JAIPUR (NOVOpress) – Cela aurait presque pu passer pour un conte de fées : tout à coup les paysans pauvres d’une région semi-désertique de l’Inde (le Rajasthan au nord-ouest du sous-continent) abandonnent leurs huttes en pisé pour des maisons en dur, achètent des voitures et travaillent avec des tracteurs neufs… Mais les contes liée à la mondialisation finissent rarement bien.
Cet enrichissement subit était dû à la culture du haricot de guar qui sert là bas (photo) traditionnellement de fourrage, mais entre aussi à de très petites proportions dans la fabrication de dentifrices et sert comme émulsifiant dans l’industrie alimentaire (glaces, pâtisseries). Mais la gomme qu’on en tire est pour le moment aussi indispensable à la fracturation hydraulique des roches (fracking), préalable à l’exploitation des gaz de schiste (1). Une production qui doit permettre d’ici quelques années aux USA de bénéficier de tous les avantages d’un pays producteur et exportateur.
Cette exploitation industrielle nécessite évidemment des quantités colossales de gomme, ce qui a fait exploser les cours du haricot de guar et enrichi du jour au lendemain nombre de petits exploitants qui, espérant continuer à profiter de cette subite manne n’ont pas hésité à faire très ample provision de semences, quitte à les payer à des prix prohibitifs.
Las ! Un an plus tard, nombre de concurrents, du Pakistan voisin jusqu’au Texas, ont également voulu leur part du gâteau. Et l’industrie, contrariée de devoir investir jusqu’à 30% du prix d’un forage dans la seule gomme de guar, a accéléré la recherche sur les produits de substitution. En l’absence de pénurie, le cours du haricot s’est effondré, sans espoir d’une amélioration.
Nombre des 200 000 fermiers ruinés par l’achat de semences désormais sans valeur, pris dans un tourbillon éphémère sur lequel ils n’ont eu aucun pouvoir de décision, pourraient bien être tenté de se joindre au flux continu de migrants rêvant d’une vie confortable à l’occidentale…
Note
(1) Il s’agit de prospections souvent à plusieurs milliers de mètres de profondeur. Pour simplifier beaucoup, le procédé consiste à injecter sous très haute pression un mélange d’eau et de sables de quartz ou de céramique (et de produits chimiques, voire d’antibiotiques), pour fissurer des roches très fortement comprimées et permettre ainsi au gaz emprisonné depuis des millénaires de passer. La gomme de guar permet une bonne homogénéisation du mélange injecté, et se laisse ensuite aisément dissoudre pour ne laisser que les sables en guise de calage poreux entre les roches.