culture et histoire - Page 1275
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Intervention de Marie-Rachele Ruiu (LMPT Italia) à la 3è Université d'été de La Manif Pour Tous
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Les Gaulois au delà du mythe
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« Robert E. Lee » d’Alain Sanders
Le 9 avril 1865, voici cent cinquante ans, Robert Edward Lee, nommé quelques mois plus tôt général en chef des armées confédérées épuisées (en hommes comme en munitions) et exsangues après les défaites de Fort Stedman puis de Petersburg, signait leur reddition à Appomatox. Le début d’une très longue nuit pour le Dixie (*).
Une nuit dont il n’est toujours pas sorti comme le prouve le récent bannissement, dans plusieurs Etats du Sud où il flottait encore, de son drapeau présenté comme le « sinistre symbole de l’esclavage et du suprématisme blanc ».
Un gentilhomme de Virginie
Auteur notamment de L’Amérique que j’aime : Un dictionnaire sentimental du Nouveau Monde (Éditions de Paris, 2004) et de L’Amérique au cœur, au cœur de l’Amérique (Atelier Fol’Fer, 2010), Alain Sanders peut être considéré comme l’anti-Martin Peltier dont nous commentions récemment les 20 raisons d’être anti-américain(1). Mais il a aussi écrit La Désinformation autour de la guerre de Sécession (Atelier Fol’Fer, 2012) et le portrait qu’il publie aujourd’hui du général Lee complète et en partie explique l’essai ravageur de Martin Peltier. Rien de plus étranger en effet à l’Amérique de Lehman Brothers et des Bush père et fils, de Michael (dit Martin Luther) King et des Clinton, de l’Anti-Defamation League et de l’apatride Obama que Robert E. Lee : un « gentleman de Virginie » appartenant à la très aristocratique Eglise épiscopalienne, branche américaine de l’anglicanisme qui ne
reniait rien de ses ancêtres arrivés sous les Stuarts ni de ses racines profondément européennes. Un gentilhomme, écrit son biographe, « dans la lignée des Cavaliers de Charles 1er opposés aux Têtes rondes du dictateur Cromwell ».
Deux sociétés inconciliables
Un antagonisme séculaire, autant idéologique qu’épidermique, culminera pendant la guerre de Sécession que les Américains nomment Civil War, expression qui exprime mieux son incroyable sauvagerie — essentiellement du côté yankee, bien décidé à vitrifier et à éradiquer l’adversaire et sa Weltanschauung. Comme le notait Dominique Venner dans l’un de ses plus beaux livres, Le Blanc Soleil des vaincus (La Table ronde, 1975), « cette guerre n’a pas seulement opposé deux nations mais deux sociétés, deux conceptions du monde inconciliables ». Pour que triomphe la société marchande et cosmopolite du Nord, poursuit Venner, était primordiale « la disparition de la société du Sud, de son bonheur serein et de son élégante beauté », trop européenne, voire Ancien Régime.
Déjà, une guerre du XXè siècle
Dans des chapitres clairs, Alain Sanders expose la genèse du conflit qui est en fait une tentative d’invasion et d’asservissement sous le prétexte de l’abolition d’un esclavage d’ailleurs déjà moribond et auquel Lee était personnellement opposé. Après les victoires initiales – Fort Sumter, Cheat Mountain, First Manassas, Fredriksburg, Chancellorsville…) – d’un Sud qui avait donné à la jeune République des Etats-Unis l’essentiel de son encadrement militaire, l’armée confédérée, affamée et privée de tout n’est plus qu’une « armée de gueux » comme le constate Lee avec désespoir. A partir de Gettysburg (juillet 1863), c’est donc la contre-offensive du Nord, fort d’un réservoir humain incommensurablement supérieur, de ressources financières illimitées… et de généraux comme Grant et Sherman n’hésitant pas à massacrer les populations civiles ennemies ou à les prendre en otages. Préfiguration de ce qui se généralisera au siècle suivant.
Qu’écrit en effet le général nordiste (et futur président des Etats-Unis) Ulysses Grant le 11 avril 1863 en évoquant la nécessité de « la mise du Sud sous le joug » ? « C’est notre devoir d’affaiblir l’ennemi en détruisant sous ses moyens de subsistance, en le privant de tous les moyens de cultiver ses champs. » Et Sherman, qui estime que « le gouvernement des Etats a absolument tous les droits […], droit de prendre leurs vies, leurs maisons et leurs terres, absolument tout », de surenchérir le 21 juin 1864 : « Il y a toute une classe de Sudistes, hommes, femmes, enfants, qui doivent être tués et déportés avant que l’on puisse espérer rétablir l’ordre et la paix. » Programme auquel le secrétaire à la Guerre Stanton donne par retour de courrier « toute [s]on approbation », cependant qu’un officier nordiste se vante d’avoir « brûlé tout ce qu’il a trouvé » en territoire sudiste, « jusqu’au moindre grain de maïs ».
« Formater une Amérique homogène »
Sanders a raison de se référer à ce propos à la « barbarie des Têtes rondes de Cromwell » nourries d’une lecture littérale de l’Ancien Testament, où les Hébreux exterminent sans états d’âme les Cananéens et autres peuples dont ils guignent le territoire. Mais s’y ajoute, et l’on rejoint là Martin Peltier, la « bonne conscience » qui fait des Américains du Nord un autre peuple élu et de leur pays l’Empire du Bien, tout désigné pour rééduquer les autres. Un projet mis en œuvre dès 1862 quand à la Nouvelle-Orléans, relate Sanders, « le général Butler (alias “La Bête”) s’appliqua à détruire systématiquement le système éducatif local pour lui substituer un modèle nordiste » avec des enseignants importés du Nord et l’autodafé des ouvrages scolaires sudistes. L’entreprise de lobotomisation donna évidemment toute sa mesure après la défaite confédérée, pendant la période atroce appelée par antiphrase la Reconstruction et que Sanders traite dans un chapitre poignant intitulé « Le Sud à genoux ».
La Civil War ayant été d’abord selon ses vainqueurs « la guerre de l’éducation et du patriotisme contre l’ignorance et la barbarie », un décret fut pris en 1870 visant à « éradiquer l’éducation catholique et religieuse pour formater une Amérique homogène à partir du modèle évangélique de Nouvelle-Angleterre » – elle-même « formatée » par les Puritains fanatiques ayant fui la trop « Merry England ».
Ruiné, malade, désespéré, Robert Lee accepta après la défaite de diriger le Washington College, lui qui avait été le directeur de West Point. Il mourut en 1870. Il faudra attendre plus d’un siècle pour que le maudit – auquel nul n’avait pu imputer le moindre crime de guerre, certains chefs nordistes ayant même salué son humanité envers leurs soldats faits prisonniers –soit enfin restauré en 1975 dans l’ensemble de ses droits ainsi que dans sa citoyenneté américaine.
Camille GALIC, 2/10/2015
Alain Sanders : Robert E. Lee, éditions Pardès, septembre 2015, collection « Qui suis-je ? », 128 pages richement illustrées avec Chronologie, Annexes et, hélas, l’inévitable « étude astrologique » clôturant chaque volume de la collection, qu’elle décrébilise.
Notes :
(* de la rédaction) Le Dixie flag est une appellation courante du drapeau confédéré.
(1 de l’auteur) 20 raisons d’être anti-américain de Martin Peltier -
Léon Daudet : Le passé ressuscité
Les Souvenirs littéraires de Léon Daudet viennent d'être réédités dans la collection des Cahiers rouges. Une anthologie consacrée au journalisme et à la littérature, mais qui recèle aussi des souvenirs médicaux et politiques.
Les éditions Grasset viennent de rééditer les Souvenirs littéraires de Léon Daudet autrefois publiés dans Le Livre de poche, un choix de textes opéré par Kléber Haedens dans les neuf volumes de souvenirs de l'écrivain, du polémiste, du directeur de L'Action Française. Choisis avec goût, habileté et discernement, les textes de cette anthologie donnent une bonne idée du talent et du caractère de Daudet. On y trouve des pages se rapportant au journalisme et à la littérature, d'où le titre, mais aussi des souvenirs médicaux et politiques.
De Hugo à Dreyfus
Fantômes et Vivants couvre la période qui va de 1880 à 1890. Il faut lire la description des funérailles de Victor Hugo, montagne de vanité dérisoire comme toutes les cérémonies mortuaires dénuées de dimension spirituelle. Daudet, en un mot, écrase le Panthéon : « C'est ici la chambre de débarras de l'immortalité républicaine et révolutionnaire. »
Devant la douleur évoque les études médicales que Daudet mènera presque à leur terme, et la maladie qui emporta son père. Nous voyons Potain, grand professeur dont la fréquentation quotidienne de la misère humaine n'avait pas émoussé la sensibilité : le voici qui glisse un billet dans la poche d'un convalescent nécessiteux ou qui continue de soigner de ses propres mains un patient dont l'anévrisme va éclater : « Et voici le maître qui serre avec amour, contre son épaule trempée de sang, la pauvre tête épouvantée et oscillante, lui fait ainsi franchir le grand passage. »
L'Entre-deux-guerres va de 1890 à 1904 ; Daudet y parle du Figaro, de Barrès, de la Revue des deux Mondes, institution bien pensante s'il en fut. Nous pouvons y admirer le magnifique portrait d'un libéral, de l'éternel libéral, le duc d'Haussonville : « La démocratie lui semble un flot irrésistible et il s'y baigne en souriant, avec un caleçon d'ancien régime. Il me représente le conservateur type, qui croit que le révolutionnaire a raison, qui porte en épingle de cravate une fidélité de bon ton et meurt du désir d'un portefeuille dans un cabinet radical. »
Dans Salons et Journaux nous pénétrons chez la merveilleuse comtesse de Loynes qui réunit, autour de Jules Lemaître, une brillante société d'écrivains, d'artistes et de journalistes. Après avoir inspiré en grande partie la fondation de la Ligue de la Patrie française, Mme de Loynes participera au lancement de l'AF par un don de 100 000 francs-or. Au temps de Judas nous transporte dans l'affaire Dreyfus, dans les luttes de la Ligue de la Patrie française, dans l'affaire Syveton, député nationaliste qui avait giflé publiquement le général André, ministre de la Guerre, responsable de l'ignoble affaire des fiches, en lien, semble-t-il, avec la franc-maçonnerie qui voulait freiner la carrière des officiers suspects d'être réactionnaires. Syveton fut "suicidé" la veille de son procès.
De Paris à Bruxelles
Vers le roi parle de l'académie Goncourt et de l'Action française. Il trace un portrait saisissant de Maurras, physique, moral et intellectuel à la fois : « Le bruit s'est répandu que derrière les politiciens, et au-dessus d'eux, il y avait, en France, un grand politique, mais entêté – croyait-on alors – dans une conception surannée du pouvoir royal, jugée irréalisable. Or ceux qui se mettaient à l'école de Maurras commençaient par goûter la joie incomparable de comprendre... Or, personne n'a le droit, quand il a une fois entrevu la vérité, religieuse ou politique, de s'y soustraire, sous le fallacieux prétexte qu'il est difficile de l'obtenir. »
La Pluie de sang consacrée à la Grande Guerre, nous montre Daudet déposant devant la Haute Cour de Justice et contribuant à mettre hors d'état de nuire ceux qui voulaient livrer la France à Guillaume II sous le prétexte mensonger du pacifisme. Député de Paris, publié en 1933, évoque les années parlementaires de Léon Daudet. Nous nous permettons de renvoyer le lecteur à notre article consacré à ce livre, paru dans L'AF 2000 le 1er octobre 2009. Il s'agit du plus bel antidote aux tentations du parlementarisme.
Un grand mémorialiste
Vingt-neuf mois d'exil, enfin, nous montre la famille Daudet réfugiée en Belgique parce que Léon avait été condamné pour « crime de paternité » à la suite du louche assassinat de son fils Philippe. Tout le monde connaît l'évasion rocambolesque de la Santé. Finalement, en 1929, une partie de la presse française et la majorité de la presse francophone, belge et suisse, s'exprima en faveur de Daudet – tel était le rayonnement de l'écrivain et de l'Action française – et une amnistie lui permit de rentrer en France, chez lui.
Ces souvenirs sont extraordinaires.
Léon Daudet possède, outre son talent de polémiste, un don d'évocation du passé qui le place au premier rang des mémorialistes. Avec ce visionnaire, grand artiste et homme de coeur, nous entrons dans une véritable résurrection du passé. Que ceux qui ne possèdent pas les oeuvres de Daudet dans leur bibliothèque se hâtent d'acquérir ce volume : leur culture d'AF s'enrichira, et leur culture tout court, littéraire, politique, et humaine.
Gérard Baudin L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 3 au 16 décembre 2009
* Éditions Grasset, Les cahiers rouges, 570 pages, 13,80 euros.
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Les têtes bien faites et les têtes bien pleines
Ex: http://www.lesobservateurs.ch
Les promoteurs des pédagogies farfelues actives aiment à user abusivement de citations pour étayer leur propos. Sans doute est-ce là une manière de démontrer le vide abyssal l’étendue de leur culture. Montaigne fait partie de leurs références favorites. De tonitruants « Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine » sont assénés régulièrement un peu partout où enseignants et formateurs sont formatés formés en guise d’argument imparable coupant court à toute discussion sérieuseopposition formulée par ceux qui ne savent pas.
Dans la même veine, une citation tronquée exhumée du Moyen-Âge leur permet d’affirmer de manière imparable que les enseignants faisant oeuvre de transmission passéistes considèrent que l’élève estun vase à remplir de force. Peu importe si la citation en question portait à l’origine sur l’extrême délicatesse avec laquelle il faut agir au contact de l’esprit humain et de ses limites, l’important est de mettre l’accent sur le côté je-te-fourre-tout-ça-dans-la-tête-et-tant-pis-pour-toi.
L’idée sous-jacente à cet ersatz d’ argument consiste à dire que la transmission de connaissances contribue à former des abrutis cultivés mais incapables d’utiliser cette culture au lieu de former les gens à ne pas réfléchir. Ce d’autant plus que ces fameuses connaissances sont en deux coups de clic à la portée de tous. Néanmoins, ces démagogues penseurs ne savent même pas oublient que la réflexion est largement dépendante du nombre de connaissances bien acquises stockées dans la mémoire à long terme des individus. Les approches cognitivistes sur le développement de l’expertise chez les individus, et ce dans une multitude de domaines, démontrent clairement que la profondeur de réflexion d’un individu dépend totalement de la quantité de connaissances qu’il maitrise réellement. Celles-ci permettent d’élaborer des schémas de pensée plus complexes dont nos fameux experts sont incapables puisque la maitrise des données nécessaire au traitement d’un problème libère de la place dans la mémoire de travail des individus et que celle-ci a des capacités extrêmement limitées. On peut faire ce qu’on veut, on ne peut pas raisonner à partir de rien. Une personnes qui, comme moi, n’a aucune idée en matière de physique quantique, ne comprendra pas grand chose à un texte écrit par un éminent spécialiste de la question et ce même en ayant à sa disposition un accès à internet ou toute autre ressource documentaire à portée de main. La compréhension du texte va débuter dès lors que va commencer l’apprentissage des différentes notions de la discipline en question. Et ce ne sont pas des gesticulations techniques palliatives ou autre dispositif de travail sur document qui combleront ce manque. Attention, je ne dis pas que ces méthodes n’apportent rien, je dis qu’elles apportent beaucoup moins que des connaissances. La nuance est de taille.
Toujours dans le même ordre d’illusion idée, la traditionnelle sempiternelle répétition des notions est présentée, elle aussi, comme tuant l’esprit (drill and kill). Pourtant, dans la pratique, c’est exactement l’inverse qui se produit. En effet, biologiquement, ce sont les connexions inter-neuronales qui déterminent le fonctionnement mental. Plus celles-ci sont nombreuses et plus un apprentissage est effectif et assuré. Or, il n’existe qu’une seule manière efficace d’augmenter le nombre de ces connexions : s’entrainer et répéter.[1] Encore et encore. Répéter permet d’ancrer les nouvelles notions dans la mémoire lexicale[2]. Le nouvel apprentissage est alors enregistré mais pas encore compris. C’est ce qu’on appelle « apprendre par cœur ». Incontournable puisque sans cela, il n’y a pas de nouveau mot, de nouvelle définition, formule ou je ne sais quoi d’autre. A cet apprentissage doit toutefois s’ajouter un second volet pour faire passer la nouvelle connaissance dans la mémoire sémantique, autrement dit là où se situe la compréhension. Et là aussi, c’est par le biais de la répétition qu’elle s’y installe définitivement. Toutefois, une nuance de taille doit être ajoutée : pour comprendre, il s’agit de répéter dans différents contextes[3]. Il n’est pas très rentable de faire inlassablement la même chose, il faut en varier les applications. Ce n’est que comme cela que l’apprentissage prend vraiment du sens. Mais on reste envers et contre tout dans le domaine de la répétition.
Puisque méthodes inefficaces actives axée sur l’évitement la construction du savoir par l’apprenant sont horriblement chronophages, elles sont confrontées à deux choix : soit elles font une croix sur un bon nombre de répétitions et donc l’élève doit se rabattre sur un apprentissage par cœur à domicile qu’il aura à peu près oublié le lendemain même du test, soit la quantité de connaissances dispensée dans ces cours est réduite comme peau de chagrin et on en arrive à se féliciter qu’un élève sache dire son prénom correctement et compter jusqu’à 6 ne fasse que des progrès ridiculement fort modestes.
En revanche, les modèles axés sur la transmission permettent, eux, d’augmenter massivement le nombre de répétitions. Surtout si l’enseignant, dans la phase où il montre, varie déjà considérablement les contextes, qu’il fait travailler ses élèves eux aussi dans cette constante variation et qu’il fait le nécessaire pour s’assurer continuellement de l’avancement de l’apprentissage.
On est donc à des années lumières de l’opposition entre têtes bien faites et têtes bien pleines dénoncées par certains esprits chagrins et, à vrai dire, il n’est tout simplement pas possible d’avoir les premières sans passer par les secondes !
Pour Les Observateurs, Stevan Miljevic, le 2 octobre 2015
[1] Alain Lieury « Mémoire et réussite scolaire », Dunod, Paris, 2012, p.126-127
[2] Ibid p.25
[3] Ibid p.43
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Zoom : Stéphane Blanchonnet - Président du comité directeur de l'Action Française (06-10-2015)
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Julien Langella contre les vieux cons
La recension de l’ouvrage collectif, Anti-mondialiste pro-local, édité en 2013 par IDées sous le titre de « Démondialisation, identités et localisme » saluait le texte de Julien Langella, l’un des plus pertinents du recueil. La présentation annonçait la rédaction d’un essai intitulé La jeunesse au pouvoir. Deux ans plus tard, le livre paraît enfin aux Éditions du Rubicon, une sympathique maison éditoriale dissidente dont c’est la deuxième production.
Ancien d’Action Française, puis cadre des Identitaires via les Jeunesses Identitaires, Recounquista, puis Génération Identitaire, Julien Langella participe désormais à Academia Christiana, une association catholique de tradition. Jeune adulte, il se fait le porte-parole d’une catégorie d’âge ignorée de tous : le jeune Européen blanc d’expression française. Cet ouvrage au titre explicite s’adresse en priorité à « une jeunesse déterminée à prendre le pouvoir. Et partir à l’assaut du futur (p. 17) ».
Contre les vieillards installés !
Au style décapant, polémique et incisif, La jeunesse au pouvoir représente une vraie déclaration de guerre contre les Baby Boomers dorénavant retraités qui constituent l’armature de la gérontocratie en place. « Ce livre est le signal d’alarme de la jeunesse qui dénonce ce qu’elle ne veut plus voir, le cri de révolte de la jeunesse qui veut vivre (p. 16). » L’auteur le déplore : « Les pouvoirs politique, économique et médiatique sont aux mains de ceux qui avaient 20 ans dans les années 60, ou de leurs clones – plus jeunes mais dociles (p. 53). » Outre les ravages massifs d’une immigration de peuplement qui colonise de plus en plus ouvertement l’Europe, Julien Langella observe la montée des périls, l’explosion de l’endettement pour les générations suivantes et la part croissante des retraites dans le déséquilibre des comptes publics et para-publics. Il en veut aux « Vieux ». Par conséquent, « ce livre est le cri de guerre d’une jeunesse enflammée. Au nom des Anciens. Contre les vieux. Pour l’avenir (p. 10). »
Il prend néanmoins soin de distinguer les Vieux des Anciens. À l’instar d’un Jacques Séguéla, d’un Jean-Michel Apathie, d’un Nicolas « Excité à talonnettes » Sarközy ou d’un François « Flamby » Hollande, les premiers sont méprisables tandis que les seconds, les Anciens donc, conservent toute leur honorabilité. Le solidarisme ne concerne pas que les rapports sociaux; il s’étend aux relations intergénérationnelles. Celles-ci sont indispensables pour la concorde civique. Qu’on pense à la légion romaine qui réussissait l’amalgame entre les différents âges de conscrits avec, au premier rang en ordre de bataille, les hastati — les plus jeunes, qui encaissent le choc —, au deuxième rang les principes — d’âge mûr — et, au troisième rang, les triarii — les plus âgés. Une société organique fonctionne ainsi. On pourrait craindre que Julien Langella se détourne de cet objectif. Erreur ! Il vise les responsables du déclin européen. « Nous en avons contre nos aînés qui ne jouent pas leur rôle : celui de passeurs de relais, de sentinelles de la tradition, d’éclaireurs dans la nuit. Nous en avons contre les vieux qui ne jouent pas leur rôle d’Ancien. Ceux qui ne nous ont rien transmis, ceux qui nous font dire : “ nous sommes les enfants de personne ” (p. 17). » Aux manettes des médiats, la gérontocratie sécrète un lamentable pis-aller : le jeunisme. Ce détournement conceptuel « n’a pas été inventé par les jeunes d’aujourd’hui mais par leurs parents, ceux qui avaient 20 ans en mai 68 et pour lesquels la France était une putain fasciste (p. 79) ». Sa glorification perverse et incessante indispose « les jeunes [qui] sont les premières victimes du “ jeunisme ”. Car celui-ci est d’abord un égoïsme générationnel, celui d’une classe d’âge arc-boutée sur elle-même bien qu’elle se prétende ouverte et généreuse (p. 81) ». Résultat ? « On confond jeunesse et jeunisme, tradition et nostalgie. Ce livre se veut d’abord un antidote à cette confusion (p. 11). » Le remède implique l’usage de l’impertinence. Mieux, « l’insolence est le pavé qui brise la vitre du statu quo. Elle fait du bruit et des dégâts, mais les dégâts qu’elle provoque, elle les porte au miroir des échecs de la société, et le silence qu’elle brise, c’est celui de la mort (p. 114) ».
L’auteur l’assume; il se revendique révolutionnaire au nom de la tradition ! Le vieillissement de l’Occident fait que les catégories sociales les plus âgées sont les moins abstentionnistes, d’où unconservatisme mental pesant et malsain. « Les seniors votent d’abord pour eux. Cet électorat est schizophrène : dans les urnes, il vote pour lui et lui seul, alors qu’il sait pertinemment que son train de vie dépend des efforts de ses enfants. Et après, on dit que les jeunes sont “ ingrats ”… (p. 76). » Les générations les plus âgées portent la lourde responsabilité de la décadence de notre société malade, car elles admettent l’influence déterminante d’une classe d’âge particulière : « La génération 68, c’est d’abord la génération 45 (p. 87) », d’où ce moralisme pesant et insupportable. Pour Langella, « le fameux laxisme soixante-huitard s’explique […] par le fait que les jeunes des années 60 sont les enfants de la paix et de l’abondance (p. 86) ». Ils grandirent à l’ombre de l’équilibre nucléaire, du parapluie yankee et du Mur de Berlin.
Quelques exemples historiques
À rebours de cette mentalité hédoniste, « les jeunes ne sont pas bons qu’à être traders, banquiers, toxicomanes ou che-guévaristes du samedi soir. La jeunesse est d’abord l’âge de la volonté et de la vitalité, donc des possibles et des idéals (p. 12) ». Et Julien Langella d’illustrer cette quête des idéaux avec quelques exemples historiques européens. Outre les réfractaires au STO en 1943 qui grossirent les maquis résistants (il aurait pu évoquer le désintéressement d’autres jeunes volontaires dans une armée européenne d’alors pour le front de l’Est…), l’auteur mentionne la jeunesse de l’antique Rome républicaine. « À Rome, l’éducation traditionnelle est dépassement de la souffrance comme le courage est dépassement de la peur. De nos jours en France, le Blanc lambda apprend de sa cougar de mère que son père était un “ connard d’égoïste ” (p. 23). » Il revient sur l’importance exceptionnelle en terme de génération des Wandervogelallemands apparus en 1901. Créés à l’écart du scoutisme anglo-saxon, les « Oiseaux-Migrateurs » fuient par la marche et une communauté effective de vie et d’objectifs, le monde industriel. Certains groupes constitueront ensuite l’ossature Bündische de la Révolution Conservatrice. Plus méconnues et plus politisées existent à partir de 1903 au Pays Basque espagnol les Mendigoxales. Autant école de cadres du Parti nationaliste basque que mouvement de jeunesse, ces structures informelles concilient formation militante, randonnées en groupe et exploration des paysages pyrénéens. L’auteur rappelle enfin le cas de l’école Saint Enda à Dublin fondée en 1908 par l’indépendantiste irlandais Patrick Pearse. Ce genre d’initiative manque cruellement (ou demeure trop restreint) alors que s’effondre le système scolaire tant public que privé. Toujours en colère, Langella lance : « Un jour, on pendra tous les profs et les pédagogues qui ont joué aux apprentis-sorciers avec nos cerveaux. Un jour, vous répondrez de vos saloperies (p. 64) ». Il proclame plus loin : « Dynamitons l’école et ses gardes empaillés : transformons-la en un gigantesque bivouac au milieu des arbres et des cours d’eau, où l’on apprendra à devenir des hommes avant d’être une colonie de termites ! (p. 134) ». Julien Langella se réfère ainsi à Ivan Illich qui rêver de « déscolariser la société » ! « Dans les établissements scolaires, poursuit-il, au lieu de leur imposer des films indigestes et sans fin sur laShoah, on diffusera des films comme Tropa de Elite, qui vante les méthodes viriles de policiers brésiliens en croisade contre les vendeurs de mort, ou Requiem for a dream, qui relate la descente aux enfers d’une bande de junkies (p. 121). »
La jeunesse actuelle est en proie au désenchantement et au mécontentement. Les délices de Capoue étouffe toute velléité de réaction physique vive. « Orpheline de culture, notre génération l’est aussi de grandes aventures, d’adrénaline, de violence. La violence dont on use pour se défendre est légitime. Or, nos parents la vomissent sous toutes ses formes. Ils nous ont élevé en nous apprenant qu’il ne faut “ jamais répondre à la violence par la violence ”. Ils n’ont pas connu cette France barbare qui est la nôtre (p. 91). » Langella envisage une éventuelle explosion de colère juvénile justifiée parce que, « dans un pays qui fait plus de place au nouvel arrivant qu’à l’indigène, le jeune Français se sent un peu à l’étroit sur sa propre terre. Il sent bien qu’il gêne, qu’il est de trop. Il ne correspond pas au schéma obligé du métis aux mille couleurs. Alors, le jeune Blanc a la haine (p. 89) ». Mais, attention !, « notre révolte n’est pas celle de ces petits-bourgeois qui ont brûlé ce qui leur a permis de se forger un caractère, de réussir leur vie, bref de devenir des personnes. Des foyers solides qui ne reposaient pas sur la “ jouissance ”, mais sur la confiance et la complémentarité (p. 82) ». L’auteur croît que de semblables révoltes ont déjà eu lieu. Certes, il se félicite de la « Manif pour Tous », mais elle resta légaliste et bien trop timorée. Il oublie en revanche qu’en mai 1983, étudiants en droit et en médecine s’opposèrent à la réforme universitaire du socialiste Savary et furent les victimes des flics aux ordres du gouvernement PS de Mitterrand. La répression policière y fut implacable. Dans les deux cas, la réponse fut bridée et les actes de la violence contenus. Or, « ceux qui se veulent révolutionnaires et qui croient pouvoir faire l’économie d’une relative phase d’incertitude sociale, donc de désordre potentiel, sont les fossoyeurs de la révolution : ils ne le savent pas encore mais, au fond d’eux, ils sont déjà morts (p. 114) ».
Identitaire, l’auteur réclame en ces temps de lutte contre toutes les discriminations « après la préférence nationale, la préférence jeune (p. 118) ». Par ce biais, « c’est donc reconnaître à la jeunesse un état social. Offrir à la jeunesse la possibilité d’un ailleurs hors-travail, justement parce qu’elle est la jeunesse et qu’elle a plus à apporter à la communauté qu’à son banquier (p. 146) ». Il conçoit que la jeunesse française et européenne fasse corps, un corps politique ou au moins civique, quasi unecorporation adaptée à l’ère numérique.
Le pouvoir aux jeunes !
C’est dans cette perspective qu’il suggère d’accorder le droit de vote dès 16 ans. Déjà en vigueur en Autriche où les nouveaux électeurs de moins de vingt ans votent très largement pour la droite nationale autrichienne. L’abaissement de l’âge électoral peut être révolutionnaire-conservateur comme c’est le cas dans la République islamique d’Iran, sinon elle devient contre-productive. Pour preuve, le 7 juin 2015, les électeurs luxembourgeois étaient conviés à un référendum sur trois questions distinctes. L’une d’elles demandait : « Approuvez-vous l’idée que les Luxembourgeois âgés entre seize et dix-huit ans aient le droit de s’inscrire de manière facultative sur les listes électorales en vue de participer comme électeurs aux élections à la Chambre des députés, aux élections européennes et communales ainsi qu’aux référendums ? ». Posée par un gouvernement progressiste de libéraux, de socialistes et de Verts, cette question fut rejetée à 80,87 % des suffrages ! C’est regrettable, car « le droit de vote à 16 ans permet d’y voir plus clair entre les politiques, qui se donnent les conditions de leurs ambitions, et les conservateurs, qui râlent beaucoup contre la politique en place mais qui ne veulent pas tant changer les choses qu’ils ont peur de l’après (p. 113) ». Proposition irréaliste ? Une notule de L’Express (du 17 juin 2015) parle de la remise, le 22 juin dernier, au ministre de la Ville, Patrick Kanner, d’un rapport officiel de « France Stratégie » qui propose deux intéressantes initiatives : la création d’un Parlement des jeunes tirés au sort!
Force toutefois est de relever que l’auteur reste dans un cadre démocratique bourgeois moderne et égalitaire. Il importerait d’aller plus loin que le seul droit de vote à 16 ans et offrir aux seules familles albo-européennes un suffrage familial, ce qui implique au préalable l’abandon du paradigme abject : « Un homme – une voix » ! En complément à l’abaissement du droit de vote à 16 ans, le jeune devra effectuer un service civique rémunéré par une allocation de citoyenneté non versée en cas de refus. Cette autre idée de nouveau misthos qui éliminerait toutes les aides sociales (sauf les allocations familiales) est compatible avec une stricte préférence nationale ethno-européenne et une véritable réduction hebdomadaire du temps de travail. Julien Langella conteste en effet la folle centralité du travail dans nos mornes existences. « Le travail ne favorise pas l’éveil de l’esprit critique, le travail est une aliénation. Il développe plus sûrement une mentalité de pré carré que le sens de l’intérêt général (p. 112). » Il estime qu’« il faut abolir la valeur-travail. Le travail n’est pas une valeur, ce n’est qu’une réponse à une nécessité physique bien triviale : survivre (p. 144) ». Pas sûr qu’après cette sortie, il soit sollicité par Le Figaro Magazine et Valeurs actuelles, deux aboyeurs patentés du libéralisme pourri…
Ses propositions s’inscrivent en tout cas dans le sillage des non-conformistes des années 1930. À côté de la Jeune Droite de Jean de Fabrègues et de Thierry Maulnier existèrent de 1934 à 1937 les JEUNES (Jeunes Équipes unies pour une nouvelle économie) du journaliste Jean Nocher qui diffusaient les idées « abondancistes » et distributivistes de Jacques Duboin et auxquelles appartint le futur candidat écologiste de 1974, René Dumont. L’appel viril aux jeunes générations n’est pas nouvelle. Dès 1970, le démographe Alfred Sauvy s’inquiétait de La révolte des jeunes. Plus proche des propos de Langella, de 1934 à 1935, Bertrand de Jouvenel anima une revue, La Lutte des Jeunes qui promouvait l’« Être jeune » et réclamait des « États généraux de la Jeunesse française ». Mieux encore, au printemps 1964, un numéro double de Défense de l’Occident de Maurice Bardèche traitait de « La Jeunesse ». Si Maurice Bardèche distinguait une « jeunesse qui s’en fout » d’une autre « qui ne s’en fout pas », il ajoutait que « chaque nation a la jeunesse qu’elle mérite. Et je ne connais rien qui juge un État aussi exactement que la jeunesse qu’il produit ». Quant à François d’Orcival pas encore rangé à l’Institut, il pensait que « les difficultés aidant, ces garçons-là seront plus sévères, plus durs, plus trempés ». Cruelles désillusions ! Ces sacrés costauds goûtèrent vite aux fruits empoisonnés des « Trente Glorieuses ». Ce n’est plus le cas maintenant avec un chômage endémique, un féminisme misandrique et un immigrationnisme concupiscent, métisseur et envahissant. Voilà pourquoi Julien Langella pense que « le vieux monde est mort, les années d’acier ont commencé (p. 16) ». La jeunesse européenne se doit de retrouver sa fougue et ses instincts. Outre leur force et leur beauté, ces nouveaux fauves seront violents, impérieux, intrépides et… cruels !
Georges Feltin-Tracol
• Julien Langella, La jeunesse au pouvoir, Les Éditions du Rubicon, 2015, 182 p., 15 €, à commander à <leseditionsdurubicon@yahoo.fr> ou au 21, rue de Fécamp, F – 75012 Paris, France.
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Historienne, spécialiste de prospection archéologique et d’histoire de la Grèce romaine, Christel Müller est ancienne élève de l’École normale supérieure et ancien membre de l’École française d’Athènes. Depuis 1997, Christel Müller est Maître de conférences d’histoire grecque à l’Université de Paris X Nanterre.
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