Le 2 mai 2011, l'intervention d'un commando des forces spéciales des Navy Seals aurait provoqué la mort d'Oussama Ben Laden. Le dirigeant d'Al-Qaïda aurait passé plusieurs années dans une villa fortifiée d'Abbottabad, dans le nord du Pakistan. Néanmoins, l'observation de ce bastion militaire, montre plusieurs faits permettant de douter de la réelle exécution du terroriste le plus recherché au monde : avec la bienveillance des militaires et des services secrets, les Islamistes y développaient leurs activités.
Abbottabad conduit sur les traces d'Al-Qaïda. De la maison où le gouvernement américain affirme qu'Oussama Ben Laden a été tué, un chemin permet d'atteindre l'est de la ville. À proximité du bazar, des grilles métalliques protègent une villa où habite Abdoul Hamid Sohail. Ce directeur d'une compagnie d'assurances à la retraite portant des sarouels blancs et des chemises au col droit, ne ressemble pas à un terroriste. Pourtant, il hébergeait Umar Patek, membre du groupe terroriste indonésien proche d'Al-Qaïda Jamaah Islamiyah. Ce terroriste faisait l'objet d'un avis de recherche avec une prime d'un million de dollars. Instigateur présumé des attentats à la bombe de Bali qui se sont produits en octobre 2002, il était il y a quelques mois l'hôte de Sohail. Le 25 janvier 2011, l'Indonésien a été arrêté à Abbottabad, tandis que dés faux rapports annonçaient qu'il avait été tué le 14 septembre 2006 dans la province de Sulu, aux Philippines. Sohail dit que son fils « avait ramené un hôte étrange qui ne comprenait ni l'anglais ni l'ourdou et qu'il avait besoin d'une charité musulmane ». Ainsi, au nom de là charité, Sohail abritait le vice-commandeur de la mouvance Al-Qaïda pour le sud-est asiatique et habitait à trois kilomètres de L'abri où Ben Laden a été débusqué. Tant de hasards fortuits laissent penser que la traque de Ben Laden est bien un mensonge et qu'il fut protégé pendant plusieurs années par les mêmes qui prétendent l'avoir supprimé.
ABBOTTABAD, REFUGE DE CHEFS TERRORISTES
Située aux pieds de l'Himalaya, la ville d'Abbottabad recense 150 000 habitants. Dotée d'une académie militaire et d'écoles prestigieuses, elle avait depuis longtemps la réputation d'un havre de paix jusqu'à ce que le 2 mai des unités spéciales américaines découvrirent la piste de Ben Laden. La réaction des islamistes survint onze jours plus tard. Deux attentats suicides explosèrent le 13 mai dans le nord-ouest du Pakistan à Shabqadar, tuant au moins quatre-vingts personnes qui appartenaient pour l'essentiel à l'école de police. Par cette attaque les talibans pakistanais entendaient se venger de la mort de Ben Laden. L'armée du Pakistan soutenue par l'aide américaine tient à Abbottabad son fleuron. Et c'est précisément cette ville qui à présent connait une vive poussée de violence. Ben Laden se serait réfugié dans ce lieu extrêmement sécurisé ! De plus, le très puissant service secret pakistanais, l'ISI (Inter-Services Intelligence), ignorait qu'Abbottabad était le refuge de chefs terroristes. Ce qui est impensable. Durant les neuf jours où Patek fut son hôte, Sohail dit qu'il a bien peu appris des plans du terroriste indonésien. Le fils de Sohail a été emprisonné à cause des soupçons de complicité. L'homme qui les aurait trahis, réside dans une maison, cinq mètres plus loin. Son nom est Tahir Shehzad. Ce délateur était un jeune homme barbu qui ne redoutait de se rendre au bureau de la poste principale d'Abbottabad pour prendre des paquets et verser de l'argent. Il était « un Djiahdiste pur et dur », attestent les habitants de la ville. Depuis août 2010, Shehzad a été pris en filature par les services secrets. Il a été arrêté le 23 janvier 2011 à Lahore. Deux jours plus tard, la police en savait déjà suffisamment pour arrêter Patek qui aurait fourni des renseignements décisifs sur la cache de Ben Laden. Au bout de toutes ces révélations, Ben Laden n'était qu'une simple cible à atteindre. Incroyable !
Abbottabad était la demeure d'Al-Qaïda. Cette affirmation se trouve renforcée par la piste Abou Faradch al-Libi. Arrêté en mai 2005, il était responsable d'Al-Qaïda au Pakistan et successeur de Chalid Cheihk Mohammed à qui l'on prête l'organisation des attentats du 11-Septembre. Libi aurait envoyé sa famille à Abbottabad dès 2003. D'ailleurs, dans sa biographie, l'ancien président pakistanais Pervez Musharraf écrit en 2006 que Libi a utilisé trois maisons d'appui à Abbottabad. Jusqu'alors, l'ISI n'avait jamais vérifié ces renseignements (1). Il n'est pas étonnant que la majorité de la population tienne la version officielle sur la cache de Ben Laden à Abbottabad comme un énorme bobard américain menant à mal la réputation de l'armée du Pakistan et de l'ISI. Car il demeure peu crédible qu'une puissance nucléaire comme le Pakistan n'ait pas su que sur son sol un commando américain menait une action contre le plus grand des terroristes.
L'IGNORANCE SUSPECTE DE L'ISI
Abbottabad, où des généraux et des guerriers de Dieu vivent ensemble comme nulle part ailleurs, est devenue le reflet des états d'âme du Pakistan. L'armée, pour sa part, fierté de la nation pakistanaise, a perdu dans cette affaire toute son aura. Depuis la troisième guerre indo-pakistanaise de 1971 qui a abouti à l'indépendance du Pakistan oriental sous le nom de Bangladesh, l'armée du Pakistan aspire toujours à déséquilibrer le puissant voisin indien par le biais des revendications des groupes islamistes terroristes du Cachemire. Ce travail de sape était l'œuvre des services secrets de l'ISI qui en revanche ne savaient rien des activités et des personnalités d'Abbottabad qui se déplaçaient sous les yeux de l'armée et des services secrets. « J'ai honte d'avoir été dans une administration qui avait quelque chose à se reprocher », confie le général Asad Munir, qui occupait un poste élevé à l'ISI et était un ancien responsable de la lutte contre le terrorisme le long de la frontière afghane. Il souligne : « En mon temps nous menions toutes les actions avec la CIA. Nous connaissions le terrain, ils avaient la technologie. Je peux à peine croire que nos forces ne savaient rien de la mission contre Ben Laden ».
« Nous avons combattu pendant dix ans aux côtés des Américains contre la terreur et les Oussama Ben Laden, ensuite le butin est là, et qu'est ce que nous en avons ? Rien, seulement des critiques et des moqueries », explique un politicien d'Abbottabad Raja Kamra Khan, dont la maison se trouvait aussi à proximité de la cache de Ben Laden. Il ajoute : « Ben Laden, ici, personne ne pouvait imaginer sa présence. Personne ne croit que le chef d'une organisation terroriste mondiale soit parvenu à échapper à la curiosité et à la vigilance de ses voisins ». Le gouvernement d'Islamabad fait preuve de peu de clarté. Il ne veut pas être tenu pour responsable de la mort d'un homme considéré dans le pays comme le porte-drapeau de l'Islam. Islamabad passerait pour un valet des Américains. La position du ministre de l'Intérieur Rehman Malik n'est guère plus confortable. Il avance que l'attaque lui a été communiquée quinze minutes après son commencement et qu'il ignorait tout du but de la mission. Ce drame se tourne donc autour de l'identité du Pakistan, sur le double-jeu opéré entre les relations avec la CIA et les liens d'un pays avec les terroristes.
L'HYDRE BEN LADEN
Le général Asad Durrani, ancien chef de l'ISI, déclare : « Sous mon commandement, nous avons exécuté toutes les actions avec la CIA ». Il relate qu'autrefois pendant le Djihad contre les Soviétiques en Afghanistan, de nombreux agents de l'ISI étaient des compagnons de route très proches des actuels terroristes. Selon lui, des milliers d'Oussama Ben Laden vont arriver dans chaque village et dans chaque montagne, « parce que ses racines sont encore ici » D'après les informations américaine, Ben Laden serait retourné à Abbottabad parce qu'il souffrait d'une blessure à la jambe gauche occasionnée lors de combats à Tora Bora. Son infection aurait engendré une hépatite. À moins de cent mètres de la prétendue maison de Ben Laden, le docteur Amir Aziz était propriétaire d'une villa. Le chef d'Al-Qaïda était-il si imprudent ? Le Dr Amir Aziz fut emprisonné en 2002 car il aurait déjà prodigué des soins à Ben Laden. Des soupçons se sont également portés sur les spécialistes de l'hôpital militaire d'Abbottabad qui dans ce cas auraient pu soigner le chef d'Al-Qaïda. Pour tenter de se disculper, Mohammed Karim Khan, responsable de la police dans la circonscription d'Abbottabad, explique avec gêne : « Je visiterais seulement l'hôpital militaire si je voulais être tué. Beaucoup n'en ressortent pas vivants ». Tout cela est bien illogique.
Ainsi, nous pouvons penser que dans la ville la plus sécurisée du Pakistan, Ben Laden bénéficiait des meilleurs appuis et des plus grandes complicités. Bien entendu Washington ne pouvait ignorer cette réalité. Tous ces éléments tendent une fois de plus à démontrer que les États-Unis et ses milliardaires apatrides sont bien les vrais fondateurs d'Al-Qaïda. En outre, dans le centre d'Abbottabad, des hauts-parleurs des voitures de Jamaah Islamiyah font entendre en toute liberté les revendications contre les « plus grands terroristes au monde », les Américains, qui ont dirigé sur le territoire pakistanais des attaques mortelles avec des drones, alors que Ben Laden était encore en vie dans une des plus grandes villes pakistanaises, et de plus à seulement soixante kilomètres au nord d'Islamabad. Dans une arrière cour paisible, bien qu'il soit pessimiste sur la situation du Pakistan, le père Akram Javed Gill parle de paix. Ce prêtre a la charge de la paroisse saint-Pierre Canisius, édifiée il y a plus de cent ans. C'est le dernier des nombreux bâtiments scolaires d'Abbottabad qui n'appartient pas à l'État et est placé sous la surveillance de l'armée pakistanaise.
LE PAKISTAN ET LA MENACE DU TERRORISME
Le taux d'analphabétisation dans la ville est sous la moyenne nationale. Ce résultat est dû aux écoles des missionnaires. La population doute que la fin de Ben Laden puisse être le début de temps meilleurs pour le Pakistan. Le père Gill atteste que nous ne savons pas vraiment ce qui s'est passé dans, la maison qui aurait abrité Ben Laden. En tout cas, les Chrétiens d'Abbottabad ne veulent pas payer pour la mort de Ben Laden : « C'était une ville paisible. Nous avons demandé à la police une protection renforcée ». À cause des protestations de musulmans, le prêtre avait déjà fait surélever il y a plusieurs années et disposer des sacs de sable autour du terrain de l'Église saint-Pierre Canisius et de la statue de la Sainte-Vierge. Si tout semble contredire l'action des États-Unis contre le terrorisme, la version officielle sur la mort de Ben Laden pourrait aussi embraser un Pakistan qui s'enliserait à la manière de l'Afghanistan et de l'Irak dans la violence et le terrorisme.
Laurent BLANCY. Rivarol du 27 mai 2011
(1) Der Spiegel du 16/5/11 dans Der unheimliche Nachbar (Le voisin inquiétant).