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OMC…. une organisation contre nature

En cette fin juillet, les membres de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) se mettaient en congé pour un mois. Non que leurs vacances fussent méritées, car il faut bien admettre que les négociations des derniers mois pour tenter de boucler le Cycle initié en 2001 à Doha (Qatar) sont stériles.
      Avant de partir à la plage, c'est sur un ton pathétique qu'ils ont demandé :

  1. Aux Etats-Unis de réduire les subventions versées à leurs agriculteurs.
  2. A l'U.E d'abaisser ses droits de douane sur les produits agricoles en provenance des pays émergents.
  3. Aux pays du Sud d'ouvrir leurs marchés aux fabrications industrielles du Nord.

Pourquoi un tel empressement ? parce que réunis à huis clos à Potsdam du lundi 18 au vendredi 22 juin dernier les représentants du G4 (Etats-Unis, Union Européenne, Inde et Brésil) se sont quittés dès le jeudi sur un nouvel échec malgré les réunions préparatoires de Bruxelles (fin mai) et Etats-Unis-U.E (début juin) également à huis clos.

Les manifestants de "Friends of the Earth" lors du G4 à Postdam

A Potsdam, les Américains ont proposé de réduire leurs subventions agricoles de 22 à 17 milliards$
Refus de Suzan Schwab, représentante de Washington à l'OMC, sans doute sensible à un récent courrier que lui adressait le lobby agricole de son pays "une diminution des subventions internes ne se justifierait que si elle s'accompagne d'un gain net important" ; en clair il s'agit de pouvoir exporter davantage grâce aux concours des aides extérieures revalorisées;
Dans sa déclaration du 29 juin, N. Sarkozy se rapprochait de l'Inde et du Brésil en déclarant "pour l'instant je ne vois pas les efforts que les Etats-Unis sont disposés à faire ; si on ne comprend pas ça à la table de l'OMC, la France mettra son veto".
Malgré la tempête, les ténors du mondialisme restent optimistes :

  • P. Mandelson, représentant la Commission de Bruxelles : "les nouvelles sur la mort du         Cycle de Doha sont exagérées".
  • L. da Silva, président brésilien, se déclare prêt à faire preuve de souplesse.
  • A. Cairns (Australie) le Forum de Coopération Asie-Pacifique (APEC) écarte toute possibilité d'un échec qui fragiliserait davantage les pays pauvres.
  • P. Lamy, patron de l'OMC, considère qu'il ne reste plus qu'un effort insignifiant pour sauver Doha "il suffirait que les Etats-Unis acceptent des concessions supplémentaires qui représentent moins d'une semaine de commerce transatlantique et que l'Europe réduise encore de quelques points ses droits de douane sur les produits agricoles".

C'est que tous mettent leur espoir dans un nouveau texte en préparation dans les bureaux genevois de l'OMC par C. Falconer et Don Stephenson, respectivement présidents des groupes OMC de négociations sur l'agriculture et l'industrie.
Mardi 17 juillet, l'OMC dévoile le compromis soumis à l'approbation des différentes parties :

  • L'Amérique réduirait ses subventions agricoles entre 12,8 et 16,2 milliards $ (sans doute selon des calculs très savants).
  • L'Europe baisserait ses taxes à l'importation de 53% au lieu des 49% proposés par Bruxelles.
  • Les pays en développement limiteraient entre 19 et 23% leurs droits de douane sur les produits industriels achetés aux pays du Nord.

Les réactions sont immédiates :

  • Pour les Etats-Unis le montant des aides proposé à Potsdam est aujourd'hui satisfaisant parce que les cours sont hauts, mais il convient de garder "une poire pour la soif" en cas de retournement de conjoncture.
  • L'Inde et le Brésil n'acceptent pas de réduire les droits de douane appliqués aux produits industriels en deçà de 30%.
  • En France la FNSEA estimé que "le compte n'y est pas" et H. Novelli, secrétaire d'Etat au Commerce extérieur estime "qu'il y a encore beaucoup de travail à accomplir avant d'aboutir à un accord global".

Bref, tout le monde est sceptique, excepté le nouveau président de la Banque Mondiale, R. Zoellick "bien qu'il reste encore beaucoup à aplanir, en faisant preuve de bonne volonté il y a désormais sur la table un accord à saisir".
Et bien sûr, sauf P. Lamy qui ne cache pas son optimisme au travers d'une formule dont chacun appréciera la clarté "la convergence de nos points de vue est à portée de main ; la distance qui nous reste à parcourir n'est pas si importante quand bien même des divergences significatives doivent être résolues".
De fait, depuis 2001 à Doha et 2005 à HongKong le monde a bien changé pendant que l'OMC divergeait dans la convergence !

En effet :

  • Aux Etats-Unis, le Congrès élu en novembre 2006 prenait ses fonctions en janvier dernier.

      La Constitution américaine renferme une procédure qui autorise le Président à soumettre en bloc les accords commerciaux négociés sous son autorité au Congrès, sans possibilité d'amendements : il s'agit du "fast track" aujourd'hui désigné "Trade Promotion Authority" et précisément accordé au Président par le Congrès.
      Or, le "fast track" dont G. Bush bénéficie en janvier, expire le 30 juin 2007 et en cas de non renouvellement le Congrès pourra amender les accords déjà négociés entre la Maison Blanche et l'OMC.
      Pour les partisans du Cycle de Doha, il importe de ne pas prendre le risque d'un non renouvellement du "fast track" par un congrès plus protectionniste que le précédent.
      Il est donc impératif de régler le dossier agro-industriel avant la fin du premier semestre. D’où à mi-avril, la réunion de New Delhi qui rassemblait le G4, le Japon et l'Australie,…sans résultat. Soucieux d'éviter une rupture brutale, le Congrès laisse entendre que, fin juin, il pourrait éventuellement voter un "fast track" limité aux pourparlers de Doha. Il n'en sera rien, le 30 juin le Congrès refuse toute forme de "fast track" et a désormais le droit d'amender.

  • Avec un excédent commercial qui, depuis 2005, vole de record en record (24,35 milliards $ sur juillet) la production industrielle "made in china" arrose la planète entière, y compris les pays en voie de développement (PVD) d'ou l'inquiétude légitime de ces Etats qui, pour protéger une industrie naissante, souhaitent maintenir des droits de douane élevés sur les produits manufacturés.
  • A l'origine l'objectif du Cycle de Doha était d'organiser les échanges commerciaux entre les pays économiquement avancés, principalement situés au Nord et ceux en cours de développement surtout répartis vers le Sud. Or depuis 2001, de l'Amérique latine à l'Asie bien des pays émergents ont effectivement émergés de sorte que l'axe commercial Nord Sud s'est doublé d'un axe Est Ouest entre les pays du Sud. La multiplication des intérêts commerciaux a rendu la conclusion d'un accord global beaucoup plus compliquée et aléatoire en raison de l'évolution constante des flux commerciaux.
  • L'échec du Sommet de Hongkong (décembre 2005) est sans doute à l'origine des multiples projets d'accords bilatéraux en cours d'étude ou de ratification depuis début 2006 (U.E-Canada, Mercosur-U.E, Inde-USA, Inde-Japon, USA-Vietnam, Inde-Pakistan,…et jusqu'à Corée du Nord-Corée du Sud !)
Manifestants au sommet de l’OMC –WTO Hong-Kong 2005

Ces accords créent de nouveaux rapports de force entre de nouvelles entités économiques et engendrent de nouvelles alliances susceptibles de remettre en cause les négociations entre les 150 membres de l'OMC.

Bien en amont de ces considérations sur l'utilité et la pérennité de l'OMC, reste la question de la validité des hypothèses sur lesquelles les tenants de l'administration mondiale chantent l'apologie du libre échange planétaire.

On se souvient de l'exemple célèbre inventé par David Ricardo (fondateur de la théorie du libre échange) : les vignerons portugais abreuvent l'Angleterre, les filateurs anglais habillent le Portugal et les consommateurs des deux Etats bénéficient de prix réduits grâce aux bienfaits de la spécialisation et d'une production en grande série.
David Ricardo

Ricardo confortait son hypothèse en écartant tout projet de délocalisation du textile anglais vers le Portugal en raison de "l'attachement naturel des entrepreneurs capitalistes à leurs patries"…?!...utopie d'une économie mondialisée fonctionnant avec des financiers qui auraient retrouvé les vertus du "bon sauvage" de J.J Rousseau et se garderaient bien de délocaliser pour leur seul profit au détriment de leurs compatriotes privés de gagne-pain (chômeurs ou travailleurs à salaires réduits).

La réalité des délocalisations détruit l'hypothèse de Ricardo : au commerce entre deux Etats (Angleterre-Portugal) se substitue celui entre une multinationale et les consommateurs d'un Etat.

Cela reste vrai même pour des activités non délocalisables, par exemple l'extraction du minerai de fer puisque les sociétés minières sont presque toujours "bi nationales".

On relèvera que le commerce des matières premières minérales et des hydrocarbures n'entre pas dans les attributions de l'OMC.

D'évidence si quelque génial fonds de placement pouvait délocaliser les terres de la Beauce pour bénéficier de conditions d'exploitation (quel vilain mot pour le beau métier de paysan !) moins onéreuses et bien il le ferait, et d'ailleurs en quelque sorte ils l'ont déjà fait en créant des sociétés multinationales pour cultiver, par exemple la canne à sucre au Brésil.

On exploite une mine de fer, on cultive une terre ; dans les deux cas il y a activité productive ce qui permettrait de classer les fruits de l'agriculture sous l'appellation "matière première végétale" et donc d'échapper comme leurs consoeurs du monde minéral, à l'emprise de l'OMC.

Tout spécialement à l'heure où la surproduction agricole (de surcroît soumise au bon vouloir du ciel) semble appartenir au passé.

La crainte du retournement de tendance évoquée par les Américains à Potsdam résulte peut-être de leur confiance dans la victoire du combat acharné qu'ils mènent pour la promotion des semences OGM. Elles procurent de gros rendements dit-on, et peuvent donc provoquer le retournement en question, au demeurant passager puisqu'ils en détiennent le monopole. Ne parlons pas d'écologie…!!

Avant de clore ces quelques lignes sur un sujet à suivre dans l'actualité à venir, ajoutons que Ricardo lui-même affirmait qu'en cas de modification brutale des flux commerciaux, les pays agressés par des importations à bas coûts pouvaient momentanément prendre des mesures protectionnistes (droits de douane, quotas…) tant à Bruxelles qu'à Genève "ils" ont oublié cette remarque.

Pierre Jeanthon   « France Royaliste » http://www.lesmanantsduroi.com

Rappel de quelques « principes » économiques… : http://fr.wikipedia.org/wiki/Avantage_comparatif

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