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culture et histoire - Page 1268

  • Bismarck

    ♦ Recension : Lothar Gall, Bismarck, le révolutionnaire blanc, Fayard, Paris, 1984, 845 p.

    Auteur d’une biographie de Benjamin Constant, d’un essai sur le libéralisme et d’une approche du “problème Bismarck” dans l’historiographie depuis 1945, Lothar Gall nous propose cette fois une biographie impressionnante d’un des hommes d’État les plus fascinants du XIXe siècle. Le lecteur francophone lira avec profit ce monumental ouvrage (845 pages !), qui présente un acteur essentiel de l’histoire européenne et de l’histoire des relations franco-allemandes depuis 1870. Créateur de l’Empire allemand sur les ruines du Second Empire français de Napoléon III (”Napoléon le petit”, écrivait avec acrimonie Victor Hugo de son exil), Bismarck reste une figure aussi mystérieuse que méconnue du public français.

    Otto Eduard Leopold von Bismarck-Schönhausen fut hobereauprussien. De par ses origines, il fut et reste symbole négatif pour la plupart des Français : celui du pangermanisme, de l’impérialisme allemand du XIXe siècle. Mais cette image, plus proche de la caricature que de la réalité historique, ne doit pas cacher son rôle essentiel dans l’édification d’une monarchie préoccupée, même si ses raisons n’étaient pas celles du mouvement socialiste, d’assurer aux travailleurs allemands la sécurité sociale et un bien-être supérieur à celui des autres travailleurs européens. La “paix sociale” est une construction bismarckienne très en avance sur son temps. Il fallut attendre 1920 en Italie et 1936 en France pour voir d’autres États européens engager des politiques similaires.

    Pourtant, la somme de Gall appelle quelques remarques critiques. La Nation allemande reste marquée par le système institutionnel, par les partis et les groupes sociaux nés sous Bismarck. C’est la raison essentielle pour ne pas considérer, écrit Gall, l’ère historique bismarckienne comme définitivement close. Gall, en désignant Bismarck ”révolutionnaire conservateur”, engage une polémique. Selon certains critiques allemands, comme Hans Georg von Studnitz, l’analyse de Gall serait mutilée par le mental néo-allemand, formé sous l’ égide des “rééducateurs” américains d’après 1945. Certes, notre époque n’a plus le goût des biographies apologétiques, mais l’esprit critique, pour être juste et efficace, ne doit-il pas s’abstraire du Zeitgeist [esprit du l'époque] et se replacer résolument dans le contexte qu’il étudie ?

    Produit du XIXe siècle, le Reich de Bismarck n’est ni plus ni moins “moral” que le “British Empire” de Disraëli, que l’Italie de Cavour ou la France de Napoléon III. Gall critique le style politique de Bismarck sur trois plans. D’abord, il l’estime “privé de principes”, “amoral” et exclusivement préoccupé d’accroître sa puissance. Pourquoi adresser tel reproche à Bismarck seul ? Par-delà cette attaque ad hominem, n’est-on pas en droit de repérer un vœu anti-politique proprement idéologique (libéral ou “gauchiste”), typique de l’historiographie culpabilisante ouest-allemande ? Persuadés que la politique s’accomplit selon un “Plan” (?), divin ou “rationnel”, les adeptes de cette méthode historique sont mal à l’aise devant la politique du “risque calculé” pratiquée par Bismarck et éloignée des préoccupations fumeuses des idéalistes de toutes espèces.

    La masse d’informations réunies par Gall est impressionnante et instructive ; on attend tout de même encore la biographie qui correspondrait aux critères de la Realpolitik bismarckienne. Un axe de recherches que nous suggérons : le rôle des formations politiques confessionnelles dans la diplomatie européenne. Mettre l’accent sur le Kulturkampfde Bismarck contre les agents allemands du Vatican, qui mettent, tout comme leurs héritiers d’aujourd’hui, des intérêts partisans et des dogmes saugrenus (tels l’infaillibilité pontificale) au-dessus des nécessités vitales des peuples. En 1911, Arthur Böhtlingk (in : Bismarck und das päpstliche Rom) avait amorcé pareille approche. Il faudrait continuer.

    ► Ange Sampieru et Michel Froissard (pseud. RS), Vouloir n°6, 1984.

    http://www.archiveseroe.eu/bismarck-a118589182

  • Jean Mabire ou les libertés enracinées

    Disparu il y a presque dix ans, Jean Mabire ne semble plus guère subsister que dans la mémoire émue de ses anciens amis et des quelques orphelins littéraires – dont votre serviteur – d’un conteur hors-pair qui, à l’instar d’un Jean Raspail, d’un Vladimir Volkoff voire d’un Serge Dalens, a nourri l’imaginaire d’une jeune génération de militants nationalistes (camelots, gudards, FNJ ou autres) puisant dans leurs œuvres un idéal d’aventure débridé qu’elle cherchait à éprouver dans la rue.

     

    Celui qui célébrait « la grande aventure, les prouesses guerrières, sous n’importe quel drapeau » (Eric Lefèvre) savait aussi ressusciter, avec une verve narrative sans pareille, l’éclat de la fantastique geste des Vikings à l’origine de sa chère Normandie et tout aussi bien parler de littérature (voir les 9 tomes de Que lire ?, véritable anthologie de littérature mondiale). Reste aujourd’hui, pour cette génération désormais « rangée des voitures », comme pour celle, 2.0, qui lui succède, une association chargée d’entretenir, non seulement sa mémoire et la diffusion de son œuvre, mais aussi un certain souffle vital. Celui-ci était particulièrement vivace, le 27, septembre dernier, dans le Vexin français, aux marches de la Normandie, lors de son assemblée générale annuelle où, autour d’une petite cinquantaine de membres, chacun des orateurs (Francis Bergeron, Philippe Randa et Pierre Vial) rappela qu’au-delà d’une œuvre immense (une centaine de livres et des articles innombrables), Mabire, Normand, Français et Européen tout ensemble, s’attacha surtout à insuffler un fraternel esprit de concorde entre nations européennes, pourvu que leurs peuples veillassent à n’être jamais coupés des terres héritées de leurs pères comme de leurs traditions indivises. Il suffit de lire le superbe et substantiel bulletin semestriel diffusé par l’association, pour se rendre compte que « Mait’Jean » plaçait plus haut que tout la défense de nos héritages antiques, boréens et celtes, grecs et romains, païens et chrétiens. Si l’on devait résumer, sous une formule lapidaire, le testament intellectuel et spirituel de Jean Mabire, nous dirions que nos libertés sont charnelles pour autant qu’elles sont enracinées. A l’issue de la journée, les participants furent d’ailleurs invités à revivre symboliquement le solstice 21 juin 1948 où, au pied de la petite église romane, alors en ruine, de Marquemont, Mabire et des camarades flamands, bretons, allemands, refermèrent les plaies fratricides ouvertes par leurs parents. Cette ardente « Communauté de jeunesse » jettera les bases des futurs Scouts d’Europe.

    Amis de Jean Mabire, 15 route de Breuilles – 17 330 Bernay Saint-Martin www.jean-mabire.com

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Jean-Mabire-ou-les-libertes

  • Le génocide arménien non reconnu par la CEDH

    Génocide arménien : la Suisse déboutée 
    Apparemment, il y aurait deux poids deux mesures dans le traitement du négationnisme. Si la Shoah est protégée par les institutions européennes qui traquent ses contempteurs, le génocide arménien, lui, ne bénéficie pas de la même bienveillance.

    Un homme politique turc avait été condamné par l’État suisse pour avoir publiquement déclaré que la thèse du génocide relevait du « mensonge international » 
    La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a tranché : d’après elle, en condamnant le Turc à une amende pour avoir nié le génocide arménien, la Suisse a « violé la liberté d’expression » ; toutefois la CEDH ne remet pas en cause « la pénalisation des négationnismes, en particulier de la Shoah ». Elle ajoute que les propos de l’homme politique incriminé « n’ont pas porté atteinte à la dignité des membres de la communauté arménienne au point d’appeler une réponse pénale », notamment parce que ces propos « ne peuvent pas être assimilables à des appels à la haine » contre les Arméniens. Ce jugement a été rendu par 10 voix contre 7 par les juges européens, dans un arrêt définitif.

    Cette décision ne concerne pas la négation du génocide des Juifs par les nazis, a souligné la CEDH 
    Cette précision était attendue avec impatience par les juristes européens, notamment, car ce point aurait pu avoir une incidence sur une procédure actuellement en cours en France, par laquelle un négationniste conteste la constitutionnalité de la loi réprimant la négation de l’holocauste. Pour la CEDH, pénaliser la négation de l’holocauste « se justifie » : une telle attitude « passe invariablement pour la traduction d’une idéologie antidémocratique et antisémite ». Concernant le génocide arménien, la Cour européenne se déclare par ailleurs « incompétente » pour prendre position quant à sa réalité historique.

    Pour déterminer si des propos négationnistes peuvent ou doivent être poursuivis en justice, la CEDH a souligné la nécessité de tenir compte du contexte et du pays dans lequel ces propos ont été tenus 
    L’association Suisse-Arménie (ASA) s’est déclarée « consternée et profondément choquée » par la décision rendue à Strasbourg. Soutenue par une, telle argumentation, elle revient en effet à rendre juridiquement subjective l’appréciation d’un génocide, hormis celui de la Shoah. Ce dernier possède désormais un traitement de faveur officiel et exclusif.

    http://fr.novopress.info/

  • C’est dans « Éléments » : le coming out de Michel Onfray et les quatre vérités de Patrick Buisson

    Le moins qu’on puisse prétendre, c’est que pour sa nouvelle formule, le magazine Éléments, fondé il y a plus de quarante ans par Alain de Benoist, a fait fort tout en caguant un brin dans le ventilo.

    Ainsi, Michel Onfray, Normand encore plus têtu qu’un Breton, à force qu’on lui reproche de préférer « une analyse juste d’Alain de Benoist à une analyse injuste de BHL », pose crânement en couverture de la chose en question. Et livre un long entretien qui ne fait pas précisément dans la dentelle, titré « Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ». Un exemple au hasard ? « Populiste ? Je préfère à libéral, capitaliste, bourgeois, mitterrandien, social-démocrate, social-libéral. Sollers a cru un jour me blesser en disant que j’étais un “tribun de la plèbe”. Il ne pouvait me faire plus grand honneur ! »

    Voilà qui donne l’ambiance, virile et velue : « Ma gauche populaire est girondine, communaliste, libertaire, proudhonienne, autogestionnaire. Que la gauche institutionnelle, de Hollande à Mélenchon, de Libération à Mediapart, ne m’aime pas et me calomnie est plutôt une bonne nouvelle. Le contraire m’inquiéterait. » Voilà un viatique qu’on se plairait à signer…

    Lire la suite

  • C’est dans « Éléments » : le coming out de Michel Onfray et les quatre vérités de Patrick Buisson

    Le moins qu’on puisse prétendre, c’est que pour sa nouvelle formule, le magazine Éléments, fondé il y a plus de quarante ans par Alain de Benoist, a fait fort tout en caguant un brin dans le ventilo.

    Ainsi, Michel Onfray, Normand encore plus têtu qu’un Breton, à force qu’on lui reproche de préférer « une analyse juste d’Alain de Benoist à une analyse injuste de BHL », pose crânement en couverture de la chose en question. Et livre un long entretien qui ne fait pas précisément dans la dentelle, titré « Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ». Un exemple au hasard ? « Populiste ? Je préfère à libéral, capitaliste, bourgeois, mitterrandien, social-démocrate, social-libéral. Sollers a cru un jour me blesser en disant que j’étais un “tribun de la plèbe”. Il ne pouvait me faire plus grand honneur ! »

    Voilà qui donne l’ambiance, virile et velue : « Ma gauche populaire est girondine, communaliste, libertaire, proudhonienne, autogestionnaire. Que la gauche institutionnelle, de Hollande à Mélenchon, de Libération à Mediapart, ne m’aime pas et me calomnie est plutôt une bonne nouvelle. Le contraire m’inquiéterait. » Voilà un viatique qu’on se plairait à signer…

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  • Testament de Marie-Antoinette, reine de France assassinée par les républicains un 16 octobre

    Le 16 octobre 1793, à 4H30 du matin, soit 8 heures avant son exécution, la Reine rédige sa dernière lettre, à l’adresse de la sœur de Louis XVI, Marie-Elisabeth.
    Ce sera son testament.

    «C’est à vous, ma soeur, que j’écris pour la dernière fois : je viens d’être condamnée non pas à une mort honteuse, elle ne l’est que pour les criminels, mais à aller rejoindre votre frère, comme lui, innocente, j’espère montrer la même fermeté que lui dans ces derniers moments.

    Je suis calme comme on l’est quand la conscience ne reproche rien ; j’ai un profond regret d’abandonner mes pauvres enfants : vous savez que je n’existais que pour eux et vous, ma bonne et tendre sœur. Vous qui avez, par votre amitié, tout sacrifié pour être avec nous, dans quelle position je vous laisse! J’ai appris, par le plaidoyer même du procès, que ma fille était séparée de vous. Hélas! la pauvre enfant, je n’ose pas lui écrire, elle ne recevrait pas ma lettre ; je ne sais même pas si celle-ci vous parviendra : recevez pour eus deux ici ma bénédiction. J’espère qu’un jour, lorsqu’ils seront plus grands, ils pourront se réunir avec vous, et jouir en entier de vos tendres soins.

    Qu’ils pensent tous deux à ce que je n’ai cessé de leur inspirer : que les principes et l’exécution exacte de ses devoirs sont la première base de la vie ; que leur amitié et leur confiance mutuelle en feront le bonheur. Que ma fille sente qu’à l’âge qu’elle a elle doit toujours aider son frère par des conseils que l’expérience qu’elle aura de plus que lui et son amitié pourront lui inspirer; que mon fils, à son tour, rende a sa sœur tous les soins, les services que l’amitié peut inspirer ; qu’ils sentent enfin tous deux que, dans quelque position où ils pourront se trouver, ils ne seront vraiment heureux que par leur union. Qu’ils prennent exemple de nous : combien, dans nos malheurs notre amitié nous a donné de consolation; et dans le bonheur on jouit doublement, quand on peut le partager avec un ami ; et où en trouver de plus tendre, de plus cher que dans sa propre famille ? Que mon fils n’oublie jamais, les derniers mots de son père, que je lui répète expressément :  » qu’il ne cherche jamais à venger notre mort. »

    J’ai à vous parler d’une chose bien pénible à mon cœur. Je sais combien cet enfant doit vous avoir fait de la peine; pardonnez-lui, ma chère sœur ; pensez à l’âge qu’il a, et combien il est facile de l’aire dire à un enfant ce qu’on veut, et même ce qu’il ne comprend pas : un jour viendra, j’espère, où il ne, sentira que mieux tout le prix de vos bontés et de votre tendresse pour tous deux. Il me reste à vous confier encore, mes dernières pensées; J’aurais voulu les, écrire dès le commencement du procès ; mais outre qu’on ne me laissait pas écrire, la marche en a été si rapide que je n’en aurais réellement pas eu le ténus.

    Je meurs dans la religion catholique, apostolique et romaine, dans celle de mes pères, dans celle où j’ai été élevée, et que j’ai toujours professée ; n’ayant aucune consolation spirituelle à attendre, ne sachant pas s’il existe encore ici des prêtres de cette religion, et même le lieu où je suis les exposerait trop, s’ils y entraient une fois, je demande sincèrement pardon à Dieu de toutes les fautes que j’ai pu commettre depuis que j’existe. J’espère que, dans sa bouté, il voudra bien recevoir mes derniers vœux, ainsi que ceux que je fais depuis long-tems pour qu’il veuille bien recevoir mon âme dans sa miséricorde et sa bonté. Je demande pardon à tous ceux que je connais, et à vous, ma sœur, en particulier, de toutes les peines que, sans le vouloir, j’aurais pu vous causer. Je pardonne à tous mes ennemis le mal qu’ils m’ont fait. Je dis ici adieu à mes tantes et à tous mes frères et sœurs. J’avais des amis; l’idée d’en être séparée pour jamais et leurs peines sont un des plus grands regrets que j’emporte en mourant ; qu’ils sachent, du moins, que, jusqu’à mon dernier moment, j’ai pensé à eux. Adieu, ma bonne et tendre sœur; puisse cette lettre vous arriver! Pensez toujours à moi; je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que ces pauvres et chers enfans : mon Dieu ! qu’il est déchirant de les quitter pour toujours. Adieu, adieu, je ne vais plus m’occuper que de mes devoirs spirituels. Comme je ne suis pas libre dans mes actions, on m’amènera peut-être un prêtre ; mais je proteste ici que je ne lui dirai pas un mot, et que je le traiterai comme un être absolument étranger. »

    http://www.contre-info.com/testament-de-marie-antoinette-reine-de-france#more-22540

  • Anthropologie politique. Une société anti-humaine. L'enracinement territorial

    Tout homme a des racines territoriales, en ce sens qu'il s'identifie à un territoire qui fait partie de son patrimoine moral. Il connaît les lieux de ce territoire, il est attaché à sa physionomie, son histoire et les personnes qui y habitent.

    Le déracinement n'est pas d'aujourd'hui et on a connu, depuis l'Antiquité, des migrations plus ou moins importantes, suivies d'un ré-enracinement, c'est-à-dire de l'appropriation d'un nouveau territoire par les déracinés qui ont donc fait muter leur identité en adoptant une nouvelle terre. Cette terre, avec le temps, pouvait devenir une patrie, c'est-à-dire la terre des pères. Ainsi, les Celtes quittant l'Europe orientale et l'Asie centrale pour l'Europe de l'Ouest se sont-ils déracinés pour s'installer dans des espaces nouveaux dont ils firent leur patrie. Ils les façonnèrent, mais aussi leur culture évolua selon les lieux. C'est pourquoi les Celtes ne sont pas les mêmes selon qu'ils aient vécu en Gaule, sur l'île de Bretagne, en Hispanie ou en Italie du Nord. Les hommes présents avant eux sur ces lieux et les particularités géographiques de leurs nouveaux États ont contribué à les façonner, autant qu'ils les façonnèrent.

    Un phénomène comparable, mais de plus grande ampleur, peut être observé avec la construction des Etats-Unis au XIXe siècle, État né très largement des migrations venues de toute l'Europe, en somme de déracinés qui se sont approprié la terre américaine et en sont devenus les patriotes.

    L'enracinement n'est pas réduit à l'image du clocher et des pâturages. On peut parler, en France ou en Belgique, de ré-enracinement pour les ouvriers du XIXe siècle qui, déracinés de leurs campagnes, jetés dans l'univers déshumanisé des centres industriels, se les sont appropriés, les ont justement humanisés en leur donnant une identité. Il y a, dans ces centres ou anciens centres ouvriers, encore aujourd'hui, une architecture, une culture spécifiques, fruit de la vie de ces hommes pour lesquels ces lieux sont devenus la patrie, la terre des pères.

    L'enracinement est une donnée de nature, en ce sens que l'on naît forcément quelque part et que l'on vit, soit dans ce lieu, soit dans un autre, avec le désir d'y faire souche. Si l'on veut quitter sa terre, ce n'est pas pour devenir un apatride, mais pour faire souche quelque part. En somme, on se sent toujours d'un lieu, ou l'on aspire à se sentir d'un lieu, en somme à avoir une pierre ou reposer notre tête… C'est pourquoi, outre le donné de nature, on peut dire que l'enracinement est un besoin vital. Il ne peut pas y avoir de communauté humaine solide sans la stabilisation du peuplement sur un territoire. Cette communauté ne s'exprime pas seulement par des rapports économiques, mais aussi par des échanges culturels, spirituels, amicaux ou matrimoniaux. Pour que ces échanges soient possibles il faut qu'il y ait, à un moment ou un autre cet enracinement qui façonne l'identité, c'est-à-dire qui contribue autant que ma famille, ma foi et mon métier à dire « qui je suis ».

    Aujourd'hui, en Europe et plus spécialement en France, il est permis de parler de déracinement perpétuel. Celui-ci est d'autant plus préoccupant. En effet, jusqu'au milieu du XXe siècle, les historiens ethnologues pouvaient écrire que les bassins de peuplement français et européens étaient demeurés sensiblement les mêmes depuis la préhistoire. Il n'y avait pas eu de bouleversement humain majeur malgré les invasions, les migrations ou les catastrophes demeurées marginales par rapport au total du peuple. Les hommes avaient changé mais ils étaient, majoritairement, toujours là où s'étaient installés leurs ancêtres dans la nuit des temps.

    Actuellement, la nécessité de quitter sa région ou son pays pour ses études ou pour sa carrière professionnelle entraîne un chamboulement de ces équilibres humains. La tendance s'est inversée et, du moins en France, les jeunes hommes ayant effectué toute leur vie sur un seul territoire sont devenus la minorité, tandis que les autres se sont déracinés pour leurs études ou leur métier. Ce ne serait pas bien grave dans les relations humaines si ce déracinement était suivi d'un ré-enracinement. Mais la multiplication des mouvements géographiques au cours de la vie rend plus difficile le ré-enracinement. En outre, souvent la nouvelle installation se fait dans un territoire déjà bâti et saturé de constructions correspondant à un patrimoine tout à fait étranger, comme les barres HLM où s'entassent des millions de pauvres, sans possibilité pour eux de s'approprier les lieux par la construction.

    Par ailleurs, l'affaiblissement de la structure familiale qui crée des bataillons d'orphelins sociaux, amoindrit encore plus les possibilités de ré-enracinement. En effet, il est plus difficile pour l'homme seul d'être identifié par ses semblables dans un territoire nouveau, et il lui est plus difficile d'y tisser ses liens sociaux. L'isolement social et familial diminue la capacité d'insertion territoriale et donc d'identification. L'orphelin, en somme, à l'échelle d'une région ou d'une ville, devient un apatride.

    Ce sentiment est encore renforcé par l'état actuel des lois de succession, où le partage équitable entre héritiers et le versement de droits à la puissance publique, rend souvent nécessaire la vente de la maison parentale, perçue comme la maison de l'enfance ou des ancêtres, sans qu'il y ait possibilité de racheter un bien dans le même lieu ou dans le voisinage, faute de réunir le capital suffisant à cause de l'éclatement du patrimoine hérité et de sa diminution par la fiscalité.

    On peut dire que tout est fait, dans notre monde, pour créer des générations entières d'apatrides déboussolés et donc d'autant plus fragiles devant l'oppression qu'ils ont moins de repères où se réfugier pour mieux résister.

    Comme pour la famille, ce mal frappe en premier lieu les populations socialement les plus fragilisées, car disposant du moins de ressources financières ou d'assise territoriale pour rester en un lieu sur plusieurs générations ou pour se l'approprier en cas de migration.

    Cet isolement territorial est doublé d'un isolement dans l'emploi.

    A suivre…

    Du même auteur :   Anthropologie politique. Une société anti humaine. La Famille

    http://www.vexilla-galliae.fr/points-de-vue/editoriaux/1573-anthropologie-politique-une-societe-anti-humaine-l-enracinement-territorial

  • Regard sur l'actu : La géopolitique pour les Nuls

    Le Nouveau Contexte Mondial pour les Nuls
    Dur, dur la géopolitique... C'est ce qu'on pourrait penser à la lumière des événements récents. Pour mémoire, on nous annonce depuis des années le début de la Troisième Guerre mondiale autour de la question iranienne. Pourtant, après plus d'un an et demi de pourparler entre l'Iran et le groupe 5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne), le dégel entre l'Oncle Sam et la Perse 2.0 a eu lieu, y compris sur le nucléaire, et ce malgré l'hostilité des Israéliens et d'une partie du Congrès des Etats-Unis. Cet accord, qui permettra entre autre le retour de General Motors en Iran, est un des éléments qui correspond à ce que Brzezinski et ses proches nomment sur Foreign Affairs « The New Global Context » (NGC), expression utilisée à Davos 2015 et qui désigne la nouvelle ère économique qui s'ouvre. Cette nouvelle ère est également une réalité géopolitique. Les Etats-Unis, sous l'administration Obama, ont mené une politique qui se révèle différente de celle de l'administration Bush au Moyen-Orient. Une partie non négligeable de l'opinion publique reste pourtant bloquée à la politique étrangère néo-conservatrice de Bush et au NWO (New World Order), c'est à dire à la situation en 1991 à la suite de la chute de l'URSS où les Etats-Unis étaient devenue une hyperpuissance. Cette politique hégémonique, renforcée par les velléités de Bush Jr à partir du 11 septembre 2001 est arrivée à son terme. Depuis 2011 cette parenthèse se referme et ce pour plusieurs raisons.
    Les Européens ont traité seuls le cas libyen (avec le désastre qu'on connaît) et ont été des acteurs majeurs des accords de Minsk dans le conflit ukrainien. De leur côté, les Etats-Unis ont revu leurs rapports avec Israël et sous traité aux Irakiens, puis aux Kurdes et aux Iraniens la lutte contre l'Etat Islamique. En 2012, les Etats-Unis ont lancé le « US « pivot » to East Asia », théorisé dès 2011 sur Foreign Policy(lire un article du Figaro). Il consiste à replacer les troupes et les forces vers l'Asie-Pacifique plutôt qu'au Moyen-Orient. Le Pacifique, l'océan qui borde la Chine, deuxième puissance économique et première puissance commerciale mondiale, mais aussi le Japon, Taïwan, les Philippines ou l'Australie est en effet un enjeu majeur pour les Etats-Unis, comme l'illustre le traité de libre-échange transpacifique. Les Etats-Unis se considèrent comme une puissance Pacifique. En revanche, les Yankees ont eu une politique très timide au Moyen-Orient. Obama sera le président qui n'aura pas mis les pieds en Israël lors de son premier mandat et qui aura permis le dégel avec l'Iran. Sur son propre continent, il aura mis fin à l'embargo avec Cuba, ce qui n'est pas vraiment anecdotique... Les Etats-Unis se perçoivent comme une puissance Pacifique et considèrent le Pacifique comme la clef du XXIeme siècle. La Russie, quant à elle, a renforcé sa politique en direction de l'Asie et du Moyen-Orient, et les BRICS se sont peu à peu renforcés même si leur puissance est relative et leur modèle économique peu enviable (voir  et ). Pour faire simple : la multipolarité coïncide à mon sens avec une réorientation des préoccupations « américaines » en direction du Pacifique. Les Etats-Unis lâchent donc du lest un peu partout pour contrer la Chine, leur principal rival.
    La « russophobie » pour les Nuls
    Certains comme Gabriele Adinolfi ont parlé de « nouveau Yalta » dans le cas ukrainien. Il est certain que la Russie de Poutine a réussi à s'octroyer une région complète (la Crimée) et à en rendre une autre ingérable pour Kiev : le Donbass. Si certains considèrent que Poutine a échoué en Ukraine, je fais partie de ceux qui pensent qu'il a plutôt réussi. Quel pays pourrait prétendre aujourd'hui ne pas respecter des accords internationaux sur les frontières sans que cela ne suscite de réaction militaire réelle ? Quant on voit de quoi est parti 14-18, on pourrait penser qu'une telle annexion aurait pu déclencher une déflagration mondiale à une autre époque. L'embargo sur la vodka pour les uns et sur le camembert pour les autres, c'est tout de même gentillet comme réaction. Le niveau d'hystérie que manifestent certains alors que les relations internationales entre puissances sont plutôt correctes, quoi que viriles, me laisse assez pantois... Les Russes font leur retour sur la scène internationale avec l'accord, pour ne pas dire l'assentiment, des Etats-Unis. Brzezinski, malgré sa ligne anti-Kremlin, préconise d'éviter les stratégies frontales avec les Russes et de les convaincre d'agir avec les Etats-Unis pour régler les différents problèmes, dont la grave crise syrienne. Moscou est donc parvenu à s'entendre avec la coalition étatsunienne pour éviter des incidents dans la lutte contre l'Etat islamique. Ces frappes russes, qui font tant rêver les poutinôlatres ont été possibles, ne leur en déplaise, que grâce au dégel avec l'Iran, et aux discussions avec Israël, la Turquie et l'Arabie-Saoudite. Sur ce dernier point Serguei Lavrov a déclaré lors d'une rencontre avec le ministre saoudien de la défense: « Nous travaillons avec l'Arabie saoudite sur la question syrienne depuis plusieurs années. Aujourd'hui, le président a confirmé que les buts que l'Arabie saoudite et la Russie poursuivent en Syrie coïncident ». Autant dire que personne ne semble vraiment réagir aux frappes russes, pas plus les Etats-Unis, qu'Israël et la Ligue arabe... Impressionnante « russophobie » ... Plus qu'un nouveau Yalta, qui correspondrait à un partage, je dirais que les événements actuels ne font que confirmer que la multipolarité proclamée constitue plutôt une phase de mutation du mondialisme.
    Ottomans et islamistes à nos portes : l'eurasisme pour les Nuls
    L'armée russe revient donc aux affaires en Syrie mais cela n'est pas une nouveauté. Elle est proche de l'Etat syrien et multiplie les contacts dans la région depuis plusieurs années. Récemment un événement a suscité des réactions contrastées : l'inauguration de la Mosquée de Moscou par Poutine, accompagné du président turc Erdogan et du président de l'autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. La mouvance nationale, pourtant si prompte à bouffer du Turc lorsqu'il s'agit de se rappeler de Lépante ou de s'indigner du meeting d'Erdogan à Strasbourg est resté très mesurée sur la présence d'Erdogan à Moscou. Comme si s'adjoindre le soutien du président turc, dont les prétentions ottomanes sont évidentes, était anecdotique lorsqu'on s'adresse aux musulmans de son pays. A ma connaissance, seul Julien Langella, dans une tribune que je considère courageuse, est monté au créneau sur ce sujet. Aymeric Chauprade, dont on connaît les sympathies pour la Russie poutinienne, fut prompt à s'indigner pour Strasbourg, où Erdogan proclamait en filigrane qu'il fallait une cinquième colonne turque dans notre Parlement, autant qu'il fut muet sur la Mosquée de Moscou. Poutine a pourtant déclaré à cette occasion que « La Russie est un pays multiconfessionnel dans lequel, je tiens à le souligner, l’islam est une des religions traditionnelles ». Récemment Novorossia.today se faisait le relais d'un article d'un certain Alexandre Artamonov, de Rossia Segodnia, nouveau pôle média officiel de la Russie pour l'international. Celui-ci déclare : « Donc il faut que la Russie renoue avec ses origines et se reconnaît un pays multiethnique et multiconfessionnel, porteur d’un message d’amitié pluriethnique et culturel basé sur les grandes religions du monde, à savoir l’orthodoxie et l’islam. » Tout un programme.
    Cette politique qui place l'islam au cœur de l'identité de la Fédération de Russie n'est pas du tout incompatible avec une axe « droitier » valorisant la Patrie, la Famille et l'Armée. Encore une fois, seule la question ethnique permet de déterminer qui est sur une position identitaire européenne et qui ne l'est pas. Poutine semble avoir entamé depuis au moins 2011 un virage clairement eurasiatique, qui correspond à l'émergence de l'union économique eurasiatique et au renforcement de l'OCS (Organisation de Coopération de Shanghai). Poutine fait-il un bon calcul en s'associant avec Erdogan ? Pas sûr. Il est contraint à cette politique, car c'est probablement la seule possible pour faire passer les gazoducs et contrôler les populations musulmanes, notamment dans un Caucase toujours aussi instable. Mais d'un autre côté, la Turquie est une puissance versatile. Erdogan est embourbé dans des problèmes internes avec les élections et la rébellion kurde. Au-delà, il se verrait bien profiter d'une Europe divisée et submergée pour placer ses pions. Surtout, la politique turque vis-à-vis de la Syrie favorise le développement d'un islam fort peu « humaniste » en Syrie et en Irak qui pourrait à terme contaminer les républiques caucasiennes de la Fédération de Russie. Encore une fois, les permanences géopolitiques vont replacer les relations russo-turques et l'avenir pour toutes les populations qui en dépendent, au cœur des débats. Le génocide arménien, en arrière plan de conflit russo-turc, c'était il y a un siècle...
    La bataille navale pour les Nuls
    Cette redéfinition des aires d'influence est pourtant perçue par certains comme le prélude d'un conflit mondial. Pour preuve ? Les Chinois ont envoyé un porte-avion et les Etats-Unis en ont retiré un ! L'ours du Kremlin, nouveau messie cosmique, a fait fuir la marine US ! Sauf que tout cela n'est qu'un énième tissus de mensonges. Il n'y a pas plus de renfort chinois en Syrie que de débâcle US. Voila ce que nous pouvons lire au sujet du porte avion chinois sur sputniknews : « Récemment, plusieurs médias ont annoncé qu'un porte-avions chinois se dirigeait vers la base militaire de Lattaquié (dans l'ouest de la Syrie) afin de lutter contre l'EI. Cependant, ce matin la Chine a démenti cette information: "Ce ne sont que des rumeurs erronées", a déclaré à ce sujet l'expert militaire et membre de la marine chinoise Zhang Junshe cité par la presse chinoise. »
    Des medias ? Une rapide recherche Google nous permet de trouver les trois premiers résultats en français à la recherche « navire chinois syrie » qui mentionnent un prétendu porte-avion chinois, il s'agit sans surprise de www.wikistrike.com , lesmoutonsenrages.fr et reseauinternational.net . Je ne sais pas combien je dois encore écrire d'article pour qu'enfin je ne trouve plus dans mon fil Facebook des camarades postant du wikistrike ou du reseauinternational... Bref. Un autre site, http://www.meretmarine.com indique entre autre que « Des sources militaires occidentales, qui surveillent en permanence les mouvements dans la région et plus particulièrement ce qui se passe en Syrie et au large de ses côtes, confirment que le Liaoning ne s’y trouve pas. » Le reste de l'article permet de se faire une idée du comique de la situation.
    Mais comme une rumeur n'était pas suffisante, il en fallait une autre ! Jamais rassasié, le pro-Kremlin a besoin de nourrir ses fantasmes. Le départ de l'USS Theodore Roosevelt a été considéré entre autre sur Breizatao.com comme une défaite géostratégique pour les Etats-Unis. Sauf que... un article de CNN du 6 août 2015 indiquait que l'USS Theodore Roosevelt allait quitter le Golfe Persique en octobre pour subir des travaux de maintenance et que son successeur, l'USS Harry Truman, ne le remplacerait pas avant l'hiver. Cette manœuvre, prévue de longue date, n'a donc rien à voir avec l'offensive russe. On peut même imaginer le contraire : les Etats-Unis auraient pu changer leur fusil d'épaule suite à l'intervention russe. Mais ils ont maintenu leur plan de rotation, quitte à retirer un bâtiment à proximité de la zone de conflit et à se priver pendant deux mois d'un porte-avion et ce malgré l'offensive russe en Syrie. Au final, on pourrait penser que les Etats-Unis sont sûrement plutôt satisfaits de laisser ce nid de frelons aux Russes. Conformément au « Pivot vers l'Asie » affirmé en 2011 et acté en 2012, le Moyen-Orient est aujourd'hui une région secondaire pour les Etats-Unis. Israël pour ne citer que ce pays cherche donc de nouveaux partenaires, parmi lesquels la Russie et la Chine.

    Et nous ?

    Cette nouvelle ère géopolitique qui est désormais ouverte et que nous sommes peu nombreux à décrypter avec toute la distance nécessaire est source de nombreux rebondissements depuis plusieurs mois. Les positions des uns et des autres ne sont pas figées mais des tendances se dessinent. Plus que jamais, la question nous est posée de savoir comment nous positionner vis à vis des velléités turques, russes et du « Pivot vers l'Asie » des Etats-Unis ? Quelle place dans le Nouveau Contexte Global pour la France et plus généralement, pour l'Europe ?

    Jean / C.N.C.

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/