Tout et son contraire a déjà été dit sur la crise que traverse l’UMP depuis quinze jours, à la suite de la tentative, pour l’heure avortée, de lui procurer un président à la légitimité démocratique incontestable et incontestée puisque sorti des urnes. Les commentateurs n’ont pas cessé d’analyser les causes et de prévoir les éventuelles conséquences de ce drame bourgeois.
Et de chercher surtout à qui profite un spectacle, il est vrai, peu ragoûtant, mais qui a le mérite de révéler le vrai visage de ceux qui avaient brigué les suffrages des militants, qui sont les premiers perdants. Au Front National ? A l’UDI — le dernier machin centriste fondé par Jean-Louis Borloo — ? Au PS ? A Sarkozy soi-même ? A tous à la fois, sans doute, même si c’est à des degrés divers. Les adhésions « coups de colère » dont bénéficient aujourd’hui la droite nationale et le centre peuvent se révéler sans lendemain, si l’UMP recouvre un semblant d’unité. Le PS n’a évidemment pas intérêt à ce que la crise d’une droite « bien sous tous rapports », voire si complaisante, s’aggrave, ou simplement se prolonge, même si elle a été heureuse de l’effet de diversion que l’UMP lui a fourni de manière si désintéressée. Quant à Sarkozy, il n’est pas, soit dit en passant, indemne de tout reproche quant à l’état dans lequel il a laissé l’UMP, l’ayant privée durant cinq ans, tel le tyran de Syracuse, de toute tête pouvant — il est vrai aisément en son cas — dépasser la sienne. Les puristes diront que c’est la république qui, de toute façon, ne sort pas grandie de ce déballage de linge sale en place publique. Nous n’en savons rien, n’étant pas comptable de la vertu de Marianne.
Pourtant, comme toujours en régime partisan, les commentateurs se sont attachés à l’écume des choses, en l’occurrence aux conséquences politiciennes d’une tragi-comédie politicienne, oubliant de s’attacher à l’essentiel en posant la seule question qui vaille : un éventuel éclatement de l’UMP serait-il, oui ou non, bénéfique à la France ? Car c’est du point de vue de la France — oserons-nous dire de la seule France ? —, du moins du seul intérêt national qu’il convient d’aborder la question.
Or, nous le déclarons sans ambages, l’éclatement de l’UMP serait une chance pour la France. Syndicat d’intérêts à visée hégémonique fondée en 2002 pour regrouper en son sein le centre-droit et les droites libérale et gaulliste, en vue d’assurer la réélection de Jacques Chirac à la présidence de la république, l’UMP a favorisé la confusion des genres au sein d’une famille politique qui avait toujours assumé, plus ou moins douloureusement, plus ou moins à son avantage, sa diversité. Son effet premier fut surtout d’éradiquer ce qu’il pouvait rester de gaullisme dans un paysage politique qui subissait déjà depuis près de deux décennies le double tropisme de l’impérialisme moral de la gauche (habilement mis en scène par Mitterrand avec l’affaire de Carpentras, imposant à une droite qui se laissait faire la ligne brune que celle-ci ne devait pas franchir) et de l’impératif européiste, qui ringardisait l’idée nationale.
Ce néoréalisme, partagé par une gauche qui abandonnait progressivement le prolétariat français pour un peuple incertain de substitution, et une droite qui devenait a-nationale, a permis l’émergence d’un pays légal quasi-uniforme, sans autres couleurs et saveurs que celles d’une « diversitude » imposée par une idéologie mondialiste qui préfère les communautarismes centrifuges aux identités historiques. Bref, l’UMP a capté, et stérilisé, les revendications d’un pays réel qui refuse les conséquences, dont il est le premier à souffrir, d’un mondialisme dont la gauche et la droite « républicaines » sont, à quelques différences de degrés prêts, les zélés serviteurs.
Otage volontaire d’une gauche dont elle partage les politiques en termes de supranationalité et d’européisme, d’immigration, d’insécurité, de soumission à l’argent-roi, réticente avec timidité à des dérives sociétales qu’elle combat en ordre dispersé et sans grande conviction, la droite officielle est devenue le principal problème de la vie politique française. Son éclatement libérerait des énergies. Non pas tant celles de cadres, dont le cou pelé indique bien le choix qu’ils ont toujours fait ou qui se trouveraient comme des gallinacés ayant trouvé une perle devant une liberté qu’ils n’ont jamais revendiquée, que celles de militants et d’électeurs qui, désorientés par la putréfaction de l’UMP, auraient à retrouver leurs repères en dehors d’un exercice imposé de soutien à une droite « républicaine » aussi castratrice que la gauche est « morale ».
En se décomposant — seule façon pour elle d’être vraiment « décomplexée » —, l’UMP rendrait à chacune de ses composantes sa vérité. Le paysage politique français y gagnerait en sincérité et en véritable diversité. Ce serait évidemment une chance pour ces militants bafoués depuis trente ans, trompés dans leur patriotisme et la défense de leurs intérêts véritables, soumis à un chantage moral qu’ils ont à la fois toujours récusé mais subissent par discipline. C’en serait une aussi plus grande pour un électorat qui, enfin, verrait se rompre des digues artificielles imposées par la gauche à une droite veule et lâche. C’en serait une enfin pour la France, à laquelle l’hypothèque d’une droite d’imposture a fait tant de mal.
Non que cet éclatement fût suffisant. Il ouvrirait simplement des perspectives que l’existence de l’UMP suffit seule à boucher. Car il appartiendrait aux patriotes de savoir saisir la chance historique qui s’offrirait à eux. De toute façon, ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. L’UMP, parce qu’elle est précisément un syndicat d’intérêts, a des ressorts insoupçonnés. Un patriote doit en revanche souhaiter que le discrédit dans laquelle elle est tombée laisse des traces profondes auprès des Français. Il y va de l’intérêt national.
François Marcilhac, éditorialiste de L’Action Française http://www.actionfrancaise.net