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culture et histoire - Page 1526

  • Comment le FBI fabrique les terroristes…

    Une étude de 175 pages réalisée par le projet Salam passe au crible le cas de 399 personnes ayant figuré dans les fichiers du ministère de la justice des États-Unis entre 2001 et 2010. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les méthodes pour identifier et poursuivre les présumés terroristes s’en trouvent fortement critiquées.

    La plupart des arrestations qui s’en sont suivies sont survenues dans le cadre de la soi-disant guerre contre le terrorisme lancée après le 11 Septembre. Selon le rapport intitulé « Inventing terrorists : the lawfare of preemptive persecution », nombre de citoyens étasuniens de confession musulmane ont été injustement ciblés. Ce document est le premier document du genre à aborder de manière aussi nette la question des « accusations préventives ».

    Ses auteurs donnent une définition de ce tout nouveau concept juridique et l’inscrivent dans la stratégie de mise en œuvre des lois postérieures aux attentats pour identifier et poursuivre des personnes ou des organisations dont les idées, les croyances ou les affiliations religieuses soulèvent des préoccupations pour le gouvernement en matière de sécurité. Seuls 25 % des cas (99 personnes sur 399) portent sur des allégations de soutien matériel au terrorisme. 30 % d’entre eux font l’objet d’accusations de complot. Un peu plus de 17 % (71 personnes sur 399) ont été impliqués dans des opérations d’infiltration du territoire. Enfin, 16% concernent de fausses déclarations ou des allégations de parjure, alors que les délits liés aux lois migratoires n’impliquent que 6 % des cas.

    Toujours selon ce même rapport, onze cas à peine peuvent être réellement définis comme une menace potentiellement importante pour les États-Unis. Et les menaces n’étaient réellement fondées que dans trois cas seulement : pour les frères Tsarnaïev et Nidal Malik Hasan.

    L’une des stratégies du FBI est d’utiliser des agents provocateurs pour inciter les supposés terroristes à franchir le Rubicon. « Le gouvernement a ciblé les personnes exprimant de idées non-conformes et leur a fait parvenir, par le biais d’agents fédéraux utilisés à dessein, de faux missiles, des armes, des fusils d’assaut et de l’argent ». Ce n’est pas tout. « Les agents ont également adressé à ces personnes des encouragements, se liant même parfois d’amitié avec elles. Ils les aidaient dans la planification technique et stratégique pour savoir si elles pouvaient être manipulées et commettre des actions violentes ou criminelles », indique le rapport. 

    Le gouvernement étasunien pouvait également mettre en avant des « délits techniques mineurs », comme des erreurs administratives sur des documents relatifs à l’émigration, de présumées fausses déclarations à un agent public ou de simples problèmes liés au fisc pour poursuivre quelqu’un qui aurait eu le malheur de déplaire. « Le but évidemment est de faire croire au commun des mortels qu’il vit sous la menace constante d’attentats terroristes. Les États-Unis sont très impliqués dans la surveillance de tout un chacun, et cette surveillance leur est précieuse », explique Steven Downs, un avocat membre du projet Salam qui a publié le rapport. « La justification légale de ces actions découle de l’existence de la guerre contre le terrorisme. Rien n’aurait été possible sans cette dernière. C’est pourquoi ils (les agents fédéraux, NDLR) doivent continuer à arrêter des personnes et les incarcérer pour invoquer la menace du risque terroriste et donner une justification au maintien des mesures d’exception ». 

    Au moment où le quart de la population totale des prisonniers à l’échelle du globe se trouve aux États-Unis, rien d’étonnant à ce que certains observateurs internationaux respectés définissent l’État qui se considère comme un exemple de liberté et de démocratie comme une « dictature démocratique ».

    L’économiste canadien Michel Chossudovsky énonce quant à lui une évidence douloureuse quand il écrit qu’aux États-Unis s’accentue la tendance à « un État totalitaire militaire en costume civil ». Autrement dit, l’Oncle Sam ne veut la démocratie qu’à l’unique condition qu’il puisse la contrôler. La démocratie étasunienne, c’est un système où vous êtes libre de faire tout ce que vous voulez tant que vous faites ce qu’on vous dit. 

    Capitaine Martin.

    source

    http://www.oragesdacier.info/

  • Unité et diversité: nature, culture et politique

    Le rapport entre la diversité et l’unité est un classique des débats philosophiques, politiques, scientifiques ou religieux. Nos représentants valorisent par exemple la diversité en même temps qu’ils vantent l’unité nationale républicaine.
    Ainsi la république française est « une et indivisible », le slogan de l’Union européenne n’est autre que « Uni dans la diversité », telle personnalité politique appelle à « l’unité de la gauche », là où d’autres prônent « l’union des droites », « l’unité des nationaliste » ou même « l’unité des dissidents ». Le christianisme ou l’islam veulent réaliser l’unité spirituelle de l’humanité, diffusant la croyance en un seul dieu qui a pris la place de plusieurs dieux. Les hommes ont pu se questionner, dès la plus lointaine antiquité sur l’unité ou la diversité du divin.
    Si on observe la nature, c’est évidemment la diversité qui apparaît. Diversité des formes, des couleurs, des tailles, des textures. Diversité des fonctions. Diversité des être vivants, des habitats, des organisations sociales, des modes de reproduction. La « nature » est diverse. Mais elle est comprise dans un « tout », la planète Terre, qui est unique. L’humanité aussi est diversifiée, les types ethniques, les couleurs de peau, de cheveux, d’yeux, les tailles, les façons d’habiter, de percevoir le monde, les langues, la cuisine, la musique, les religions, les philosophies, l’organisation sociale, ici aussi nous sommes face à une grande diversité. La diversité est naturelle, la diversité est humaine et le temps, comme l’espace, produisent toujours plus de diversité. Ainsi le latin a donné naissance à un grand nombre de langues par exemple. En changeant d’échelle, nous pouvons aussi constater la diversité au sein de l’Univers : diversité des planètes, des corps célestes, par exemple.
    L’unité c’est le contenant, la diversité c’est le contenu. L’univers contient les planètes et les corps célestes, la Terre contient la faune et la flore, et l’humanité se divise en différentes ethnies ou cultures. Ce ne sont que des exemples. Au sein de ses entités la question du rapport entre la diversité et l’unité se pose également. En effet, chaque personne est différente. Les hommes ont donc cherché dans leur processus de socialité à unifier, de la famille à l’empire en passant par la cité ou le royaume.
    En effet le rapport entre l’unité et la diversité ne peut faire l’économie de la question de la complémentarité, de la solidarité, de l’entraide et de la coopération. La diversité est un système qui permet la pérennité du vivant. La mort elle-même s’inscrit comme une nécessité pour le bon fonctionnement du vivant. Que ce soit la complémentarité entre espèces et même entre la faune et la flore, la solidarité entre des êtres vivants, l’entraide au sein d’une communauté ou la coopération entre deux groupes sociaux, tout cela participe à la continuité du vivant, mais aussi à l’évolution. Contrairement à un cliché qui voudrait que le plus fort survit et que le plus faible meurt, il serait plus logique de constater qu’il existe une multitude de formes d’adaptations et d’évolutions. Ainsi un troupeau de gnous est en mesure de mettre en déroute un lion, mais un gnou isolé risque de servir de repas au roi des animaux. La force de l’un réside dans ses capacités physiques et son instinct de prédateur, là où les autres survivent grâce à la solidarité du groupe. Les lions peuvent eux-mêmes répondre à cette stratégie par leur propre solidarité de groupe. Ainsi la diversité permet la mise en place d’une société organique, au même titre que chaque organe a une fonction dans notre corps, chaque personne peut avoir sa fonction dans une société et chaque être vivant sur Terre. Cette société organique a toutefois dans le cas des êtres humains conscience d’œuvrer pour le « Tout » matérialisé par l’Etat.
    C’est donc l’Etat qui historiquement réalise l’unité dans les sociétés humaines par nature diversifiée. Nous pourrions trouver un certain nombre d’exemples tout à fait édifiant. Le Pharaon, l’Empereur romain, le roi absolu sont par exemple des figures qui incarnent l’État et sont garantes de l’unité. Nous pourrions songer également au Pape dans l’Église catholique qui est la figure unitaire de l’Église alors qu’il est possible d’être catholique de différentes façons. Les différentes institutions, liées ou non à l’État, ont toujours pour objectif de favoriser l’unité, ainsi l’État doit favoriser l’unité des citoyens, l’Église, celle des croyants. Cela sans pour autant nier leur diversité. Pour faire simple, si la diversité est un fait de nature et de culture, l’unité est politique. C’est l’action politique qui favorise l’unité d’un groupe humain à travers des institutions. La diffusion de l’écriture, les lois ou la conscription sont autant d’éléments vecteurs d’unité. Le fait de partager la même langue, les mêmes lois et de servir militairement la même entité politique ont pour effet de créer l’unité. Ainsi, bien que l’unité soit le fruit de l’action politique, elle nécessite aussi souvent un ennemi, contre le lequel s’agrège la communauté. Chez les animaux, l’attaque du lion va nécessairement créer une solidarité entre les gnous qui n’existerait pas dans un contexte de paix. Il en est de même pour les communautés humaines, c’est dans l’adversité qu’elles prennent conscience de leur unité, c’est ce qui explique aussi le communautarisme et la forte solidarité qui règne chez les minorités. Ainsi en 1914-1918, des mouvements totalement opposés ont proclamé « l’union sacrée » contre l’Allemagne. Cela implique également souvent la désignation d’un ennemi intérieur, celui qui va gêner cette unité, comme par exemple le pacifiste en 1914. Ainsi en politique, un libéral-libertaire considèrera le nationaliste comme un facteur de désunion, empêchant l’unité de l’humanité dont il rêve, là où le militant nationaliste et identitaire identifiera souvent le libéral-libertaire, ou toute communauté constituée comme un facteur de désunion de la nation. On songera ici aux quatre états fédérés de Maurras. Les deux camps répondent donc au même schéma de pensée bien que leurs opinions et leurs idées diffèrent et sont en réalité le produit d’un jeu d’échelle.
    Schématiquement, le militant anarchiste, hostile à l’État, aura tendance à rejeter ce qui nuit à la diversité, là où le nationaliste, souvent étatiste, n’a généralement que le mot « unité » à la bouche. Pourtant les deux démarches sont totalement compatibles, il est possible d’avoir une unité politique tout en ayant une diversité culturelle. Il ne faut pas pour autant en conclure qu’il serait possible d’avoir un « gouvernement mondial » préservant la diversité culturelle du monde, et ce pour une raison essentielle, les formes politiques sont propres aux différentes cultures. C’est ce qui rend l’unité politique d’ethnies et de cultures trop différentes impossible. Les formes d’unités sont donc elles-mêmes diversifiées, ce qui pourrait paraître paradoxal. C’est donc au nom de la diversité qu’il faut combattre tout projet mondialiste, les institutions étant souvent incapables d’accepter la diversité. L’absolutisme royal, le jacobinisme, le nazisme, le stalinisme ou le mondialisme ne brillent pas par leur volonté de bâtir avec la diversité, ils se sont construits contre la diversité.
    La diversité en politique porte un nom : le fédéralisme. C’est un moyen de réconcilier la diversité, qui est un fait de nature et de culture avec l’unité qui est une nécessité politique. C’est pour cela qu’il ne faut être ni totalement anarchiste, ni totalement étatiste. L’Europe (ou la France) de demain aurait besoin d‘un État qui garantisse l’unité politique, mais elle aurait autant besoin de communautés autonomes et de garantir la diversité culturelle qui a toujours fait la force du continent. La renaissance italienne n’est pas la renaissance française ni la renaissance allemande ou hollandaise, par exemple. Le fédéralisme est d’ailleurs incompatible avec le totalitarisme, ce qui évacue toute accusation allant dans ce sens. Le fédéralisme est peut-être, paradoxalement, le meilleur garant de l’unité, car les communautés ont besoin d‘être respectée dans leur diversité pour accepter de donner une part d’elle-même à un ensemble unitaire selon le principe de subsidiarité.
    Ce modeste exposé peut aussi nous conduire à envisager que « l’unité des nationalistes » n’est pas une impérieuse nécessité. C’est au contraire la diversité des mouvements politiques et des initiatives qui permet la richesse du militantisme, des débats et des façons de conquérir les cœurs et les esprits. La seule unité qui pourrait exister serait soit conditionnée par un homme d’exception, soit conditionnée par le combat. Mais il faut au contraire se satisfaire de la diversité, qui est le signe d’un dynamisme, mais aussi, on a tendance à l'oublier, de traditions politiques différentes, parfois antagonistes, qui ont chacune quelque chose à apporter. C’est aussi le signe de différentes stratégies d’adaptation, de survie et d’évolution. Cette diversité est tout simplement le fruit d'une adaptation différente à l'environnement social et politique. Il ne faut pas se leurrer sur le fait que certaines conceptions de la France, de l’Europe et du monde meurent et que d’autres naissent.
    Jean/C.N.C

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • George Soros et la drogue : les secrets de Judapest – par Laurent Glauzy (5/5)

    Italie : la conquête mafieux-pornographique de Soros

    L’Italie est, en Europe, une des nations les plus ouvertes aux financements de Soros, comme l’atteste le parti radical de centre-gauche, avec Emma Bonino, ancienne ministre des Affaires étrangères pro-israélienne, et Marco Pannella, qui se définit comme radical, socialiste, libéral, fédéraliste européen, anticlérical, anti-prohibitionniste, antimilitariste et adepte de Gandhi.

    En 2013, ils présenteront la Liste Amnistie, Justice, Liberté. Bien que très minoritaire dans le jeu politique italien, cette formation a eu une influence déterminante sur de nombreuses questions de société, notamment dans le cadre de la dépénalisation de l’avortement en Italie. De plus, Emma Bonino et Marco Pannella ont été associés à de nombreuses initiatives provocatrices destinées à faire « avancer la société », notamment avec l’ancienne actrice de films pornographiques, la Cicciolina, élue au parlement en 1987 sous l’étiquette du Parti de l’amour. Ilona Staller, de son vrai nom, est d’origine « hongroise ».

    Les radicaux, en particulier Emma Bonino, sont soutenus par le financier Licio Gelli, né en 1919 (non encore euthanasié), maître maçon de la loge P2, proche de Silvio Berlusconi, président du conseil des ministres de 2008 à 2011. Licio Gelli a été l’un des principaux appuis de sa montée au pouvoir[1].

    C’est dans ce marigot alliant la franc-maçonnerie, la pornographie, l’anticléricalisme et sans doute la mafia, que le György compte ses plus fidèles alliés. Avec lui, les radicaux conduisent plusieurs campagnes, dont celle de 1996, afin d’instituer un tribunal permanent pour les crimes contre l’humanité. Soros prit même la carte de la rose dans le poing.

     

    Il est légitime de penser que c’est la main de Soros qui dirigeait les investissements des radicaux dans les pays d’Europe de l’Est, après la chute du mur de Berlin, en novembre 1989 : György plaça des milliards de dollars dans des affaires philanthropiques et les radicaux ouvrirent des bureaux dans chaque capitale slave. Il est à supposer que certains émissaires furent tués, dans une lutte d’influence, par les héritiers du KGB[2].

    Drogue et éducation des parents

    Dans les années 1990, Emma Bonino entreprend plusieurs voyages à New York pour rencontrer le magnat. Plus récemment, en 2013, les radicaux italiens ont d’ailleurs mis en ligne une vidéo, intitulée Droghe, la legalizzazione illustrata agli adulti (Drogues, la législation expliquée aux adultes), faisant la promotion de la légalisation de la drogue.

    Emma Bonino et Marco Pannella étaient présents, en septembre 2013, dans la propriété de Soros située à Bedford, près de New York, où le milliardaire célébrait, à 83 ans, son troisième mariage avec Tamiko Bolton, 42 ans, une consultante sur les questions de santé et d’éducation ! Devons-nous voir un lien entre la formation de son épouse et ses prises de position ? S’agit-il d’un hasard ? Quoi qu’il en soit, cette même année, la Soros Foundation subventionnait le gouvernement de centre-gauche croate, pour imposer, dans les programmes scolaires destinés à des enfants de huit ans, un module sur la sexualité rédigé par des pédophiles.

    Néanmoins, les radicaux ne sont pas la seule cinquième colonne de Soros en Italie. Soros, qui causa la dévaluation de la lire en 1992, se sert des radicaux comme point d’encrage. Pour donner une idée du niveau de servilité de l’Italie vis-à-vis de György, il faut se rappeler le cas bruyant, en 1995, du doctorat honoris causa que Prodi faisait attribuer au monstre magyar.

    Beppe Grillo : un antisémite de pacotille

    Le célèbre humoriste de gauche Beppe Grillo, le pitre de Ligurie, dans un spectacle de 2003, qualifiait Soros et le partisan de l’avortement Ted Turner, un magnat des médias américains, d’« exemples de capitalisme éthique ». Pourtant, Beppe Grillo est connu pour avoir effectué une percée, lors du dernier scrutin aux élections européennes, le 25 mai 2014, avec 21,7 % des suffrages. Son Mouvement 5 étoiles arriva en tête des résultats. Son obéissance au système et à Soros fit bien vite oublier un de ses écarts. Il fut accusé d’antisémitisme lorsqu’il invectiva le journaliste télévisé Gad Lerner : « Je l’enverrais bien se promener à Gaza avec sa calotte de juif sur la tête » ; « Hitler était certainement un fou malade, mais son idée d’éliminer les Juifs était d’éradiquer leur dictature financière. »

    Cependant, toutes les nations ne font pas les yeux doux à Soros. Bien au contraire. Par exemple, l’Indonésie, autre pays dont György fit sombrer la monnaie nationale dans une opération de spéculation, le fit condamner à la prison par contumace.

    Poutine a lancé un mandat d’arrêt international contre Soros. Le président russe avait alors galvanisé la moitié du monde. Soros, qui riposta en retirant le milliard de dollars qu’il avait promis à ses ONG sur le sol russe, parla ensuite de la Russie comme d’un « agresseur géopolitique de l’Europe ».

    Laurent Glauzy

    [1] Arte Thema du 1/2/2011.

    [2] Roberto Dal BoscoLa ballata russa dei radicali morti, art. du site catholique Effedieffe.com du 3/6/2013.

    http://www.contre-info.com/george-soros-et-la-drogue-les-secrets-de-judapest-par-laurent-glauzy-55

  • Les "excès" de la Révolution sont dans sa nature

    Interrogé dans L'Homme Nouveau du 21 juin, Philippe Pichot-Bravard, qui vient de publier un ouvrage magistral sur La Révolution française, déclare :

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    Michel Janva

  • Projet pédagogique autour du film Cristeros

    Les distributeurs du film Cristeros en France estiment que ce film constitue une opportunité pédagogique et pastorale très riche : plusieurs directeurs d’établissements privés ou de responsables de la pastorale collège et lycée les ont déjà contacté pour programmer ce film à la rentrée scolaire pour leurs collégiens ou lycéens. Voici par exemple le témoignage de Caroline, bénévole à la pastorale des jeunes à Saint Nazaire :

    «Nous avons contacté Cinéville et convenu de la semaine du 15 au 21 octobre. Nous ferons une grande matinée pour les lycéens (450 jeunes) et on invitera quelqu'un d'AED pour parler de la condition actuelle des chrétiens dans différents pays (une demi-heure seulement car le film est déjà long). Les professeurs étudieront aussi en classe les dossiers que "Il est vivant " propose au sujet du film. On fera aussi le 16 au soir une projection tout public avec le même animateur. Et Cinéville souhaite garder le film toute la semaine. C'est plus qu'on en rêvait ! »

    C’est un exemple parmi d’autres qui montre que c’est assez simple à organiser. Il suffit de prendre contact avec le cinéma (même mono-écran) de votre quartier pour lui demander de bien vouloir programmer, à une date qui vous convienne, une ou plusieurs séances scolaires en journée à tarif réduit pour vos collégiens et lycéens. La salle concernée s’occupera de tout le reste et se mettra notamment en contact avec les distributeurs pour les aspects techniques de la programmation (Davy Antoine - davy.antoine@orange.fr).

    Sur le fond, le film présente en effet de très nombreux intérêts pour les élèves :

    • sur le plan pastoral, c’est un film profondément chrétien qui présente des témoignages historiques bouleversants et aborde les questions de liberté religieuse, de non-violence, de conditions d’une guerre juste, etc.),
    • sur le plan philosophique, il pose à chaque spectateur la question fondamentale : "Et toi, que ferais-tu dans une telle situation ?" et montre à travers les différents personnages, un panel de réactions possibles. Il soulève également les questions de liberté de conscience.
    • sur le plan historique (histoire du 20ème siècle au Mexique et aux Etats-Unis, rapprochement avec ce qui se passe alors dans le monde : montée du fascisme en Italie, du communisme en Russie, prémices du nazisme en Allemagne, révolutions techniques comme la traversée de l’Atlantique par Lindbergh, etc.)
    • sur le plan de la culture générale : découverte de grands acteurs (Andy Garcia, Eva Longoria, Peter O'Toole bien sûr, mais aussi Oscar Isaac, Santiago Cabrera, Catalina Sandino Moreno, Ruben Bades et Edouardo Verastegui), du réalisateur Dean Wright (Seigneur des anneaux, Narnia), du compositeur James Horner (Avatar Titanic et bien d’autres), parallèle avec leurs autres œuvres, découvertes des effets visuels, les registres dramatiques, etc.
    • sur le plan linguistique : le film existe en VF mais également en anglais pour la VO sous-titrée, dans un anglais très accessible.

    Michel Janva

  • Roberto Michels : un socialisme au-delà des oligarchies

    1. Roberto Michels,un homme, une carrière

    Michels.gifRoberto Michels, le grand sociologue italo-allemand, principal représentant, avec Vilfredo Pareto et Gaetano Mosca, de l'école "élitiste" italienne. Michels est né à Cologne en 1876, dans une famille de riches commerçants d'ascendance allemande, flamande et française. Après des études commencées au Lycée français de Berlin et poursuivies en Angleterre, en France et à Munich en Bavière, il obtient son doctorat à Halle en 1900, sous l'égide de Droysen, en présentant une thèse sur l'argumentation historique. Dès sa prime jeunesse, il milite activement au sein du parti socialiste, ce qui lui attire l'hostilité des autorités académiques et rend difficile son insertion dans les milieux universitaires. En 1901, grâce à l'appui de Max Weber, il obtient son 1er poste de professeur à l'Université de Marbourg.

    Ses contacts avec les milieux socialistes belges, italiens et français sont nombreux et étroits. Entre 1904 et 1908, il collabore au mensuel français Le Mouvement socialiste et participe, en qualité de délégué, à divers congrès sociaux-démocrates. Cette période est décisive pour lui, car il rencontre Georges Sorel, Edouard Berth et les syndicalistes révolutionnaires italiens Arturo Labriola et Enrico Leone. Sous son influence, s'amorce le processus de révision du marxisme théorique ainsi que la critique du réformisme des dirigeants socialistes. La conception activiste, volontariste et antiparlementaire que Michels a du socialisme ne se concilie pas avec l'involution parlementariste et bureaucratique du mouvement social-démocrate. Ce hiatus le porte à abandonner graduellement la politique active et à intensifier ses recherches scientifiques. A partir de 1905, Max Weber l'invite à collaborer à la prestigieuse revue Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik. En 1907, il obtient une chaire à l'Université de Turin où il entre en contact avec Mosca, avec l'économiste Einaudi et avec l’anthropologue Lombroso. Dans ce climat universitaire fécond prend corps le projet de son œuvre fondamentale, Zur Soziologie des Parteiwesens. Pendant la guerre de Tripoli, Michels prend position en faveur des projets impériaux de l'Italie et contre l'expansionnisme allemand. De cette façon, commence son rapprochement avec le mouvement nationaliste italien ; ses rapports avec Max Weber se détériorent irrémédiablement.

    Pendant la période italienne, un travail fécond

    Au début de la Ière Guerre Mondiale, en 1914, il s'installe à l'Université de Bâle en Suisse. C'est la période où Michels resserre ses liens avec Pareto et avec l'économiste Maffeo Pantaleoni. En 1922, il salue avec sympathie la victoire de Mussolini et du fascisme. Il retourne définitivement en Italie en 1928 pour assumer la chaire d'Économie Générale auprès de la Faculté des Sciences Politiques de l'Université de Pérouse (Perugia). En même temps, il enseigne à l'Institut Cesare Alfieri de Florence. À cette époque, il donne de nombreuses conférences et cours en Italie et ailleurs en Europe. Ses articles paraissent dans la fameuse Encyclopaedia of the Social Sciences (1931). Il meurt à Rome à l'âge de 60 ans, le 2 mai 1936.

    Homme d'une très vaste culture, éduqué dans un milieu cosmopolite, observateur attentif des mouvements politiques et sociaux européens à la charnière des XIXe et XXe siècles, Michels fut, outre un historien du socialisme européen, un critique de la démocratie parlementaire et un analyste des types d'organisation sociale, un théoricien du syndicalisme révolutionnaire et du nationalisme, ainsi qu'un historien de l'économie et de l'impérialisme italien. Ses intérêts le portèrent également à étudier le fascisme, les phénomènes de l'émigration, la pensée corporatiste et les origines du capitalisme. À sa manière, il a continué à approfondir la psychologie politique créée par Gustave Le Bon et s'est intéressé, à ce titre, au comportement des masses ouvrières politisées. Il a également abordé des thèmes qui, à son époque, étaient plutôt excentriques et hétérodoxes, comme l'étude des relations entre morale sexuelle et classes sociales, des liens entre l'activité laborieuse et l'esprit de la race, de la noblesse européenne, du comportement des intellectuels et a brossé un 1er tableau du mouvement féministe. N'oublions pas, dans cette énumération, de mentionner ses études statistiques, tant en économie qu'en démographie, notamment à propos du contrôle des naissances et d'autres questions connexes.

    2. La redécouverte d'une œuvre

    Comme je viens de le signaler, son livre le plus important et le plus connu est intitulé Zur Soziologie des Parteiwesens in der modernen Demokratie ; il a été publié une 1ère fois en 1911 et une 2nde fois en 1925 (cette édition étant l'édition définitive). Il s'agit d'une étude systématique, consacrée aux rapports entre la démocratie et les partis, à la sélection des classes politiques, aux relations entre les minorités actives et les masses et au "leadership". La bibliographie de Michels comprend 30 livres et près de 700 articles et essais, dont beaucoup mériteraient d’être réédités (1). Son livre principal a été traduit en anglais, en espagnol, en français, en italien, etc.

    Malgré l'ampleur thématique, la profondeur et l’actualité de bon nombre d'analyses de Michels, son œuvre n'a pas joui du succès qu'elle mérite. Dans beaucoup de pays européens, on la cite mal à propos et les ouvrages critiques valables manquent. En compensation, plusieurs études de bonne tenue sont parues aux États-Unis, spécialement sur l'apport de Michels à la théorie du parti politique et à la définition du fascisme (2). Sa sympathie pour le mouvement de Mussolini est, évidemment, un des motifs qui ont conduit à l'ostracisation de son œuvre au cours de notre après-guerre. C'est un destin qu'il a partagé avec d'autres intellectuels, comme Giovanni Gentile (3). Autre motif : la diffusion en Europe de méthodes sociologiques américaines, lesquelles sont empiriques, descriptives, statistiques ou critiques / utopiques et ne prêtent guère d'attention à l'analyse des concepts et aux dimensions historiques et institutionnelles des phénomènes sociaux. Le style scientifique de Michels, qui est réaliste/réalitaire, anti-idéologique, démystifiant et dynamique, a été injustement considéré comme dépassé, comme l'expression anachronique d'une attitude éminemment conservatrice (4).

    Un retour de Michels s'annonce

    Récemment, toutefois, la situation a commencé à changer, surtout en Italie, pays que Michels considérait comme sa "nouvelle patrie". En 1966, on y publie, avec une étude préliminaire de Juan Linz, une traduction deZur Soziologie des Parteiwesens (5). En 1979 paraît une sélection d'essais sous la direction du spécialiste américain James Gregor (6). Une anthologie d'écrits relatifs à la sociologie paraît en 1980 (7). Deux ans plus tard, l'Université de Pérouse organise un colloque sur le thème de "Michels entre la politique et la sociologie" avec la participation des plus éminents sociologues italiens (8). A l'occasion du 50ème anniversaire de sa mort, d'autres publications ont été incluses dans les programmes des éditeurs. Les éditions UTET ont annoncé une vaste collection d' "écrits politiques". Giuffré a prévu, dans sa prestigieuse collection Arcana Imperii, une anthologie dirigée par Ettore Albertoni & G. Sola, qui portera le titre de Dottrine et istituzioni politiche. Ce même éditeur envisage également une traduction italienne de Sozialismus und Faschismus in Italien, œuvre parue initialement en 1925.

    Une contribution récente à la redécouverte de Michels se trouve dans le livre du professeur israëlien Zeev Sternhell, consacré à la genèse de l'idéologie fasciste en France (9). Selon Sternhell, Michels, comme Sorel, Lagardelle et De Man, incarne le courant "révisionniste", qui, entre 1900 et 1930, apporte une contribution décisive à la démolition des fondements mécanistes et déterministes du marxisme théorique, et à la critique de l'économisme et du réductionnisme matérialiste. Michels favorise ainsi la diffusion d'une conception de l'action politique fondée sur l'idée de nation et non de classe, couplée à une éthique forte et à une vision libre de la dynamique historique et sociale. D’après de nombreux auteurs, c'est là que résident les fondements où a mûri le fascisme avec son programme d'organisation corporative, de justice sociale, d'encadrement hiérarchique des institutions politiques et de limitation des corruptions dues au parlementarisme et au pluralisme partitocratique.

    Michels a été en contact avec les personnalités politiques et intellectuelles les plus éminentes de son époque, comme Brentano, Sombart, Mussolini, Pareto, Mosca, Lagardelle, Sorel, Schmoller, Niceforo, etc. Il nous manque encore pourtant une bonne biographie. Il serait très intéressant de publier ses lettres et son journal ; ces 2 éléments contribueraient à illuminer une période extrêmement significative de la culture européenne de ces 100 dernières années.

    3. La phase syndicaliste

    Dans la pensée de Michels, on peut distinguer 2 phases. La 1ère coïncide avec l'abandon de l'orthodoxie marxiste initiale et avec une approche du syndicalisme révolutionnaire et du révisionnisme théorique. La 2nde, la plus féconde du point de vue scientifique, coïncide avec la découverte de la théorie de Mosca sur la "classe politique" et de celle de Pareto sur l'inévitable "circulation des élites". Nous allons, dans la suite de cet article, examiner brièvement, mais avec toute l'attention voulue, ces 2 phases.

    Après qu'il ait publié de nombreux articles de presse et prononcé de nombreuses allocutions lors de congrès et de débats politiques, les 1ères études importantes de Michels paraissent entre 1905 et 1908 dans la revue Archiv(cf. supra) dirigée par Max Weber. Particulièrement significatifs sont les articles consacrés à "La social-démocratie, ses militants et ses structures" et aux "Associations. Recherches critiques", parus en langue allemande, respectivement en 1906 et en 1907. Michels y analyse l’hégémonie de la social-démocratie allemande sur les mouvements ouvriers internationaux et y envisage la possibilité d'une unification idéologique entre les diverses composantes du socialisme européen. Ce faisant, il met simultanément en exergue les contradictions théoriques et pratiques du parti ouvrier allemand : d'un côté, la rhétorique révolutionnaire et la reconnaissance de la grève générale comme forme privilégiée de lutte, et, d'un autre côté, la tactique parlementaire, le légalisme, l'opportunisme et la vocation aux compromis. Michels critique le "prudencialisme" des chefs sociaux-démocrates, sans pour autant favoriser le spontanéisme populaire ou les formes d'auto-gestion ouvrière de la lutte syndicaliste. Selon Michels, l'action révolutionnaire doit être dirigée et organisée et, de ce point de vue, les intellectuels détiennent une fonction décisive. Car décisif est le travail pédagogique d'unifier le parti politique. Le mouvement ouvrier se présente comme une riche constellation d’intérêts économiques et de visions idéalistes qui doit être synthétisée dans un projet politique commun.

    Dans son 1er livre, Il proletariato e la borghesia nel movimento socialista, publié en italien en 1907, Michels perçoit parfaitement les dangers de dégénérescence, d'oligarchisation et de bureaucratisation, intrinsèques aux structures des partis et des syndicats. Dans cette 1ère phase de sa pensée, Michels envisage une "possibilité" [involutive] qui doit être conjurée par un recours à l'action directe du syndicalisme. Pour lui, l'involution virtuelle du socialisme politique ne révèle pas encore son véritable sens qui est d’être une inexorable fatalité sociologique.

    4. La phase sociologique

    En 1911, paraît, comme nous venons de le signaler, sa "somme" importante sur le parti politique (10), l'œuvre qui indique son passage définitif du syndicalisme révolutionnaire à la sociologie politique. L'influence de Mosca sur sa méthode historique et positive a été déterminante. À partir d'une étude sur la social-démocratie allemande, comme cas particulier, Michels en arrive à énoncer une loi sociale générale, une règle du comportement politique. Michels a découvert que, dans toute organisation, il y a nécessairement des chefs préparés à l'action et des élites de professionnels compétents ; il a découvert également la nécessité d'une "minorité créatrice" qui se propulse à la tête de la dynamique historique ; il a découvert la difficulté qu'il y a à concilier, dans le cadre de la démocratie parlementaire, compétence technique et représentativité. La thèse générale de Michels est la suivante : "Dans toute organisation humaine à caractère instrumental (Zweckorganisation), les risques d'oligarchisation sont toujours immanents" (11). Il dénonce ensuite l'insuffisance définitive du marxisme : "Les marxistes possèdent certes une grande doctrine économique et un système historique et philosophique fascinant ; mais, dès que l'on entre dans le champ de la psychologie, le marxisme révèle des lacunes conceptuelles énormes, même aux niveaux les plus élémentaires". Son livre est riche en thèses et en arguments. Jugeons-en sur pièces :

    1) La lutte politique démocratique a nécessairement un caractère démagogique. En apparence, tous les partis combattent pour le bien de l'humanité, pour l’intérêt général et pour l'abolition définitive des inégalités. Mais, au-delà de la rhétorique sur le bien commun, sur les droits de l'homme et sur la justice sociale, on sent poindre une volonté de conquérir le pouvoir et se profiler le désir impétueux de s’imposer à l'État, dans l’intérêt de la minorité organisée que l'on représente. A ce propos, Michels énonce une "loi d'expansion", selon laquelle tout parti tend à se convertir en État, à s'étendre au-delà de la sphère sociale qui lui était initialement assignée ou qu'il avait conquise grâce à son programme fondamental" (12).

    2) Les masses sont incapables de s'auto-gouverner. Leurs décisions ne répondent jamais à des critères rationnels et elles sont influencées par leurs émotions, par des hasards d'ordres divers, par la fascination charismatique qu'exerce un chef bien déterminé et influent, qui se détache de la masse pour en assumer la direction de manière dictatoriale. À la suite de l’avènement de la société de masse et de la croissance des grands centres industriels, toute possibilité de réinstaurer une démocratie directe est désormais définitivement éteinte. La société moderne ne peut fonctionner sans dirigeants et sans représentants. En ce qui concerne ces derniers, Michels écrit : "Une représentation durable signifie, dans tous les cas, une domination des représentants sur les représentés" (13). De l'avis de Michels, ce jugement ne signifie pas le rejet de la représentation, mais bien la nécessité de trouver des mécanismes qui pourront transformer les relations entre les classes politiques et la société civile, de la manière la plus organique possible. Aujourd'hui, le véritable problème de la science politique consiste à choisir des formes nouvelles 1) de représentation et 2) de transmission des volontés et des intérêts politiques, qui se fondent sur des critères organiques, dans un esprit de solidarité et de collaboration, orientés dans un sens pragmatique et non inspirés de ces mythes d'extraction mécaniciste, qui ne visent que le pouvoir des partis et non le gouvernement efficace du pays.

    La compétence, c'est le pouvoir

    3) La foi politique a pris le relais de la foi religieuse à l’ère contemporaine. Michels écrit : "Au milieu des ruines de la culture traditionnelle des masses, la stèle triomphante du besoin de religion est restée debout, intacte"(14). C'est là une anticipation intelligente de l'interprétation contemporaine du caractère messianique et religieux/séculier, si caractéristique de la politique de masse moderne, comme c'est notamment le cas dans les régimes totalitaires.

    4) "La compétence est pouvoir", "la spécialisation signifie autorité". Ces 2 expressions récapitulent pour Michels l'essence du "leadership". En conséquence, la thèse selon laquelle le pouvoir et l'autorité se déterminent par rapport aux masses, ou dans le cadre des conflits politiques avec les autres partis, est insoutenable. D’après Michels, ce sont, dans tous les cas, des minorités préparées, aguerries et puissantes qui entrent en lutte pour prendre la direction d'un parti et pour gouverner un pays.

    5) Analysant 2 phénomènes historiques comme le césarisme et le bonapartisme, Michels dévoile les relations de parenté entre démocratie et tyrannie et se penche sur l'origine démocratique de certaines formes de dictature. "Le césarisme, écrit-il, est encore de la démocratie ou, du moins, peut en revendiquer le nom, parce qu'il tire sa source directement de la volonté populaire" (15). Et il ajoute : "Le bonapartisme est la théorisation de la volonté individuelle, jaillie au départ de la volonté collective, mais émancipée de celle-ci, avec le temps, pour devenir à son tour souveraine" (16).

    Légitimité et "loi d'airain des oligarchies"

    6) Carl Schmitt, dans son livre classique Legalität und Legitimität (1932), a développé une analyse profonde autour de la "plus-value politique additionnelle" qu'assume celui qui détient légalement le levier du pouvoir politique; il s'agit d'une espèce de supplément de pouvoir. Michels a eu une intuition semblable en écrivant: "Les leaders, disposant des instruments du pouvoir et, de ce fait, du pouvoir lui-même, ont pour eux l'avantage d'apparaître toujours sous la lumière de la légalité".

    7) Le livre principal de Michels contient beaucoup d'autres observations sociologiques : sur les différenciations de compétences ; sur les goûts et les comportements, lesquels, en tant que conséquences de l'industrialisation, ont touché les ouvriers et brisé l'unité de classe; sur les mutations sociales comme l'embourgeoisement des chefs et le rapprochement entre les niveaux de vie du prolétariat et de la petite bourgeoisie ; sur la possibilité de prévoir et de limiter le pouvoir des oligarchies au moyen du procédé technique qu'est le référendum et par le recours à l'instrument théorique et pratique du syndicalisme.

    8) La 6ème partie du livre est centrale et dédiée explicitement à la tendance oligarchique des organisations. Michels énonce la plus célèbre de ses lois sociales, celle qui évoque la "perversion" que subissent toutes les organisations : avec l'accroissement du nombre des fonctions et des membres, l’organisation, "de moyen pour atteindre un but, devient fin en soi. L'organe finit par prévaloir sur l'organisme". C'est là la "loi de l'oligarchie" dont il résulte que l'oligarchie est la "forme établie d'avance de la convivialité humaine dans les organisations de grande dimension".

    9) Le livre de Michels contient, dans sa conclusion, une volonté de lutte qui, partiellement, rappelle la vision historique tragique de Max Weber et de Georg Simmel ; c'est une volonté d'approfondir le choc inévitable entre la vie et ses formes constituées, entre la liberté et la cristallisation des institutions sociales, lesquelles caractérisent la vie moderne.

    5. L'Histoire

    Avec la publication en langue italienne du livre intitulé L'imperialismo italiano. Studio politico e demo-grafico(1914), le "retournement" de Michels est définitif. Avec la parution de cette œuvre, s'écroule un mythe, celui de l'internationalisme et de l’universalisme humanitariste. Dans l'œuvre de Michels, le nationalisme apparaît comme le nouveau moteur idéal de l'action politique, comme un sentiment capable de mobiliser les masses et d'en favoriser l’intégration dans les structures de l'État. L'analyse sociologique du sentiment national sera approfondie dans un volume ultérieur, d'abord paru en allemand (1929), et puis en italien (1933), sous le titre deProlegomeni sul patriottismo.

    A partir de 1913, paraissent en Italie plusieurs études importantes en économie : Saggi economici sulle classi popolari (1913), La teoria di Marx sulla poverta crescente e le sue origini (1920). L'approche que tente Michels en économie est de nature rigoureusement historique. Selon lui, il est plus important de tenir compte de l'utilité pratique d'une théorie économique que de ses corrections spéculatives purement formelles. L'interprétation de Michels est pragmatique et concrète. Il critique l’inconsistance de l' "homo oeconomicus" libéral, parce qu'à son avis, il n'existe pas de sujets économiques abstraits, mais des acteurs concrets, porteurs d’intérêts spécifiques. Il critique ensuite l'interprétation du marxisme, laquelle pose l'existence d'un conflit insurmontable au sein des sociétés. Michels reconnaît par là la fonction régulatrice et équilibrante de l'État et la nécessité d'une collaboration étroite entre les diverses catégories sociales. Pour cette raison, le modèle corporatif lui apparaît constituer une solution. Sa valorisation du corporatisme est contenue dans l'opuscule Note storiche sui sistemi sindicali corporativi publié en langue italienne en 1933.

    6. Le fascisme

    Dans cette phase-là de son œuvre, son activité d'historien, il la consigne dans des livres, écrits d'abord en allemand, puis traduits en italien : Socialismo e fascismo in ltalia (2 vol., 1925) ; Psicologia degli uomini significativi. Studi caratteriologici (1927), Movimenti anricapitalistici di massa (1927) ; puis dans des écrits rédigés directement en italien : Francia contemporeana (1926) et Storia critica del movimento socialista italiano(1926). Parmi les personnalités "significatives" dont il trace la biographie, figurent Bebel, De Amicis, Lombroso, Schmoller, Weber, Pareto, Sombart et W. Müller. En 1926, Michels donne une série de leçons à l'Université de Rome ; elles seront rassemblées un an plus tard en un volume, rédigé en italien : Corso di sociologia politica, une bonne introduction à cette discipline qui s’avère encore utile aujourd'hui. Dans ce travail, il retrace les grandes lignes de sa vision élitiste des processus politiques, émet une théorisation de l'institution qu'est devenue le "Duce" et développe une nouvelle théorie des minorités. Le "Duce", qui tire sa puissance directement du peuple, étend sa légitimité à l'ensemble du régime politique. Cette idée constitue, en toute vraisemblance, un parallèle sociologique de la théorie élaborée simultanément en Allemagne par les théoriciens nationaux-socialistes du dit "Führerprinzip".

    Cette relative originalité de Michels n'a pas été suffisamment mise en évidence par les critiques, qui se sont limités à le considérer seulement comme un génial continuateur de Mosca et de Pareto. En 1928, dans la Rivista internazionale di Filosofia del Diritto, paraît un essai important de Michels : Saggio di classificazione dei partiti politici. Par la suite, de nombreux écrits italiens furent réunis en 2 volumes : Studi sulla democrazia e l'autorità(1933) et Nuovi studi sulla classe politica (1936). L'adhésion explicite de Michels au fascisme s'est exprimée dans un ouvrage écrit d'abord en allemand (L'Italia oggi) en 1930, année où il s'inscrit au PNF (Parti National Fasciste). Dans ces pages, Michels fait l'éloge du régime de Mussolini, parce qu'il a contribué de manière décisive à la modernisation du pays.

    7. Conclusions

    La plus grande partie des notules relatives à la vie de Michels sont contenues dans son essai autobiographique, rédigé en allemand (Una corrente sindicalista sotteranea nel socialismo tedesco fra il 1903 e il 1907) et publié en 1932 ; cet essai demeure encore et toujours utile pour reconstruire les diverses phases de son existence, ainsi que repérer les différentes initiatives politiques et culturelles qu'il a entrepris ; on découvre ainsi son itinéraire qui va de la sociale-démocratie allemande au fascisme, de l'idéologie marxiste au réalisme machiavélien à l'italienne, des illusions du révolutionarisme à son credo conservateur. En résumé, il s'agit là d'une œuvre vaste, de grand intérêt. Nous espérons, en guise de conclusion à cette brève introduction, qu’elle contribuera à faire redécouvrir ce grand sociologue et à valoriser de façon équilibrée son travail.

    Notes :

    1.  Une bibliographie des travaux de Michels à été publiée en 1937 par les Annali de la faculté de Jurisprudence de l'Université de Pérouse.
    2. Par ex. D. Beetham, "From Socialism to Fascism : The Relation Between Theory and Practice in the Work of R. Michels" in: Political Studies, XXV, nn. 1 & 2. Cf. aussi G. Hands, "R. Michels and the Study of Political Parties" in : British Journal of Political Science, 1971, n. 2.
    3. Sur ce thème, W. Röhrich, R. Michels vom sozialistisch-syndikalistischen zum faschistischen Credo, Berlin, 1972. Cf. également R. Messeri, "R. Michels : crisi della democrazia parlamentare e fascismo" dans l'ouvrage collectif Il fascismo nell'analisi socioligica, Bologna, 1975.
    4. Remarquablement intéressantes sont les études de E. Ripepe (Gli elitisti italiani, Pisa, 1974) et de P.P. Portinaro, "R. Michels e Pareto. La formazione e la crisi della sociologia" in : Annali della Fondazione Luigi Einaudi, Torino, XI, 1977.
    5. Roberto Michels, Les partis politiques, Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties,Flammarion, Paris, 1971.
    6. A. James Gregor, Roberto Michels e l'ideologia del fascismo, Roma, 1979. À la suite d'une longue introduction, on trouvera dans ce volume un vaste choix de textes de Michels.
    7. Roberto Michels, Antologia di scritti sociologici, Bologna, 1980.
    8. Les contributions à ce colloque ont été rassemblées par G.B. Furiozzi dans le volume Roberto Michels Ira politica e sociologia, ETS, Pisa, 1985.
    9. Z. Sternhell, Ni droite ni gauche, Seuil, 1983.
    10. À propos de la contribution de Michels à la "stasiologie" (science des partis politiques), voir G. Femàndez de la Mora, La partitocracia, Instituto de Estudios Politicos, Madrid, 1977, pp. 31-42. À propos de l'influence de Michels sur Ortega y Gasset, voir I. Sanchez-Camara, La teoria de la minoria selecta en el pensamiento de Ortega y Gasset, Madrid, 1986, pp. 124-128.
    11. Michels, Les partis politiques..., op.cit.
    12. (13)(14)(15)(16) Ibidem

    par Alessandro Campi

    Source : Alessandro CAMPI, revue Vouloir n°50/51 (nov. 1988). Texte issu de Diorama Letterario, Florence ; tr. fr. R. Steuckers.

    http://vouloir.hautetfort.com/index-13.html

  • Bernard Antony : « Le combat pour la nation n'a de sens que s'il est un combat pour l'enracinement et l'universel »

    Bernard Antony, fondateur et président du Centre Charlier, de Chrétienté-Solidarité et de l'AGRIF (Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne) est un infatigable militant politique depuis ses jeunes années, mais aussi un penseur de la politique, auteur de très nombreux ouvrages très documentés sur l'actualité, le judaïsme, l'islam, la franc-maçonnerie... Homme libre et indépendant, cet ancien député européen du Front national, aujourd'hui sans étiquette politique mais toujours davantage au service du pays réel, de la liberté, des chrétientés persécutées, s'appuie sur la longue tradition, vivante, du mouvement national.

    Jeanne Smits : La distinction entre « droite » et « gauche » a-t-elle encore un sens aujourd'hui ?

    Bernard Antony : Elle a un sens très fondé qui s'ordonne autour de quelques mots : Décalogue, écologie humaine, humilité, soumission au réel...

    Certes, il y a bien eu des chasses-croisés entre la « droite » et la « gauche » depuis que ces notions sont passées de la révélation religieuse (« à la droite du Père » ou à la gauche, avec les « maudits ») au positionnement politique dans le système démocratique. Ainsi la gauche a été originellement, jacobinement nationaliste et colonialiste, et même raciste et antisémite alors que surgissait parallèlement une droite authentique affirmant progressivement son identité dans un positionnement de Contre-Révolution à la fois morale et sociale ; hors de l'idéologie ramenant la conceptualisation de la nation aux deux idoles fondatrices de la Révolution : l'État et l'individu ; autrement dit, Le zéro et l'infini comme l'exprime magnifiquement par son titre le grand livre d'Arthur Koestler.

    Et ce n'est pas, tant s'en faut, la gauche qui a eu le monopole du combat pour la justice sociale après le déboisement juridique révolutionnaire et post-révolutionnaire de tout ce qui était protection de l'ouvrier par l'inique loi Le Chapelier et les décrets d’Allarde.

    Ce n'est que leur ignorance qui excuse les déclarations de certains grands responsables politiques nationalistes se plaçant dans le sillage d'une gauche bien à tort considérée par eux comme historiquement détentrice de la légitimité du combat social. À moins qu'ils ne soient eux-mêmes véritablement socialistes et de gauche.

    En fait, au-delà des variations circonstancielles, il y a une cohérence très fondée dans ce qui sépare la gauche de la droite véritable, « la droite de conviction ».

    Ce qui sous-tend la doctrine et les applications concrètes de cette droite par rapport à la gauche tient dans sa soumission au réel, dans sa considération réaliste et scientifique de la nature humaine, du respect de la vie, et somme toute, de là sagesse du Décalogue. Aux antipodes de l'orgueil commun à un Marx, à un Nietzsche, à un Jaurès, à un Sartre selon lequel l'homme est « créé créateur ».

    Dans le même ordre d'idées, qu'en est-il du nationalisme aujourd'hui? Est-il la véritable urgence ?

    La nation doit être défendue comme la réalité protectrice et bienfaisante qu'elle doit être, non comme une idole exclusive. Le nationalisme n'a de légitimité que s'il est un patriotisme « en alerte » face aux menaces pesant sur notre patrie, nos valeurs et nos libertés. Il peut être perverti s'il se mue en repliement autarcique ou en déni de ce qui peut et doit encore unir les patries de la vieille Europe.

    La véritable urgence, c'est de retrouver le sens du respect de la vie, de la dignité humaine, de la défense du vrai, du beau, du bien face aux entreprises de dialectisation, de déstructuration, de désintégration de la personne humaine et de la société. Le combat pour la nation n'a de sens que s'il est un combat pour la double bienfaisance si bien exaltée par la philosophe Simone Weil si chère à Gustave Thibon : l'enracinement et l'universel. Autrement dit, le contraire du cosmopolitisme désintégrateur.

    Face à une entreprise mondiale de déni nihiliste de ce qui fait « l'humain », il est évident que les combats de reconquête et de reconstruction ne peuvent qu' avoir une nécessaire dimension de solidarité chrétienne et humaine. Nous ne nous sauverons pas tout seuls.

    Vous êtes l'auteur d'un remarquable Jean Jaurès, le mythe et la réalité. Voilà un personnage qu'une grande partie de la classe politique, droite et gauche confondues, tend à s'approprier aujourd'hui. Où est la méprise ?

    Elle réside principalement dans l'ignorance de la réalité du personnage, de ses idées, de son utopie. Le plus consternant, c'est de lire dans certains hebdomadaires de droite ou dans l'ouvrage d'un jauressophile de droite l'affirmation d'un « Jaurès chrétien » (sic !), sous le prétexte qu'il n'était pas matérialiste comme Marx. D était en effet vaguement spiritualiste, panthéiste, gnostique, kabbaliste, c'est-à-dire tout sauf catholique et même tout sauf chrétien dans une constante volonté haineuse d'éliminer toute trace de dogme chrétien dans la conscience humaine, notamment par l'école. Un Jaurès certes bonhomme à ses heures, mais sur le fond fanatiquement avec Combes et Ferry, et que veulent continuer un Peillon et un Hamon dans le vieux projet de « substitution de religion ».

    Enfin, un Jaurès «prophète», mais c'est vraiment se moquer du monde ! Trois jours avant la déclaration de guerre de l'Allemagne, et la veille de son malheureux assassinat, il prophétisait encore l’anti-militarisme massif des socialistes et syndicalistes de ce pays qui feraient échec à la guerre !

    En fait par essai de récupération politicienne de cet incontestable tribun génial, on ressasse sans cesse à droite quelques inusables citations de début de carrière en faveur du patronat. On évite tout de même d'en faire autant avec ses propos bien plus nombreux, férocement antisémites, de la même époque, dans la plus parfaite continuité de Voltaire, Proudhon, Marx et Engels et, en fait, de toute la gauche au XIXe siècle.

    Vous avez été le premier à dénoncer en ces termes le « génocide français ». Comment espérer le vaincre aujourd'hui ? « Politique d'abord », est-ce toujours la bonne réponse ?

    « Politique d'abord » de Charles Maurras, c'est une direction d'action légitime et compréhensible alors que demeure une société encore debout mais menacée et autour et au sein de laquelle il faut mettre en place des politiques de protection.

    Aujourd'hui, c'est «médecine d'abord » qu'il faut dire, c'est-à-dire d'abord le diagnostic d'un génocide non pas seulement politique mais simultanément spirituel, culturel, intellectuel et moral, et démographique.

    C'est de la réanimation en tous ces domaines qu'il nous faut. Il faudra bien sûr des loismais surtout un esprit nouveau pour des loisnouvelles, l'enjeu est métaphysique : il faut avecChesterton « revenir au surnaturel » pour éliminer ce qui détruit le « naturel ».

    Propos recueillis par Jeanne Smits

    monde&vie juillet 2014

  • 1757 : Anarchie parlementaire

    Le 5 janvier, vers cinq heures de l'après-midi, un inconnu bouscule les gardes du château de Versailles et se rue sur Louis XV, lui assénant un coup de couteau...

    Cette année-là, la quarante-deuxième de son règne, Louis XV, quarante-sept ans, se trouvait face à une situation fort complexe. Depuis déjà un an la guerre menée contre l'Angleterre et contre la Prusse, dite guerre de Sept ans, en dépit d'un commencement victorieux en Méditerranée, entretenait dans le royaume une mauvaise agitation des esprits.

    Le conflit avec les parlements s'était aggravé d'autant plus qu'il avait fallu leur demander d'enregistrer le prolongement d'impôts temporaires pour soutenir l'effort des armées. Les querelles religieuses autour de la bulle Unigenitus resurgissaient en même temps et le courant janséniste appuyé par bon nombre de parlementaires et de "philosophes" entretenait un anticléricalisme militant. L'opinion publique, ce « monstre » en train de naître (pour reprendre l'expression de Bernard Faÿ), semblait se détacher du clergé et du roi lui-même, lequel n'avait pas auprès de lui, comme jadis Louis XIII, un Richelieu pour répondre par une gazette aux calomnies colportées. Néanmoins, le pouvoir, fin 1756, s'était montré ferme : un lit de justice avait contraint les parlementaires à voter les impôts, un autre lit de justice avait réglé la question du refus des sacrements aux mourants soupçonnés de jansénisme. Du coup, cent cinquante parlementaires s'étaient mis en grève, se posant ainsi, eux les privilégiés, comme les défenseurs du peuple que l'on condamnait à la pauvreté... Le 5 janvier 1757, profitant de la grande liberté dont jouissaient les visiteurs du château de Versailles, un inconnu déambulait depuis le matin dans la cour, faisant mine d'attendre la sortie du roi comme pour lui remettre une sollicitation écrite. Vers cinq heures de l'après-midi, quand on approcha le carrosse royal, l'homme bouscula les gardes et se rua sur le roi, lui assénant un coup de couteau, avant de s'immobiliser comme terrorisé de son propre geste.

    Un avertissement ?

    « Je suis blessé, dit Louis XV dont le côté saignait. C'est ce coquin ! Qu'on l'arrête et qu'on ne le tue pas ! » En fait, la lame du couteau avait été entravée par l'épaisseur des chauds habits d'hiver et la blessure était légère. Pendant que le chirurgien sondait la plaie et qu'un prêtre était appelé, l'homme, emmené dans la salle des gardes, déclara s'appeler Robert-François Damiens et être né en 1715 à La Thieuloye, près d'Arras. Selon ses dires il ne voulait pas tuer le roi, seulement lui donner un avertissement. On ne lui trouva pas de complices, mais on apprit peu à peu qu'ancien apprenti serrurier, puis laquais ou coursier chez divers conseillers du Parlement, il avait entendu dans la bouche de ces derniers des propos nettement meurtriers à l'égard du roi. De là à se croire lui-même investi d'une mission de "justice" il n'y avait plus qu'un pas.

    Cependant la nouvelle se répandit très vite dans Paris et jeta la consternation. Le petit peuple versait des larmes sincères et priait dans les églises, mais la rumeur se mit bien vite à accuser pêle-mêle les Anglais, les jésuites, les jansénistes, les parlementaires, voire le clergé. Dans leur colère et leur désespoir, beaucoup réclamaient le renvoi de la marquise de Pompadour.

    Une clémence impossible

    Damiens écrivit une lettre au roi pour réclamer sa clémence. N'eût été l'effervescence qui, des salons, pouvait gagner la rue, Louis XV aurait seulement demandé que son agresseur fût emprisonné. Il était naturellement porté à l'indulgence, lui qui avait, à son mariage, gracié deux cents condamnés. Mais il ne put cette fois arrêter le cours de la justice et de ses procédés d'alors particulièrement cruels. Le procès s'ouvrit le 26 janvier : Damiens, qui ne put s'empêcher d'insulter ses anciens maîtres siégeant au tribunal, ne pouvait qu'être condamné, pour crime de lèse-majesté, à la mort sur le bûcher, après écartèlement de son corps par quatre forts chevaux. Tout triste, Louis XV dit peu après : « Sans ces conseillers et ces présidents, je n'aurais pas été frappé par ce monsieur... Lisez le procès : ce sont les propos de ces messieurs qu'il nomme, qui ont bouleversé sa tête... » (cité par Georges Bordonove).

    « Le danger que le roi avait couru, dit Jacques Bainville, eut du moins pour effet d'inspirer la crainte d'un bouleversement en France. Il y eut de grandes manifestations de loyalisme. Les démissions furent reprises. Mais si l'ordre ne fut pas troublé, le désordre moral persista. »

    En fait Louis XV ne se faisait plus aucune illusion. Il ne céda point sur le cas de Mme de Pompadour, mais il renvoya le garde des Sceaux, Machault d'Arnouville, et le rival de celui-ci, le comte d'Argenson chargé de la police. Gagné par le désenchantement, inquiet pour son salut éternel, le roi eut beaucoup de mal à trouver des ministres à la hauteur de la situation. Il attendit jusqu'en 1771 pour, avec le chancelier Maupeou, mettre un terme à l'anarchie parlementaire par une réforme qui devait sauver la monarchie bourbonienne, mais que Louis XVI ne crut pas devoir maintenir (voir L'AF 2000 du 17 janvier 2008).

    Michel Fromentoux L’Action Française 2000 du 17 au 30 juillet 2008