En se cristallisant autour de l’élection présidentielle, la confrontation gauche-droite semble avoir gagné une force et une netteté inégalées. Mais en même temps, dans notre société dominée par l’impératif économique, ce qui distingue la droite de la gauche paraît de plus en plus flou.
Les discours, le recours aux symboles et le battage médiatique qui leur fait écho continuent d’entretenir le spectacle de l’affrontement. Une fois les boxeurs redescendus du ring, leur gestion politique ne fait plus apparaître que des différences de dosage dans les sévères potions qui nous sont infligées.
La gauche au pouvoir, ayant pour l’essentiel capitulé devant le libéralisme économique, et à bout de ressources pour se différencier, a dû rechercher de nouveaux territoires d’affrontement. L’écologie ? Mais l’écologisme n’a pas résisté à la crise. Le droit d’ingérence international ? Mais la droite, larguant ses dernières attaches au gaullisme, l’a adopté. Restaient les mœurs, la tradition libertaire. L’homosexualité est vieille comme le monde, mais marier des homosexuels entre eux, Socrate et Platon n’y avaient pas pensé. La gauche le fait. Au nom de l’égalité. Curieusement, Robespierre et Babeuf non plus n’y avaient pas pensé.
Au milieu de tout cela, quelques esprits pénétrants ont cherché à déceler l’origine et la nature profonde de la distinction droite-gauche. Dans son livre sur Les Gauches françaises (Flammarion, 2012), Jacques Julliard évoque à ce propos le célèbre paradoxe de saint Augustin sur la nature du temps : « Si tu ne me demandes pas ce que c’est, je le sais ; mais si tu me le demandes, je ne le sais plus... » Il faut saluer ici l’effort exceptionnel consenti par Julliard, homme de gauche déclaré, proche de la tradition anarcho-syndicaliste, pour se tenir à sa position d’observateur lucide et tenter de démêler cet écheveau.
UN CLIVAGE OBSCURE A L’AVENIR INCERTAIN
Comme date symbolique d’origine de la gauche en France, il retient 1762 : l’année-charnière de la vie de Rousseau qui vit la publication du Contrat social. Ce qu’on rapprochera du mot de Maurras pour qui l’opposition à Rousseau était le « b.a. ba de l’Action française ». On pourrait penser toucher là l’opposition de fond : être de gauche, c’est croire à la souveraineté populaire, expression de la volonté générale. Ce serait, bien sûr, trop simple. [...]
Christian Tarente - La suite sur Politique Magazine