Concernant la première, les sages estiment que la réintroduction de l’acétamipride est contraire à la Charte de l’environnement, un texte de 2004 à valeur constitutionnelle. Cette disposition, la plus contestée de la loi Duplomb, est donc censurée, « faute d’encadrement suffisant », alors même qu’elle est au cœur d’une vive polémique autour du texte de loi depuis son adoption définitive par le Parlement, le 8 juillet.
Le Conseil constitutionnel base sa censure sur un texte dont la droite était à l’origine - un comble. Jacques Chirac en était l’initiateur et il fut adopté par le Parlement réuni en Congrès à Versailles, sous la conduite du chef du gouvernement de l’époque, l’UMP Jean-Pierre Raffarin. Une Charte de l’environnement qui, dans ses deux premiers articles, affirme que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » et que « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ».
Liberté individuelle contre prévention des atteintes à l'ordre public
La seconde censure concerne la loi visant à élargir aux étrangers « condamnés pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive » l'allongement de la durée de maintien en centre de rétention administrative (CRA) à 210 jours. Aujourd’hui, seules les personnes ayant été condamnées pour terrorisme peuvent y être détenues. Une loi motivée par le meurtre de Philippine, jeune fille de 19 ans, dont l’auteur présumé, un Marocain sous OQTF, venait d’être relâché de son centre de rétention. « Le placement en rétention d’un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire doit respecter le principe [...] selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit pas nécessaire », justifie le Conseil constitutionnel, qui admoneste le législateur à qui il incombe, selon lui, « d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public [...] et, d’autre part, l’exercice de cette liberté et de n’y porter que des atteintes adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs qu’il poursuit ».
Des censures qu'il convient d'interpréter à la lumière d'un contexte politique tendu. La loi Duplomb est, depuis un mois, l’objet d’une contestation très vive et caricaturale. En effet, les récentes victoires parlementaires contre « l’écologie punitive » ont secoué la gauche et l’extrême gauche qui ont fait de la loi Duplomb un totem. La pétition contre cette dernière a largement dépassé les deux millions de signatures, ce qui lui donne un poids politique non négligeable.
La partialité certaine du Conseil constitutionnel
Concernant l’allongement du séjour en centre de rétention, petite entaille dans le sacro-saint dogme sans-frontiériste, les juges sont loin, en la matière, d’en être à leur premier coup d’essai. L'année dernière, le Conseil constitutionnel censurait 35 articles de la loi Immigration, la vidant de sa déjà maigre substance. Plus récemment, en juin, les sages censuraient massivement le texte de l’ancien Premier ministre Gabriel Attal sur la Justice des mineurs qui faisait montre d'un début de plus grande fermeté.
Mais on connaît depuis longtemps l’orientation politique du Conseil constitutionnel. Le remplacement, à sa tête, de Laurent Fabius par Richard Ferrand, ancien bras droit d’Emmanuel Macron, ne change évidemment rien à l’affaire.
Directement concerné par ces nouvelles censures, le sénateur Duplomb (auteur de la loi) a indiqué souhaiter un nouveau texte pour réintroduire l’acétamipride en tenant compte des critère imposés par le Conseil. Le ministre de l’Intérieur a fait part, quant à lui, de son « extrême préoccupation ». Bruno Retailleau ne capitule pas non plus et souhaite présenter « au plus tôt devant le Parlement » un « texte modifié » car « la balance des droits et libertés ne doit pas entraîner le désarmement de l’État ».
Yves-Marie Sévillia