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culture et histoire - Page 1524

  • Urba : la « pompe à fric » du Parti socialiste

    Juin 1971, congrès d’Epinay. Sitôt désigné Premier secrétaire du nouveau PS, François Mitterrand songe à l’étape suivante, l’élection présidentielle de 1974. Et pour cela, il lui faut un solide trésor de guerre. Sur ses instructions, Pierre Mauroy et Guy Marty mettent en place, dès 1973, un bureau d’études, nommé Urba. Si on ne présente plus le premier, qui dirige alors la Fédération socialiste du Nord, il faut dire deux mots du second : membre du Grand Orient (GODF), ancien conseiller ministériel de l’ancien président du Conseil de la IVème République Paul Ramadier, Marty s’est recasé au Conseil économique et social. Entregent garanti. Urba vend une « assistance commerciale » aux entreprises soucieuses d’obtenir des marchés auprès des collectivités locales, essentiellement les municipalités. Le bureau d’étude encaisse entre 1% et 2% du montant des contrats, puis répartit l’argent collecté selon une règle bien établie : 40% pour ses frais de fonctionnement, 30% pour la fédération locale du PS, 30% pour sa direction nationale. 

         Racket ou véritable prestation commerciale ? Pour les entreprises, Urba est le ticket d’entrée des mairies socialistes, un passage presque obligé. Ensuite, tout dépend de la « brutalité » de ses collecteurs locaux éparpillés sur le territoire, résume un élu. Par ce système bien huilé, la direction du PS pense éviter les dérives, comme l’enrichissement personnel d’élus indélicats. Mais la commission prélevée par Urba est répercutée par les entreprises sur leur prix de vente. En bout de chaîne, c’est le contribuable local qui paie. Le PS bénéficie indirectement de cet argent public. En jargon pénal, cela s’appelle un « recel d’abus de biens sociaux ». 

         La vague rose aux municipales de 1977 donne des ailes à Urba et ses satellites (Urba-Conseil, Urba-Technic, Urba-Graco...). Le PS vient d’en confier les rênes à Gérard Monate. Ancien engagé dans les Forces françaises libres (FFL), ancien gardien de la paix, Monate a été le légendaire fondateur de la Fédération autonome des syndicats de police (FASP), qui fut longtemps le premier syndicat policier marqué à gauche. A sa retraite, ce membre du GODF se met à la disposition du PS, qui lui confie Urba. Hommes de confiance et fidèle serviteur, il tient scrupuleusement les cordons de la bourse. Après un aller-retour au cabinet de Gaston Defferre au ministère de l’Intérieur, Gérard Monate devient P-DG d’Urba en 1983. 

         Des courants minoritaires du PS, exclus de cette « centralisation », s’en remettent à une structure parallèle, la Sages (Société auxiliaire générale d’études et de services), fondée par Michel Reyt. Ancien steward à Air France, ancien vendeur de voitures, lui aussi membre du GODF, cet étonnant personnage exerce le même métier que Monate à la tête de la Sages, mais avec une clé de répartition différente des fonds collectés : un tiers pour lui-même, deux tiers pour les élus locaux, rien pour Solferino. De plus, Michel Reyt ne s’interdit pas d’intervenir parfois dans des mairies de droite. Le système ronronne pendant une quinzaine d’années, au vu, au su et à la satisfaction de tous. Sur la seule période 1987-1989, marquée par la réélection de François Mitterrand, Urba finance le PS à hauteur de 107 millions de francs sans que personne ne s’en offusque. Plus pour longtemps. 

         Un grand déballage tient souvent à peu de chose. A Marseille, le décès de Gaston Defferre, le 7 mai 1986, a ouvert les hostilités entre héritiers à la mairie : Michel Pezet, leader des socialistes locaux, et Robert Vigouroux, soutenue par Edmonde Charles-Roux, veuve de Gaston. Antoine Gaudino, inspecteur de police à Marseille, enquête sur une petite affaire de fausses factures. En février 1989, il convainc un entrepreneur local de dénoncer le « racket » des politiques. Pour aller plus loin, il lui faut le soutien de ses chefs. Il l’aura : « Dès que nous avons eu Pezet dans nos filets, notre hiérarchie, et donc Pierre Joxe, à l’époque ministre de l’Intérieur, nous a encouragés et soutenus alors que la justice essayait de freiner. » Gaudino a le feu vert pour perquisitionner, le 19 avril 1989, le bureau régional d’Urba à Marseille. La pêche est miraculeuse : les enquêteurs tombent sur des carnets où Joseph Delcroix, directeur administratif du bureau d’études, notait scrupuleusement toutes les entrées et sorties d’argent. Un coup de chance : Delcroix, à quelques semaines de la retraite, venait de transférer de Paris ses archives. Les « cahiers Delcroix » sont une véritable bombe. Ils contiennent notamment cette mention : « 4 juillet 1987, les premières prévisions de la campagne présidentielle se situent à 100 000 francs. 25 000 000 francs seront pris en charge par le GIE [Urba-Graco]. » 

         La justice fait ce qu’elle considère être son travail : elle verrouille. Pendant dix mois, le parquet de Marseille conserve les carnets sous le coude, dans les attentes des instructions du garde des Sceaux. Antoine Gaudino, finalement lâché par sa hiérarchie, est révoqué en mars 1991, après avoir raconté dans un livre son Enquête impossible. Il faudra la plainte d’un élu écologiste marseillais, après avoir obtenu du tribunal administratif le droit de se substituer à la mairie de Marseille défaillante, pour remette la justice sur les rails. 

         Pendant ce temps, dans la Sarthe, le juge Thierry Jean-Pierre enquête sur un banal accident de travail sur un chantier de la communauté urbaine du Mans. Un coup de fil anonyme lui suggère d’entendre un médecin du travail, Pierre Coicadan, qui se trouve être également premier secrétaire de la Fédération PS de la Sarthe... Le juge Jean-Pierre peut remonter la piste, jusqu’à perquisitionner, le 7 avril 1991, au siège national d’Urba. Le jour même, le tribunal de grande instance du Mans prend la curieuse initiative de le dessaisir de l’enquête. Le juge Jean-Pierre en est réduit à s’enfermer dans les locaux parisiens d’Urba, le temps de mettre la main sur la documentation utile à l’enquête. Son dessaisissement ne lui sera notifié qu’à la sortie, sur le trottoir. La justice française n’est pas sortie grandie de cet épisode rocambolesque. 

         La mécanique Urba s’est trouvée fort bien décortiquée par les enquêteurs, mais pas forcément bien jugée au fil de différentes procédures. Le dossier a en effet été saucissonné en une dizaine d’affaires locales. Dans deux d’entre elles, celles initiées par l’inspecteur Gaudino et le juge Jean-Pierre, les responsabilités à Henri Emmanuelli, trésorier du PS entre 1988 et 1992 – son prédécesseur à ce poste exposé, André Laignel, a, lui, bénéficié de la loi d’amnistie. Lors des deux procès tenus en 1995, Henri Emmanuelli affirme que les versements d’Urba relevaient simplement du « sponsoring » ou du « mécénat » politique. Bien sûr, « comme tous les responsables du PS », il « connaissait son existence, son activité nullement occulte ni clandestine, et son utilité ». Mais jamais, à l’en croire, il ne se serait mêlé de près ou de loin à la petite cuisine d’Urba. Henri Emmanuelli se pose en bouc émissaire de la contestation judiciaire d’un « mode de financement parmi les plus adéquats, notamment pour éviter d’autres circuits beaucoup plus aventureux ». 

         Condamné à dix-huit mois de prison avec sursis, Henri Emmanuelli fait appel. La cour lui inflige deux années d’inéligibilité en plus, le 16 décembre 1997. Le Premier ministre Lionel Jospin lui témoigne sa solidarité en proclamant une « responsabilité collective visant l’ensemble du PS ». Les deux moines-soldats, Gérard Monate et Michel Reyt, entament pour leur part un pénible tour de France des tribunaux et cumulent les condamnations sans jamais vraiment se défausser sur le PS. Reyt est ruiné : le fisc lui inflige un redressement fiscal sur les sommes versées par la Sages aux élus. Il dénonce un acharnement sur sa personne – on ne peut lui donner complètement tort. 

    Renaud Lecadre, Histoire secrète de la 5ème République

    http://www.oragesdacier.info/2014/08/urba-la-pompe-fric-du-parti-socialiste.html

  • La Grande Guerre ne fut pas une guerre civile

    La Grande Guerre, voilà un siècle, fut-elle une « guerre civile européenne », comme on l'entend ou le lit de plus en plus souvent ?

    Cette conception, d'inspiration en grande partie idéologique - le conflit est à l'origine du déclin de l'Europe, considérée comme un ensemble solidaire face aux autres continents, États-Unis compris -, est anachronique. La guerre de 1914-1918 n'est pas plus une guerre civile que ne le furent les guerres de l'Empire, et moins que la guerre de Cent ans, qui opposa, en plus de l'affrontement franco-anglais, les partis armagnac et bourguignon.

    Plus a l'Est

    En 1914, l'Europe était traversée et divisée par des forces antagonistes. La principale rivalité n'opposait d'ailleurs pas la France et l'Allemagne, mais se situait, très logiquement, là où la guerre a commencé : à l'est, où, comme l'ont écrit Jacques Isorni et Louis Cadars, « un combat sans merci, surtout depuis 1908(1), opposait l'Allemagne et la Russie. Deux races ennemies condamnées à s'affronter pour vivre: panslavisme contre pangermanisme »(2). Ainsi la Main noire, la société secrète serbe qui dirigea le bras des assassins de l’Archiduc François-Ferdinand, ambitionnait, certes, de restaurer la « grande Serbie », mais avait conscience d'appartenir à l'ensemble slave, dont la Russie représentait la tête. La reconnaissance forcée de l'annexion de la Bosnie-Herzégovine par l'Autriche-Hongrie, comme l'a écrit Dominique Venner, « n'avait nullement refroidi les ardeurs du clan panslaviste à Saint-Pétersbourg qui avait à sa tête l'oncle du tsar, le grand-duc Nicolas Nicolaïevitch, commandant en chef désigné de l'armée russe en cas de guerre. » Le 12 novembre 1912, le diplomate russe Hartweg avait ainsi expliqué au ministre roumain Filality : « La Russie compte faire de la Serbie agrandie des provinces balkaniques de l'Autriche et de la Hongrie l'avant-garde du panslavisme. »(3)

    Un conflit entre panslavisme et pangermanisme

    La Hongrie, peuplée de Magyars, n'était ni slave, ni allemande et sans doute n'est-il pas étonnant que la seule personnalité qui, au sein du Conseil de guerre tenu à Vienne le 7 juillet 1914, se soit opposée à l'ultimatum inacceptable qui fut envoyé à la Serbie, tentant jusqu'au bout d'éviter la guerre, ait été le comte Tîsza, premier ministre hongrois - qui fut pourtant tenu pour responsable du conflit et assassiné en 1918.

    L'Archiduc assassiné à Sarajevo, qui avait épousé une comtesse tchèque et aurait souhaité associer les populations slaves de l'empire, par une sorte de fédération, à une monarchie rénovée, gênait les deux camps à la fois : d'une part, les Allemands et les Magyars, qui ne voulaient pas partager l'égalité des droits avec les Slaves; de l'autre les partisans du panslavisme, et particulièrement les Serbes qui eussent dû renoncer à leur rêve d'une grande Serbie. De ce fait, l'héritier de la double monarchie était « suspect et redouté de tous les antagonistes et à ce titre unanimement condamné », écrit Jacques Isorni.

    À l'ouest, l'antagonisme franco-allemand, latent depuis la perte de l'Alsace-Lorraine et entretenu par l'espoir de la Revanche, était bruyant mais moins dangereux, bien que les « coups » de Tanger et d'Agadir aient montré, en 1911, à quel point les relations entre les deux pays restaient crispées. L'Angleterre, pour sa part, jouait son propre jeu, comme de coutume, et il n'est pas certain qu'elle serait entrée en guerre en 1914 - préférant rester en marge du conflit pour tirer les marrons du feu le moment venu - si l'Allemagne n'avait pas violé la neutralité belge et envahi ce pays, ce qui constitue traditionnellement un casus belli pour les Britanniques.

    Enfin, l'enthousiasme des peuples à la pensée d'une guerre que chacun s'accordait à imaginer brève et triomphale, achève de ruiner l'idée que la Première Guerre mondiale fut une« guerre civile européenne ». La deuxième ne lesera pas davantage, qui verra une fois encores'opposer, au-delà des idéologies, les deux blocsgermain et slave au centre de l'Europe.

    Eric Letty monde & vie 30 juillet 2014

    1) Année de l'annexion de la Bosnie-Herzégovine par l'Autriche-Hongrie, avec le soutien de l'Allemagne, mais contre le vœu de la Russie qui soutenait la Serbie.

    2)Jacques Isorni, Histoire véridique de la Grande Guerre, avec la collaboration de Louis Cadars, I 968.

    3) Cf. le numéro 12 d'Enquête sur l'Histoire consacré à La Grande Guerre : Comment la guerre a commencé, par Dominique Venner. 

  • L'Action française et l'histoire (1900-1940)

    Le colloque sur L’Action française, culture, société, politique du Centre d’histoire de Sciences Po, premier d’une série de trois consacrés à l’AF, a donné naissance à un ouvrage universitaire titré de la même façon, ouvrage auquel il nous semble important de consacrer une série d’articles pour faire le point des connaissances sur notre propre histoire politique et en tirer des enseignements eux aussi éminemment politiques. Après l’article sur Les ligues nationalistes et l’Action française, voici celui sur L’AF et l’Histoire (de 1900 à 1940), au travers du regard porté sur deux communications rapportées dans l’ouvrage.

    L’Action française a toujours accordé une grande place à l’histoire, qui venait étayer son argumentation à l’égard des nationalistes en leur montrant que ses leçon ne pouvaient que les amener à conclure à la monarchie. C’est ce que montrent Christian Amalvi et Philippe Boutry.

    Ils rappellent quelques noms souvent ignorés des monarchistes eux-mêmes et qui, pourtant, ont participé parfois à l’élaboration, plus souvent à l’actualisation et à la diffusion de "l’histoire capétienne" véhiculée par l’Action française : Jacques Bainville et Pierre Gaxotte, mais aussi Frantz Funck-Brentano, Marie de Roux, Louis Dimier, Auguste Longnon et son fils Jean, et, plus proches de nous dans le temps, Philippe Ariès ou Raoul Girardet (encore de ce monde, d’ailleurs). Les deux communications, se chevauchent et se complètent fort utilement.

    Le passé en vue de l'avenir

    Amalvi comme Boutry ajoutent à la liste des "non-historiens" qui, par leur recours et leur lecture politique du passé, ont, à leur manière, forgé une vision d’AF de l’histoire : des idéologues, comme Maurras ; des journalistes, le plus souvent polémistes, comme Léon Daudet et Georges Bernanos. M. Amalvi souligne que « le passé affleure constamment dans l’oeuvre de Maurras, non comme récit chronologique, mais comme preuve concrète pour appuyer une démonstration théorique et abstraite d’une rigueur implacable », ce que confirme M. Boutry : « Maurras lui-même, en dépit de ses immenses lectures, n’est nullement un historien ; ni son argumentaire ni sa polémique n’ont, en toute rigueur, besoin du document ou de l’archive pour exister ; sa "synthèse subjective" et son "empirisme organisateur" ne sont pas fondamentalement d’ordre historique, mais doctrinal. »

    Sans doute Maurras signifie-t-il ainsi que, pour lui, l’histoire est le moyen de connaître ce qui "a marché" et, au contraire, ce qui est néfaste pour la France : il en a une lecture non pas purement historienne, mais, au contraire, éminemment politique. Jamais Maurras, d’ailleurs, ne s’est voulu historien et il écrit en politique par le biais de l’empirisme organisateur (« la mise à profit des bonheurs du passé en vue de l’avenir que tout esprit bien né souhaite à sa patrie », suivant sa conception) ; il intègre l’histoire à sa démonstration, au risque parfois de déconcerter les historiens eux-mêmes.

    "École capétienne"

    Il y avait des historiens royalistes et même une "histoire royaliste", avant l’AF et Maurras. Mais l’AF en fait un usage qui prend le contre-pied de l’histoire universitaire républicaine, et l’on peut dater la formation d’une véritable "école capétienne" sur le plan historique à la fondation de l’AF. Au delà de Jacques Bainville, Boutry signale que « la plupart de ceux qu’on rattache, de près ou de loin, à l’influence et aux doctrines de l’Action française sont bien davantage des "compagnons de route", des sympathisants ponctuels, plus ou moins nettement affirmés (car une appartenance déclarée au mouvement maurrassien ruinerait à coup sur, dans la France radicale, une carrière universitaire), des archivistes, des érudits, des historiens conservateurs plus ou moins hostiles à la république laïque et démocratique, des journalistes et des essayistes qui trouvent dans l’Action française, son journal et ses revues, des convergences intellectuelles et politiques, des affinités de réactions et de sentiments, une "communauté émotionnelle" et une chambre d’échos [...]. Une "nébuleuse", plutôt qu’un parti, à dire le vrai, mais capable de se constituer et de structurer en "école". » Cela aboutit à une « véritable hégémonie culturelle » dans les années trente, « construite en quelque trois décennies sur le paysage historiographique français par les hommes de l’Action française [...] parallèlement à l’Université et en partie contre elle ». L’Histoire de France de Jacques Bainville destinée au grand public (rééditée dernièrement dans une collection de poche et vantée, l’été dernier, sur... France-Info !), connaît un immense succès grâce à son refus du langage universitaire trop abscons.

    Donner du sens à l'histoire

    Cet ouvrage permet de mieux comprendre, selon M. Amalvi, la conception bainvillienne de l’histoire. « Dans sa préface, il développe les trois principes de base qui éclairent sa conception du passé : c’est d’abord une histoire psychologique traditionnelle dans laquelle la compréhension des individualités qui font l’histoire est capitale » ; Bainville privilégie les "grands hommes" et, éventuellement, les "minorités énergiques". C’est d’ailleurs une conception qu’il a en commun avec la IIIe République qui met en valeur les grandes figures comme le prouvent à l’envi les manuels scolaires de l’époque (mais ce ne sont pas toujours les mêmes, bien évidemment, ni les mêmes jugements en particulier pour les périodes "controversées" de l’histoire de France...), soucieux de donner des "héros nationaux" à une France en cours de nationalisation et de républicanisation (cf le cas emblématique de Jeanne d’Arc).

    « C’est ensuite une histoire politique classique, qui privilégie l’étude des institutions, ignorant superbement la vie économique et religieuse du pays » : sans doute est-ce là encore un effet du "Politique d’abord", que Bainville a reconnu avant même de le connaître chez Maurras...

    Cela veut-il dire, comme semble l’indiquer M. Amalvi, que Bainville (qui n’est pas, et comme Maurras ne l’est pas non plus, "toute" l’AF) méconnaît cette vie économique et religieuse ? En fait, c’est oublier que les auteurs de l’AF ont, d’une certaine manière, une lecture "utilitaire" de l’histoire, en particulier ceux qui ne sont pas des professionnels de l’histoire, et qu’elle leur fournit des éléments pour étayer leur propre raisonnement politique, raisonnement fondé principalement sur la comparaison des régimes politiques qui se sont succédé en France. En écrivant Nos raisons contre la République, pour la Monarchie (ou plutôt en regroupant des textes épars pour faire ce volume), Maurras n’a pas pour objectif de "servir l’histoire" mais d’en tirer des leçons ou, plutôt, de "donner du sens à l’histoire" dans une optique politique et monarchique. La question principale de l’AF, comme de tout mouvement politique, n’est pas, en soi, de faire de l’histoire, mais de faire l’histoire. L’histoire n’est qu’un moyen de la politique, surtout pour l’AF et les monarchistes qui doivent désarmer les préjugés à l’encontre d’une monarchie qui semble aller à contre-courant du "sens de l’histoire" vanté par les démocrates et, plus encore, par les universitaires marxistes comme Matthiez ou Soboul…

    Histoire analogique

    Dernier trait signalé par M. Amalvi : « C’est une histoire analogique, qui considère que les hommes d’autrefois ressemblaient à ceux d’aujourd’hui et que leurs actions avaient des motifs pareils aux nôtres. » En somme, c’est l’idée que, fondamentalement, les hommes ne changent pas : ce qui ne signifie pas que les sociétés, elles, n’évoluent pas, que les besoins et les désirs ne soient pas différents ou que les mentalités ne penchent pas plus d’un côté que de l’autre, entre individualisme et traditionalisme, selon les époques...

    « De cet axiome de base découlent plusieurs conséquences de grande portée. Bainville considère en premier lieu que c’est le présent qui donne la clé du passé. » Du coup, Bainville, mais aussi Gaxotte et d’autres historiens dans la mouvance de l’AF, cherchent dans le passé des éléments du présent, des ressemblances qui permettraient d’apporter en politique des réponses à une situation donnée : conception cyclique d’une histoire, "éternel recommencement".

    "La vraie tradition est critique"

    En fait, il semble que la formule la plus appropriée pour comprendre la conception "AF" de l’histoire serait celle de Maurras : « Toute vraie tradition est critique », ce qui n’empêche ni la mise en perspective ni la mise en valeur des grands axes (principes ?) de l’histoire des hommes et des sociétés constituées, ni, bien sûr, la violente critique de la Révolution française. Il est certain que, par contre, une partie des lecteurs de Maurras, en particulier ceux qui privilégiaient l’ordre sans le définir autrement que par la peur du désordre, ne cherchaient dans l’histoire qu’un refuge face à l’adversité du moment, voire une nostalgie sans chercher à "penser la monarchie" autrement que dans ce passé "idéalisé" d’un "avant la Révolution" forcément meilleur…

    Un autre élément évoqué est "l’appropriation" de l’oeuvre d’historiens, proches ou non, antérieurs ou contemporains de l’AF, comme Augustin Cochin (de tradition monarchiste et rédacteur occasionnel de la revue bimensuelle d’avant-guerre L’Action Française) et Fustel de Coulanges, républicain mais ayant défendu une conception "française" de l’histoire et de la nation après la défaite de 1870. Agaçante pour les républicains ou les universitaires, elle est en définitive l’occasion pour l’AF de démontrer son "ouverture" et de récupérer des arguments qu’elle met en ordre de bataille contre le "système" politique de la République.

    Un repli sur l'histoire ?

    Dernier élément évoqué de façon fort intéressante par M. Amalvi : l’existence, non d’une seule "école capétienne", mais de deux, l’une proprement politique (Maurras, Bainville, Marie de Roux, etc.) tandis que l’autre est spécifiquement (et parfois professionnellement) historienne (Pierre Gaxotte, Frantz Funck-Brentano, etc.), dont, précise l’auteur, « la lecture présente encore aujourd’hui le plus vif intérêt », ce qui est un bel hommage de l’université contemporaine à des historiens qui, longtemps, s’en sont retrouvés en marge...

    C’est parfois en se séparant, ou en s’éloignant, du cercle purement maurrassien, d’après M. Amalvi, que Philippe Ariès ou Raoul Girardet ont pu renouveler leur approche de l’histoire, en privilégiant « l’autonomie de la société par rapport à l’État, et l’imaginaire politique ». Mais Ariès n’a jamais abandonné l’idée d’une politique monarchique à la tête de l’État, comme tend à le prouver sa participation à Aspects de la France puis à La Nation Française de Pierre Boutang, ce qui montre que "combat politique" et "réflexion historique" ne sont plus, dans l’esprit des royalistes de "l’ère post-maurrassienne", forcément mêlés.

    Est-ce ici la remise en cause de l’empirisme organisateur, ou du "Politique d’abord" ? N’est-ce pas plutôt une séparation ou, plus sûrement encore, une autonomisation des domaines sociétal et social de la "décision politique" ? Cela n’annonce-t-il pas aussi un repli sur l’histoire qu’il s’agit de comprendre et d’écrire désormais, à défaut de la faire politiquement ? (Une certaine "démobilisation politique" était déjà intervenue chez beaucoup de monarchistes au profit de l’action religieuse, au moment de la mort du comte de Chambord puis du Ralliement.) Autant de questions qu’il reste encore à étudier... mais pas seulement par les historiens...

    JEAN-PHILIPPE CHAUVIN L’Action Française 2000 du 1 er août au 3 sptembre 2008

    * L’Action française - Culture, Société, politique. Éd. du Septentrion, Paris, 2008, 24 euros.

    * Pour consulter une version plus développée de cet article, visitez le blog http://jpchauvin.typepad.fr/

  • 4 août 1532 : traité d’union perpétuelle de la Bretagne et de la France

     

    Armes de Louis XII et d’Anne de Bretagne

    Les États de Bretagne, convoqués par François Ier à Vannes après le couronnement du dauphin comme duc de Bretagne à Rennes, adressent au monarque une supplique pour « unir et joindre par union perpétuelle iceluy pays et duché de Bretagne au royaume, le suppliant de garder et entretenir les droits, libertés et privilèges dudit pays et duché».
    Cette requête, présentée au roi dans la grande salle du palais épiscopal de la Motte, est acceptée par une lettre donnée à Vannes le 4 août 1532 :

    • il s’y nomme « père et légitime administrateur et usufruitier des biens de notre très cher et très aimé fils » et celui ci « Duc et propriétaire des pays et Duché de Bretagne »,
    • il rappelle la demande des États :
      - d’unir perpétuellement la Bretagne à la couronne de France,
      - de conserver les « privilèges, franchises, libertés et exemptions anciennement octroyées et accordés par les Ducs de Bretagne nos prédécesseurs »,
    • il confirme « perpétuellement », en tant que Roi et Duc, ces privilèges,
    • sous réserve des modifications que pourraient demander ultérieurement les États.

    http://www.contre-info.com/4-aout-1532-traite-dunion-perpetuelle-de-la-bretagne-et-de-la-france

     

  • Le statut "CHAO" par Zenit Belgique

    « Nous devons donc distinguer deux types de chaos : le « chaos» postmoderniste équivalant à une confusion, un genre de post-ordre, et un Chaos grec, comme pré-ordre, quelque chose qui existe avant que ne naisse la réalité ordonnée. Seul le deuxième peut être considéré comme Chaos au sens propre du mot. Ce second sens (en fait, l’original) devrait être examiné avec attention d’un point de vue métaphysique. » Alexandre Douguine, La Métaphysique du Chaos, The Fourth Political Theory

    Poupée russe et cheval de Troie

    La Dissidence, cette aventure prérévolutionnaire, prolétarienne et systémique dans sa réalisation néo-souverainiste et son orientationnéo-patriotique, et, par extension et couplage des concepts de néo-souverainisme et de néo-patriotisme : une direction néo-antifasciste, se révèle, comme étant une pièce du Grand Jeu contre-initiatique du mainstream politico-médiatique. En refusant catégoriquement, dans l’habitude normalisée de son confort réifié, de dépasser le stade primitif de mouvement de convergence, de se radicaliser, et d’œuvrer pour atteindre le stade opératif de mouvement politique.Mouvement de convergence qui avait la vocation métahistorique dethéoriser une identité politique à part entière pour, et avec, laGénération dissidente, une identité complète et propre à définir laréalité de mouvement agissant à l’épanouissement de l’être dans une jouissance non-mercantile, et donc, d’accepter, de relayer toutes initiatives, spontanées et issues du peuple mythifié duquel se revendique les avants-gardes de la Dissidence, de faire avancer, en priorité, la critique positive de ce mouvement de convergence…Mouvement de convergence qui avait la prétention historique depratiquer cette identité politique radicale, cette philosophique intégrale, pour et dans la critique permanente de cette métapolitique totale vers une Révolution primordiale ; conservatricetraditionaliste etimpériale. Mais qui, après dix ans d’aventure, est resté un fourre-tout sans identité, sans doctrine, sans cohérence, sans politique, sans tradition, sans être… Un fourre-tout idéologique dont les avants-gardes fonctionnent comme des lobbys de pressions, d’intronisation et d’exclusion, à l’intérieur de la sphère dissidente : cette effervescence du monde des idées dans ce bouillonnement prérévolutionnaire à qui le post-libéralisme, le tout-argent sans morale, offre tous les débouchés numériques de la nouvelle i-conomie globalisante de la Marchandise liquide et du Spectacle stroboscopique.

    « Tous les lamentables experts syndicalo-politiques du pouvoir de la pourriture marchande appuyée sur toutes les machineries numériques de l’intoxication sont partout réunis en permanents conciliabules pluridisciplinaires de vacuité et d’ineptie pour tenter de trouver les moyens de donner à un ordre moribond une dernière apparence de survie…Mais rien n’y fera… » Francis Cousin, « Cette fracture qui approche…‏ »Scriptoblog

    « Métapolitique » authentiquement dissidente qui aurait pu s’exprimer, par exemple, au sein d’un Ordre secondaire et populaire opératif (Casapound) avec des orientations cohérentes et des avancements radicaux, mais factuellement, la Dissidence, sous influence et haute direction des Dissidences emblématiques, officielles et mainstream, dans l’incapacité de se remettre en question ou de proposer ce travail d’auto-critique, participe, de plus en plus clairement, aux nouvelles oppositions nécessaires au bon fonctionnement du système de croissance exponentielle (Oui, le « système » renouvelle lesoppositions nécessaires à son bon fonctionnement et/ou essaye deretourner les résistances éventuelles à ces oppositions nécessaires, car c’est bien à nos alliés potentiels, à l’intérieur et à l’extérieur de la Nation, qu’il faut mettre la pression. la Dissidence, n’échappe pas à la règle de cette tentative perpétuelle de retournement, et comment en serait-t-il autrement ? Mais ni la Dissidence, les militants du quotidien les avants-gardes, n’ont jamais évoqué cette éventualité et formulé cette critique positive…), ou, à la disputation interne sur la gestion du Libéralisme entre libéraux, et ce, dans la propension des dissidences emblématiques et officielles à assumer, parfois dans un culot monstre, que leurs critères d’adoubement, pour déterminer une dissidence effective, c’est-à-dire pouvant lui servir de marche pied, une Dissidence à usage unique, en dehors du fait qu’elle ne doit pas s’opposer au ronron néo-souverainiste - qui à autant à voir avec leprincipe de souveraineté que le libéralisme avec le principe de liberté- et/ou d’oser produire une critique, même positive, du mouvement, sont des critères marchands et spectalistes d’intérêts commerciaux gagnant/gagnant en terme de revenus, d’audience, de quantité et de publicité réciproque, ET, l’obligation de valider l’orientation néo-souverainiste républicaine et démocrate vers une révolution des masses prolétaro-quenelliennes, un modèle révolutionnaire post-bourgeois à l’image de la réaction de 1789, de Mai 68 ou plus récemment des Printemps arabes ou du Mariage pour tous,phénomènes révolutionnaires que les dissidences réfutent premièrement comme direction mais dont elles valident finalement toutes les subversions qui les générèrent comme méthode pour l’expansion de la Dissidence…

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