Etat un total d’environ 115 milliards de d’euros ». (page 55)

    Avec ce constat accablant, l’écrivain invite à se demander pourquoi et comment notre système cautionne que l’on porte atteinte gravement à ses citoyens, tout en protégeant ceux qui s’écartent de la société par leurs actes. Pour lui, la cause profonde est l’actuelle morale hors-sol dont laquelle nous sommes baignées. Cette Morale du Bien vous la connaissez, elle se cache derrière une novlangue bien rodée : humanité, vivre-ensemble, padamalgam, discrimination, anti-racisme, ouverture, égalité, … Toutes les bonnes âmes du cercle politico-médiatique se livrent bataille pour savoir lequel est le meilleur dans la compétition morale. Bien sûr, derrière tous leurs bons mots, il n’y a que leur ego voulant gravir les échelons. Ils s’indignent de morts à 4000 km de chez eux alors que l’insécurité tue ici. Ils font penser au personnage de Florent Brunel dans les Inconnus :  « Il y a des soirs je me couche, en général vers 6 heures du matin, tu vois. Je pense au tiers monde, tout ça. J'arrive pas à m'endormir pendant un quart d'heure. » Ne pas adhérer à cette morale, c’est risquer l’exclusion du groupe. Cette peur tient en laisse tous les compétiteurs… Le problème de cette morale hors-sol est qu’elle est trop loin des réalités biologiques/anthropologiques de base. Elle veut tout faire pour échapper au bon sens et à la réalité, quitte à excuser des meurtriers, et à cracher sur des victimes. Elle est par ailleurs truffée de contradictions qu’aime relever l’écrivain : « La diversité, c’est bien, le métissage c’est mieux. Convenez que faire disparaître la diversité est une curieuse façon de la célébrer. »[9] Cette morale est largement répandue dans la population grâce aux médias, composés en très grande majorité de journalistes de gôche et d’extrême gauche suivant les désirs de leurs directions. C’est la télévision qui a distillé cette morale le plus efficacement. Le petit écran a informé la population, il l’a littéralement mise en forme : « Les gens participent à la même compétition morale que les journalistes. Il est remarquable de constater combien n’importe qui s’obstine à avoir une opinion sur n’importe quoi. Les individus qui appartiennent au groupe de ceux qui savent en tirent une gratification sociale.  »[10] Même si l’auteur ne le mentionne  pas, je trouve qu’on voit bien la continuité de cette compétition parmi certains vidéastes d’internet populaires. Ils critiquent les médias et les politiques, car ils perçoivent des contradictions, mais ils sont pire qu’eux. Ils ont gardé la même idéologie et se plient en quatre pour montrer qu’ils sont les champions du Bien. Ils nazifient tout ce qu’ils peuvent, sauf les membres de leur diversité bien chérie. Une réflexion-type de ces Héraclès de la pensée est à peu près comme cela: « Quand c’est diversité, Religion = Islam = Paix = ChancePourNous. Quand c’est autochtone, Religion = Catholicisme = Croisades = Guerre = Oppression = Proto-Nazisme.  » Attention, à les entendre, ils sont plus nuancés que les journalistes…  Ne leur parlez pas de la sur-représentativité statistique de certaines communautés dans la délinquance, alors que comme le démontre Obertone, c’est un fait avéré. Au lieu d’aider, ces populations en difficulté, ils crient au complot. Ils sont incapables de voir la différence quand elles ne cadrent pas avec leurs fantasmes.

    Le livre d’Obertone est assez clinique. Toutefois, il n’est pas dénué d’humour que l’auteur sait distiller avec parcimonie : « Manuel Valls a sérieusement proposé d’assigner les clandestins à résidence – parce qu’ils en ont ? – tout en les aidant à repartir. Autant salarier les voleurs et offrir des prostitués aux violeurs, on gagnera du temps. Valls a ensuite expliqué que le processus de naturalisation était « discriminant » (La Croix, 18/10/12).  Et le feu, ça brûle. Un choix, c’est discriminant. Le mérite, c’est discriminant. Un concours, c’est discriminant. Quand on aspire à être accepté par des gens – et à fortiori par un pays -, on s’attend à être discriminé. Mais pour Manuel, ce n’est pas comme ça que ça marche. La naturalisation, c’est un droit de l’Homme, ce sont les Français qui doivent être discriminés : on ne leur demande pas leur avis. Ils disent oui et merci. Sinon, ce sont des racistes. »[11]

    Pour conclure, je pense que le malheur de notre époque est que l’on cherche plus à taper sur les gens qui dénoncent la criminalité que sur les vrais « nuisibles » et à ce qui les produits. L’iceberg est à l’horizon et les intellectuels de salons préfèrent parler de la couleur du manteau de celui qui a dit qu’il y avait une catastrophe imminente. Nier le réel ne l’annule pas même si cela peut ralentir la chute. On peut remarquer que la Morale du Bien est train de mourir sous l’irruption répétée du réel. Malheureusement, une autre morale hors-sol commence à avoir le vent poupe. On la voit se manifester dans les commentaires et les discussions sur l’insécurité. 

    PS : Cet article n’était que l’humble avis d’un simple lecteur. Je n’ai pas pu aborder de nombreux passages intéressants du livre, notamment sur la police ou les sous-sociaux. Je m’en excuse et vous invite à vous procurer le livre.

    Valentin / C.N.C.

     

    [1] Spectacle d’occupation est ma traduction de show business.

    [2] ONPC, 2 mars 2013 https://www.youtube.com/watch?v=pjMpVy3ZiFw

    [5] Page 50 

    [6] Page 149 

    [7] Page 238 

    [8] Page 224 

    [9] Page 468 

    [10] Page 324 

    [11] Page 216

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • « L’atomisation du monde »

    Dans le passé, l’Église catholique me paraît avoir surtout condamné le libéralisme philosophique pour son « relativisme » et son « indifférence à la vérité » (ce relativisme étant d’ailleurs lui-même tout relatif : le libéralisme n’a bien sûr jamais tenu pour équivalentes les affirmations libérales et les affirmations anti-libérales !). Malgré les acquis de la doctrine sociale de l’Église, elle a en revanche souvent fermé les yeux sur l’exacte nature du libéralisme économique, apportant ainsi une légitimation indirecte à la domination sociale de la classe bourgeoise. Il me semble que cela est en train de changer, et je m’en félicite.

     

    On ne peut rien comprendre au libéralisme aussi longtemps qu’on en oppose entre elles les formes principales (économique, politique, culturelle, philosophique), de même qu’on ne peut rien comprendre au capitalisme si l’on y voit seulement un système économique et non pas un « fait social total » (Marcel Mauss). L’unité profonde du libéralisme réside dans son anthropologie – une anthropologie dont le fondement est, indissociablement, l’individualisme et l’économisme.

    Sans remonter trop loin, rappelons que l’individualisme est l’héritier du nominalisme, qui pose en principe qu’il n’existe aucun être au-delà de l’être singulier (c’est également de la Scolastique espagnole que dérive la théorie subjective de la valeur). L’individualisme est la philosophie qui considère l’individu comme la seule réalité et le prend comme principe de toute évaluation. Le libéralisme pose l’individu et sa liberté supposée « naturelle » comme les seules instances normatives de la vie en société, ce qui revient à dire qu’il fait de l’individu la seule et unique source des valeurs et des finalités qu’il se choisit.

    Cet individu est considéré en soi, abstraction faite de tout contexte social ou culturel. C’est pourquoi l’individualisme libéral ne reconnaît aucun statut d’existence autonome aux communautés, aux peuples, aux cultures ou aux nations. L’individu est censé venir en premier, soit qu’on le suppose antérieur au social dans une représentation mythique de la « pré-histoire » (antériorité de l’état de nature), soit qu’on lui attribue un simple primat normatif (l’individu est ce qui vaut le plus). Dans l’un et l’autre cas, l’homme peut s’appréhender comme individu autonome sans avoir à penser sa relation à d’autres hommes au sein d’une socialité primaire ou secondaire. La société est elle-même appréhendée au moyen de l’individualisme méthodologique, c’est-à-dire comme simple agrégat d’atomes individuels.[..]

    Par Alain de Benoist

    La suite dans La Nef

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?L-atomisation-du-monde

  • Les dessous de l’affaire Onfray

    Les hommes ignorent leur place dans l'univers. S'ils la connaissaient, ils prendraient mesure de la démesure du cosmos et de l'insignifiance de leur existence. Nous faisons un événement considérable de notre vie qui importe aussi peu que l'être d'une feuille dans un arbre. Les glissements de l'éphémère sur le miroir d'une mare d'eau croupie résument le destin de chacun qui se croit monde à lui tout seul. Michel Onfray.

    Désormais, tout le monde connaît Michel Onfray. Après la publication chez Grasset de la Crépuscule d'une idole, l'affabulation freudienne en 2005, un essai pour lequel il reçut le prix Renaudot, Onfray subit en réponse à un énorme succès commercial les crachats des membres du petit microcosme psychanalyste voyant alors dans son entreprise littéraire une attaque cryptofasciste d'une redoutable violence. A vrai dire Michel Onfray exprimait de la sorte son vieux côté paganiste qu'il exerce habituellement en louant les plaisirs "mondains", en louant un certain sensualisme, un épicurisme parfois caricatural. Onfray radotait jusque-là, faut-il dire. Jouir de ça, jouir encore, manger ça, s'en délecter, dire zut aux conventions, consommer en fait ce que le Système offre aux ventres et aux cerveaux inféconds de notre temps. Il y avait un gros marché du casse-croûte qu'il a apparemment exploité jusqu'à la lie. S'en est-il lassé ? A-t-il lassé son public ? On ne saurait dire.

    Cependant, paradoxalement, sa démythification de l'idole freudienne ne correspond pas à un changement de paradigme. Pour Onfray, Freud n'est pas un symbole de l'athéisme triomphant et de la religion de la consommation. Si le professeur de Caen souligne les vices, les tares, les méfaits et la véritable cruauté du juif autrichien, mégalomane et cocaïnomane, il ne considère pas la psychanalyse freudienne comme un pur produit de la modernité, un positivisme classique extraordinairement tordu (Freud préconisait des injections de cocaïne sur certains patients et s'adonnait, aussi, à la chirurgie…). Il le place irrationnellement dans la catégorie des religions et le compare d'une façon sous-jacente au christianisme dans une démarche de vengeance toute personnelle. Son athéisme d'adolescent est le fruit d'un puissant ressentiment né d'une vie scolaire et infantile malheureuse baignée dans une institution catholique qui n'en avait que le nom. Comme le christianisme, le freudisme serait une secte qui a réussi pour le plus grand malheur de ses disciples puisque Freud était épouvantable, et selon le "biographisme" d'Onfray (la vie d'un auteur expliquant systématiquement ses idées et ses théories), ce personnage cynique et taré ne pouvait engendrer qu'une méthode, une école, une thèse fondamentalement morbides.

    Aussi pour Onfray et pour tant d'autres, les peuples (composés selon ses dires de personnes ne possédant aucun pouvoir et surtout d'aucun moyen pour exprimer sans biais leurs opinions) sont silencieux malgré eux, sont toujours à la merci de charlatans, d'idéologues, de religieux. Et le plus horrible chez Freud selon Onfray qui ne comprend rien au fascisme, c'est précisément le rapprochement de Freud vers les thèses mussoliniennes, et même doit-on croire sans douter, vers l'antisémitisme ! Brrr ! A l'instar de Nietzsche, l'enjeu consiste donc à déboulonner les idoles dangereuses que l'"on" crée parfois en temps réel devant nos yeux pour le bénéfice d'un Système et de profiteurs et pour la plus grande joie de quelques "demeurés"

    Nul besoin ici de dire que la pensée d'Onfray et ses soubassements sont essentiellement esthétiques. Son athéisme reste une idéologie sectaire. L'homme a beau remplacer ce vocable par celui d'athéologie couché dans un "traité" obscur, son athéisme reste le fruit d'un hédonisme claironné et à bien des égards névrotique. Son athéisme est une idéologie de fanatiques qui s'interdisent absolument toute pensée spirituelle, toute transcendance et toute réelle valeur. Autant dire qu'elle peut se marier avec tout et n'importe quoi, avec tel courant politique démocratique ou tel autre puisqu'elle n'est qu'un borborygme pouvant émaner de n'importe quel ventre. Il est d'ailleurs un bon publicitaire, un bon commercial des idées vulgaires (et non vulgarisées car il n'y a rien à vulgariser), c'est pourquoi son inclination souverainiste à la mode, son goût proclamé pour le bon sens paysan, sa défense bruyante du peuple « old school », font enrager sinon réagir ce qu'on appelle encore la gauche bien-pensante.

    L’amorce d’une querelle

    Le journal Libé, organe transfusé avec la manne des banquiers et magnats israéliens, aurait déclaré la guerre à Onfray à la suite d'une petite entrevue qu'il avait accordée au Figaro comme notre hédoniste en a l'habitude d'en pratiquer généralement pour parler gastronomie et mauvais abats. Cette dernière représenta certainement un prétexte pour Laurent Joffrin qui s'est jeté comme un affamé sur Onfray, un Joffrin sûr de son bon droit après la critique absurde de Valls à l’encontre de notre libertaire en peau de lapin. Joffrin s'est lancé dans une explication de texte (de l'interview de Onfray) comme si ces propos-là avaient l'importance d'un nouveau Mein Kampf. On nous prend pour des buses. Avant son analyse, Joffrin le balance d'emblée : Onfray fait dans le simplisme, le populisme, et fait ainsi le jeu du terrible Front national. Relativiser la photo de l'enfant mort noyé sur la ( plage est chose très dangereuse poursuit-il en commençant son travail d'exégète. « A-t-il réfléchi au fait que la mise en cause systématique des "versions officielles", des "émotions médiatiques", des "discours dominants" est une modalité permanente de la rhétorique complotiste selon laquelle des forces obscures manipulent par définition la conscience publique ? Jeter le doute sur la photo d'Aylan, c'est suggérer que sa diffusion est un acte de propagande subreptice destiné à faire accepter aux Occidentaux quelque chose d'essentiellement néfaste, l'accueil des réfugiés, qui satisfera "les bobos bien-pensants" mais portera atteinte aux intérêts de la nation. » Joffrin reprocherait à sa cible de ne pas participer à la propagande officielle, de ne pas soutenir le mensonge nécessaire, ainsi de ne pas aider le pouvoir à imposer une politique migratoire que l'immense majorité du peuple vomit désormais. Ensuite, Joffrin tente de remettre à sa place le philosophe qui se plaint des limites de la liberté d'expression en France en faisant remarquer que lui, Onfray, n'est en tout cas pas tricard des radios, des journaux, des plateaux télé où il croise poliment BHL ou Sorman quand il ne dîne pas dans les mêmes restaurants que ces derniers. S'il a d'autres choses à dire, qu'il les dise en effet en cessant de se lamenter. Robert Faurisson n'a pas attendu qu'on lui donne la permission de parler pour critiquer l'historiographie officielle. Que craint-il l'hédoniste ? A-t-il peur de perdre une part de son pouvoir d'achat et les petits fours de chez Grasset ? Il a raison sur ce coup-là notre bon Joffrin qui a commis une bévue dans la description de son Golem. c'est facile de jouer à l'intrépide en se gargarisant avec la libre expression, de combler un vide ontologique de cette manière pour ne rien dire pendant des années ! Que veut-il le Onfray ? Qu'on lui déroule un tapis rouge et qu'on le prie de dire la vérité, toute la vérité ?

    Libé contre Onfray ?

    Dans son interview dans le journal de Bloch-Dassault, Michel Onfray insiste sur le fait que le système médiatico-politique chouchoute des micro-peuples vraisemblablement pour divertir les masses et se fabriquer des publics fidèles et reconnaissants, au détriment du peuple qui travaille et qui souffre. Tu parles d'une nouveauté ! Lisons-le en constatant que l’ "intrépide" ne touche pas au tabou des tabous. « Le peuple français est méprisé depuis que Mitterrand a converti le socialisme à l’Europe libérale en 1983. Ce peuple, notre peuple, mon peuple, est oublié au profit de micro-peuples de substitution : les marges célébrées par la Pensée d'après 68 — les Palestiniens et les schizophrènes de Deleuze, les homosexuels et les hermaphrodites, les fous et les prisonniers de Foucault, les métis d'Hocquenghem et les étrangers de Schérer, les sans-papiers de Badiou. Il fallait, il faut et il faudra que ces marges cessent de l'être, bien sûr, c'est entendu, mais pas au détriment du centre devenu marge : le peuple old school auquel parlait le PCF (le peuple qui est le mien et que j'aime) et auquel il ne parle plus, rallié lui aussi aux dogmes dominants. » Litanie stupide et trompeuse. A côté des étrangers et des homosexuels devenus des symboles par excellence de la gentille république, Onfray place les Palestiniens et les malades mentaux ! Les derniers se suicident en masse dans une indifférence générale après avoir souffert d'une déréliction sortie d'un terreau de néant dont l’ "œuvre" de Michel Onfray est d'ailleurs l'une des composantes. Quant aux Palestiniens qui vivent en Palestine occupée, il nous semble qu'ils occupent une place fort modeste dans les préoccupations de notre Indigénat d'hier et d'aujourd'hui. Les homosexuels ? Onfray les défend comme des petites biches dans son essai sur Freud et régulièrement dans ses interview où il les présente comme les victimes du méchant "fascislamisme"

    Mais Onfray dit tout et son contraire et assurément, nous pouvons croire qu'il a beaucoup de chance que Libé lui consacre 5 pages qui lui donnent une importance imméritée. Et Libé n'a pas l'habitude d'assurer la promotion d'une personnalité que ses propriétaires redoutent réellement. Car les positions souverainistes, chevènementistes et de la gauche d'avant le tournant de 1983 sont certes non conformes à la ligne directrice de Libé mais sont-elles aujourd'hui opposées aux intérêts du propriétaire Drahi (qui finance régulièrement des commémorations holocaustiques) et de ceux de ses amis de la famille Rothschild ? Même si les querelleurs peuvent avoir de bonnes raisons de s'en vouloir (la comédie n'est que mieux jouée), leur dispute leur est à tous les deux profitable. Et insistons sur le fait que Michou Onfray est un pur guignol sans colonne vertébrale qui change d'avis comme de chemises et qui fait passer ses successives trahisons en utilisant les mêmes mots qu'il sait remplir à temps d'un autre contenu sémantique. Ainsi en est-il du terme de libertaire qui provient du vocabulaire anarchiste et qu'il incorpore aujourd'hui dans le registre lexical du souverainisme. Nous aimerions bien savoir comment il définissait le mot libertaire quand il écrivait (il n'y a pas si longtemps), dans Le Monde libertaire ! Onfray s'est fabriqué une nouvelle fraîcheur médiatique en chevauchant des thèmes porteurs, en défendant un courant politique soudainement autorisé par le Système.

    La main du pouvoir occulte ?

    Cette lourde insinuation de Joffrin consistant à voir dans le discours nouveau de l'athée jouisseur une sorte de lepénisation de sa cervelle a fait le buzz pour le plus grand profit de ce dernier. « On » avait fait le coup à Chevènement (avec sa complicité) à une époque, et il apparaît que tous les 5 ans, des journaleux, des éditorialistes, des intellectuels (philosophes souvent se croient-ils) médiatiques essaient de se rassembler pour se faire une belle publicité tout en se donnant de l'importance. Mais cette fois, le Front national étant tombé si bas, son programme devenu totalement républicain « d'obédience maçonnique », pourquoi Onfray ne le rejoindrait-il pas sous l'air des flonflons républicains ? C'est à ce propos très sérieusement que le bras droit de Florian Philippot, le frère Bertrand Dutheil de La Rochère proposa le jeudi 24 septembre à Onfray une sorte de ralliement, au moins un rapprochement afin de constituer « un vaste mouvement »... Mais un vaste mouvement pour faire quoi ? Un énorme trompe-l'œil, bien sûr, comme l'est cette clique qui s'exprimera le 20 octobre à la Mutualité où l'on verra les Pascal Bruckner, Alain Finkielkraut, Jean-François Kahn, Régis Debray, Chevènement soutenir leur pouliche Michel Onfray, hérault du peuple jouisseur et athée attendant l'euthanasie pour tous. Il ne manque que l'équipe du Point-Marianne (Onfray est une petite star du Point comme Debray) et les acteurs seront au complet pour parachever la duperie qui partagera, il est vrai, l'esprit et l'essence du néo-Front national. Toute cette agitation est une vaste comédie , il ne faut prêter aucune attention aux propos de ces "artistes" qui ne croient en rien. Les palonodies récentes de l'ineffable Régis Debray, ancien guevariste encore une fois loué par Le Point, témoignent de la bouffonnerie de ces aigrefins. Ce bateleur qui prône ou plutôt prônait un « patriotisme cosmopolite » dit ne plus croire en rien aujourd'hui. Evidemment il dit que cela ne doit pas être facile (de ne croire en rien) pour le bon peuple (ni en Dieu ni en la grande politique) et que dans cette société sous lithium, il faut assurer une laïcité solide qui permet au moins aux hommes de vivre tranquillement et de travailler sine ira et studio... L'horreur. Il faudrait enfin apprendre à vivre sans espoir et sans grandeur. C'est aussi au nom de cet idéal de médiocres que le FN a rompu complètement avec le souvenir fasciste et sa geste théâtrale. Comment avilir et endormir tout un public avec un panhomosexualisme sournois qui devient de plus en plus ostentatoire par la force des choses, une laïcité de demeuré, l'absence de toute transcendance. L'on comprend bien que le nouveau FN soit attiré par un Onfray. Il a été formaté pour ça.

     

    François-Xavier Rochette Rivarol du 1er octobre 2015

  • Le Cid Campeador, héros légendaire de la Reconquista et roycaille du XIe siècle

    L’Histoire de l’Europe est jalonnée par les figures de grands hommes qui surent marquer les mémoires par la puissance de leurs actes, la hauteur de leur âme ou la force de leur caractère. Le récit de leurs hauts faits ou de leurs aventures ont traversé les siècles, alimenté les arts et nourri les imaginaires des générations nouvelles. La vie de Rodrigo Díaz de Vivar, dit Le Cid, en est un parfait exemple. Ce chevalier issu de la petite noblesse sut, par son caractère, son audace et son talent, tirer son épingle du jeu au milieu de ce « far west » du Moyen-Âge qu’était l’Espagne de la Reconquista au point de s’élever jusqu’aux plus hautes cimes et laisser la trace d’une gloire impérissable qui inspira encore plusieurs siècles après sa mort. Retour sur une existence hors du commun qui doit encore aujourd’hui nous inspirer, à l’heure où notre pays, envahi par les masses afro-mahométanes et de plus en plus divisé, ressemble chaque jour davantage à ces terres désolées où seuls les véritables aventuriers peuvent accomplir de grandes choses.

    Une roycaille du XIe siècle

    L’Espagne du XIe siècle, marche occidentale de la Chrétienté face au monde islamique, était alors une zone de guerre continuelle, théâtre de combats entremêlés qui voyaient s’opposer chrétiens et musulmans mais aussi chrétiens ou musulmans entre eux. Le destin d’un jeune chevalier désœuvré en quête d’aventures et de gloire est alors de mettre son épée au service d’un des multiples princes qui dominaient alors la péninsule. Né en 1043 à Vivar en Castille, le jeune Rodrigue se met au service de son roi Alphonse VI et combat pour lui le roi chrétien de Navarre. Se distinguant par ses prouesses militaires au cours desquelles il acquiert le surnom de Campeador (« vainqueur des batailles »), il reçoit de son seigneur la main d’une illustre fille de sa parentée, la belle doña Chimène.

    Banni de Castille à la suite d’une de ces intrigues de palais dont l’Espagne avait seule alors le secret, il se lance à l’aventure, déterminé à se distinguer par ses prouesses et à se faire une place au soleil en profitant des opportunités que l’imbroglio politique et militaire ouvrait alors à tous les hommes de valeur. Il n’hésite donc pas à mettre son épée au service du prince musulman de Saragosse Muqtadir, et à combattre pour lui son ancien ennemi le roi de Navarre ainsi que le comte de Barcelone, tous deux princes chrétiens. Il prend alors le nom de Cid qui vient de l’arabe Sayyad qui signifie « seigneur ». Finalement réconcilié avec Alphonse VI qu’il n’a en définitive jamais trahi, il mène ses armées contre les terribles Almoravides qui envahissaient la péninsule ibérique vers 1094. Ces princes berbères originaires du Maroc s’étaient bâti un véritable empire sur les deux rives de la Méditerranée. Les royaumes chrétiens et musulmans d’Espagne, alors divisés, auraient bien pu être balayés par ces fanatiques et l’Histoire retient que le Cid ne fut pas pour rien dans la défaite de ces envahisseurs.

    Après cet exploit, en véritable aventurier, il décide de s’affranchir du prince musulman allié d’Alphonse VI aux côtés duquel il avait combattu les Almoravides pour conquérir la ville de Valence, établissant ainsi le premier royaume chrétien créé ex-nihilo en territoire musulman, avant même celui de Jérusalem fondé en 1099 après la 1e croisade. « Roi de Valence » il marrie ses deux filles à ses anciens adversaires chrétiens, l’une au roi de Navarre, l’autre au comte de Barcelone. Sa femme Chimène continue à régner après sa mort en 1099 mais sa disparition en 1115 entraîne la fin de ce royaume chrétien, reconquis par les Maures.

    Une légende de la Reconquista

    « Aventurier de la frontière, avide d’exploits chevaleresques et de butins, servant chrétiens et musulmans et dont la guerre assura la promotion sociale » (Denis Menjot, historien), le Cid s’imposa dès après sa mort dans l’imaginaire européen comme l’archétype du chevalier de la Reconquista. Sa figure de héros mythique fut établie à travers un poème, le Carmen Capeadores, qui conte ses exploits. En raison de sa contribution à la guerre contre les musulmans, on le soupçonne lui et sa femme Chimène, d’être morts en odeur de sainteté. Le roi de Castille Alphonse X effectue même au XIIIe siècle un pèlerinage sur sa tombe.

    L’exceptionnel destin de ce couple mythique continua d’alimenter les rêves des générations d’européens jusqu’au XVIIe siècle encore. Là où le Moyen-Âge faisait du Cid un saint de la Reconquista, modèle de vertu chevaleresque, les temps modernes le transforment en héros de la guerre et de l’amour, tiraillé entre respect paternel et sa passion pour la belle Chimène. La pièce de Corneille Le Cid (1636) en est l’illustration la plus magistrale.

    CHIMÈNE  
    Cruel ! à quel propos sur ce point t’obstiner ? 
    Tu t’es vengé sans aide, et tu m’en veux donner ! 
    Je suivrai ton exemple, et j’ai trop de courage 
    Pour souffrir qu’avec toi ma gloire se partage. 
    Mon père et mon honneur ne veulent rien devoir 
    Aux traits de ton amour, ni de ton désespoir. 
    DON RODRIGUE 
    Rigoureux point d’honneur ! hélas ! quoi que je fasse, 
    Ne pourrai-je à la fin obtenir cette grâce ? 
    Au nom d’un père mort, ou de notre amitié, 
    Punis-moi par vengeance, ou du moins par pitié. 
    Ton malheureux amant aura bien moins de peine 
    À mourir par ta main qu’à vivre avec ta haine. 
    CHIMÈNE  
    Va, je ne te hais point. 
    DON RODRIGUE 
    Tu le dois. 
    CHIMÈNE  
    Je ne puis. 

    Corneille, Le Cid, acte III, scène 4

    Héros historique dont la légende a fait une figure mythique, le Cid a alimenté l’imaginaire des européens pendant près de 1000 ans. Que son souvenir et son exemple continuent de faire de nous des hommes européens valeureux et accomplis, dans une époque chaque jour plus sombre où, selon le mot de Bernanos, il faut plus que jamais « beaucoup de prodigues pour faire un peuple généreux, beaucoup d’indisciplinés pour faire un peuple libre, et beaucoup de jeunes fous pour faire un peuple héroïque ».

    cidreinos

    L’Espagne du temps du Cid, avec l’enclave constituée par son « royaume de Valence » en terre musulmane

    PS. Cet article est rédigé en hommage à une Chimène qui se reconnaîtra.