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L'enjeu algérien

 L'enjeu algérienHollande a apporté son entier soutien à l'assaut mené par les forces spéciales algérienne. Sa « compréhension », sans doute fondée, car le dialogue avec les terroristes est impossible, et toute faiblesse est prise pour un encouragement à récidiver, entre néanmoins en contradiction flagrante avec les critiques virulentes qui ont suivi l'issue tragique de deux cas semblables de prises d'otages de grande ampleur, commises par les islamistes tchétchènes, l'une à Beslan, le 1er septembre 2004, l'autre au théâtre de Moscou, le 23 octobre 2002. Pourtant , l'ennemi est le même, et sévit pareillement en Syrie, avec le soutien des Occidentaux, dont la France. Les arcanes de la politique étrangère sont complexes, surtout quand un grand pays comme le nôtre est soumis à la pression de l'hyper puissance américaine, avec laquelle il paraît être dans une relation de vassalité.

Etrangement, les soldats français, qui rentraient juste d'Afghanistan, où ils s'étaient fait canarder pour des intérêts qui n'étaient pas les nôtres, n'ont pas eu le temps d'embrasser leurs proches, qu'ils ont été envoyés par la voie expresse au Mali. Tout est parfaitement synchronisé par une sorte de deus ex machina !
Le 14 juin 2012, Obama déclarait : “Au moment où nous regardons vers l’avenir, il apparaît clairement que l’Afrique est plus importante que jamais pour la sécurité et la prospérité de la communauté internationale et pour les Etats-Unis en particulier”.
Le principal adversaire de la puissance américaine semble, a priori, être la Chine, qui a accru ses échanges avec le continent africain de 20 milliard en 2002 à 120 milliard l'an dernier.
Militairement, les Américains disposent de nombreuses bases : à Djibouti, en Ethiopie, au Kenya et aux Seychelles, sans compter, par l'intermédiaire de l’US Africom, le commandement pour l’Afrique, des coopérations militaires avec plusieurs pays africains. Mais d'autres bases « secrètes » existent, une douzaine, comme à Ouagadougou, au Burkina Faso, afin de mener des opérations de renseignement. Cette surveillance, notamment à l'aide d' U-28A, s'effectue grâce à des forces spéciales (US SOCOM, qui tend à prendre le pas sur la CIA), et des « contractors », des employés de sociétés militaires privées, mais aussi par des drones, qui peuvent frapper, comme en Somalie ou au Yémen. Mais c'est surtout une ancienne base militaire libyenne, abandonnée par les Américains en 1970 après la prise du pouvoir par Kadhafi, qui est la mieux placée pour contrôler le Sahara, jusqu'au Soudan, et viser ... l'Algérie, sans doute la bête à abattre.
François Hollande l'a assuré : "La France ne défend aucun intérêt particulier ».
Les faits parlent en sa faveur. Le Mali n'est que le 87e client de la France, qui y est le 111e investisseur. Il est bien possible que les « intérêts » d'une intervention soient quasi absents dans le cadre du Mali. Ce pays, l'un des 25 plus pauvres du monde, hormis un tourisme désormais mis à mal, propose des mines d'or, mais qui sont exploitées, dans des conditions douteuses, par des multinationales anglo-saxonnes, des gisements de minerais de fer, de bauxite, de phosphates et de marbre, mais pas assez pour vraiment risquer sa peau. L'uranium, présent, n'est pas exploité, et le pétrole reste seulement à l'état de potentiel.
Toutefois, c'est devenu un secret de Polichinelle que la véritable richesse à protéger, les mines d'uranium, dont a tant besoin AREVA, celles-là même que visaient les rebelles, se trouve au Niger. C'est là que deux prises d'otages ont été menées par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) en 2010 et en 2011.
Qu'on le veuille ou non, AREVA, c'est encore la France et sa puissance.
En outre, le Mali occupe une position géostratégique essentielle, en plein centre du Sahel. Qui le contrôle, contrôle la région, le Tchad et son pétrole, la Mauritanie, son cuivre, son fer, le Burkina Faso et son zinc, le zircon bientôt, le Sénégal et l'ilménite. La Chine convoite ces richesses, mais il n'est pas dit que la France ne se fasse pas damer le pion par les Anglo-saxons, les Américains ayant des besoins illimités.
Le danger que court l'armée française est, outre l'enlisement, le pays étant exceptionnellement vaste et peu sensible aux frontières, qui n'ont jamais vraiment existé pour les nomades et des groupes de guerriers extrêmement mouvants et rapides, de passer pour une force d'occupation. Des voix se sont déjà élevées pour accuser l'ancienne puissance coloniale. La fixation qu'entraînerait la prolongation d'opérations de guérilla, aurait le tort aussi d'immobiliser des troupes susceptibles d'intervenir ailleurs, par exemple en Syrie ou en Iran. En cela, l'intervention malienne retarde les velléités belliqueuses, et c'est tant mieux. Le choix de privilégier les troupes de projection a réduit les effectifs militaires du pays, au bénéfice d'un matériel performant très coûteux, et le pays, par ces temps de crise, ne peut guère dépasser certaines limites financières et matérielles. On l'a vu avec l'intervention en Libye, quand la quantité de missiles s'est révélée, à la longue, insuffisante. Mais ce sont surtout des raisons politiques qui prévalent, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur.
C'est pourquoi, l'armée malienne s'étant révélée particulièrement inefficace, on a opté pour le déploiement d'une force régionale, sous l'égide de la Cédéao, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest. Il n'est pas dit que cela suffise, la seule force vraiment aguerrie étant celle d'Idriss Deby, qui envoie 2000 soldats tchadiens.
En attendant, il est question d'engager jusqu'à 4000 militaires français.
Les groupes djihadistes ont proliféré au Sahel : al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Ansar Dine, le MNLA (Mouvement de libération de l'Azawad, les Shebabs en Somalie, la secte Boko Haram au Nigéria., et, dans la région des Grands Lacs, des foyers rebelles comme le LRA (l’armée de résistance Seigneur) du chef de guerre Joseph Kony.
Il ne faut pas sous-estimer les conflits qui existent au sein de cette galaxie. Mokhtar Belmokhtar, surnommé "Belawar" ou "Louar", le Borgne, au parcours sinueux, en est un exemple (encore) vivant.
Cette internationale djihadiste essaime sur un arc qui va de l'Afghanistan au Maroc. Les 65 000 mercenaires islamistes qui terrorisent la Syrie en sont l'incarnation la plus sanglante. Ils sont payés et armés par les monarchies du Golfe, dont le Qatar, que l'on a accusé de jouer un jeu trouble auprès des rebelles « africains », qui, du reste, viennent de tous les horizons musulmans. Il est vrai qu'on ne prête qu'aux riches, et que le Qatar a eu un rôle décisif dans la destruction du régime du colonel Kadhafi. Les pétrodollars, les troupes, l'aide propagandistes ont permis qu'in fine de nombreuses armes sophistiquées tombent dans les mains de ceux qui ne comptent manifestement pas s'arrêter à la Libye. Et quand bien même son aide ne serait pas directement militaire, son influence, surtout financière et logistique, s'effectue par l'intermédiaire d'associations, de fondations caritatives, très nombreuses en Afrique. Des détournements d'argent sont probables, ainsi que des possibilités de se camoufler en cas de coup dur.
Le choix de l'opération kamikaze des djihadistes était on ne peut plus judicieux. S'attaquer aux gisements gaziers ou pétroliers de l'Algérie, c'est toucher son point névralgique. Le flux de gaz circulant par exemple entre l 'Algérie et l'Italie, via le gazoduc Transmed, est de 72 millions de mètres cubes par jour. Le raid terroriste d'El Amenas a fait baisser ce volume de 10 millions de mètres cubes.
Le but de cette opération, qui a de fortes chances de se reproduire, n'est pas seulement économique, bien que le pétrole et le gaz représentent pour le pays 97% des exportations. L'Etat algérien se souvient de la guerre civile qui, dans les années 90, a causé près de 200 000 morts. L'islamisme insurrectionnel peut se réveiller, ainsi que la tentation indépendantiste kabyle. Singulièrement, des leaders kabyles lorgnent vers Israël. Les cas irakien, libyen et syrien laissent à penser. Le « printemps arabe », dont on sait qu'il était destiné à mettre au pouvoir les islamistes, salafistes et/ou Frères musulmans, en Tunisie, en Egypte, esquisse une logique qui, en conjuguant les visées belliqueuses sur l'Iran et le soutien sournois de la Turquie, parvient à dessiner une politique d'ensemble. Le but est de balkaniser le monde arabe, de l'ethniciser en faisant sauter les Nations encore indépendantes, ou les régimes qui ont prôné une « laïcité » tempérée, mais néanmoins efficace. La vieille devine « diviser pour régner » est à l'oeuvre, pilotée par l'empire américain, son allié indispensable Israël, soutenue par les monarchies du Golfe, et exécutée par des supplétifs agressifs comme la France et la Grande Bretagne.
L'Algérie, qui a longtemps mené un jeu double, se rapprochant de Washington, mais maintenant une ligne nationaliste sourcilleuse, sait pertinemment qu'elle est sur la liste des condamnés à mort. L'assaut des terroristes, venus de Libye ou d'ailleurs, mêlant des fanatiques sunnites issus de tout l'Oumma, est là pour rappeler quel est la véritable cible de tout le remuement qui agite le Sahel, après avoir bouleversé une partie du Maghreb. Il n'est pas dit que la prise d'otages de ressortissants occidentaux, dont de nombreux Américains, n'ait pas été combinée pour donner prétexte à l’intervention des forces spéciales américano-françaises, permettant de « sécuriser » une zone proche de la frontière libyenne. Nous sommes dans une configuration où Machiavel est roi. Cela explique la célérité avec laquelle les commandos algériens sont intervenus. Qui s'y frotte, s'y pique.
Il est donc évident que l'Algérie constitue le verrou ultime, celui que d'aucuns aimeraient qu'il saute. La « Prusse du Maghreb », comme on l'appelle, a pour l'instant bien manœuvré. Elle joue sont destin, son indépendance. C'est à elle de choisir : combattre l'empire ou mourir. Il semble que l'appareil militaro-prédateur algérien ait compris cet enjeu, et que le peuple partage cette conscience. Car la véritable clé est l'engagement politique des citoyens algériens.
Claude Bourrinet http://www.voxnr.com

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