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Le catholicisme, combien de divisions ?

Au cours du XXe siècle, les catholiques français ont irrigué les mouvements politiques, de droite comme de gauche, du Sillon au CDS, en passant par l'Action française et le PSU.
La compréhension du rapport actuel des catholiques français avec la politique nécessite de remonter historiquement au moins au Ralliement de 1893, c'est-à-dire à la possibilité donnée par Léon XIII aux catholiques français, un siècle après la Révolution française, d'accepter le régime républicain, jusque-là logiquement assimilé à la franc-maçonnerie et à l’anticléricalisme par la papauté et la plus grande partie du clergé. Paradoxalement, le Pape du catholicisme social (élaboré par les Légitimistes français) et de l'encyclique Rerum Novarum, cédait ainsi aux sirènes républicaines chères aux catholiques « libéraux » (c'est-à-dire de gauche) héritiers de Lamennais. De nombreux royalistes seront ainsi à l'origine de la démocratie chrétienne en France !
Action Française contre Sillon
Ainsi, alors que la grande majorité des royalistes français va se rassembler derrière l'Action française (qui ne fut jamais un mouvement confessionnel) de Charles Maurras, créée en 1899, les catholiques « ralliés », groupés autour des députés Albert de Mun et Jacques Piou, créent en 1901 l'Action libérale populaire (conservatrice), tandis que les plus avancés rejoignent le Sillon de Marc Sangnier, fondé en 1894.
En 1905, la séparation de l’Église et de l’État cause un nouveau traumatisme chez les catholiques français, les relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège étant suspendues de 1904 à 1921, ce qui n'empêche pas la papauté d'intervenir dans les choix politiques des catholiques.
Ainsi, saint Pie X condamne le Sillon en 1910, avant que l'Action française ne soit à son tour sanctionnée par Pie XI en 1926 (la condamnation sera levée par Pie XII en 1939). L'Histoire retiendra de cette période la lutte entre le croyant Sangnier et l'agnostique Maurras pour séduire la jeunesse intellectuelle catholique.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'Action libérale cède sa place au centre droit au Parti Démocrate Populaire (PDP), fondé en 1924, qui voit émerger les figures de Francisque Gay ou Georges Bidault. Ne dépassant pas une vingtaine de députés, le PDP diffuse ses idées à travers le quotidien L'Aube et la revue La Vie catholique (devenu de nos jours La Vie). Plus à gauche, pour remplacer le Sillon, Marc Sangnier a fondé dès 1912 la Jeune République, d'obédience socialiste, qui soutiendra ultérieurement le Front populaire.
L'année 1924, celle de l'arrivée au pouvoir du Cartel des gauches voit aussi la création de la Fédération Nationale Catholique (FNC) du général de Castelnau, très conservatrice mais qui refuse de s'organiser en parti politique et de se prononcer sur la nature du régime. Elle aura pour orateurs, jusqu'en 1940, des députés comme Philippe Henriot ou Xavier Vallat. Pour autant, le général de Castelnau et son bras droit, le colonel Navel, se montreront critiques à l'égard du gouvernement de Vichy et très hostiles à toute forme de collaboration avec l'Allemagne. Le journal de la FNC, France Catholique, paraît toujours aujourd'hui.
Du MRP à l'UDI : centrisme et construction européenne
A la Libération, en 1944, le Mouvement Républicain Populaire (MRP), successeur du PDP, devient, toujours au centre-droit, l'un des principaux partis politiques français. Obtenant aux élections législatives jusqu'à 28 % des voix (en juin 1946), il a pour emblème la Croix de Lorraine et le bonnet phrygien.
Ses chevaux de bataille sont la liberté scolaire (la défense de l'enseignement libre) et la construction européenne, prônée par l'un de ses principaux dirigeants, Robert Schuman, les autres étant Henri Teitgen, Pierre Pfimlin, André Colin et Jean Lecanuet. Le MRP s'effondre après l'instauration de la Ve République en 1958, passant sous la barre des 10 %. Après son succès personnel en 1965 (plus de 15 % à l'élection présidentielle), Lecanuet le transforme en Centre Démocrate, puis en Centre des Démocrates Sociaux (CDS) qui co-fonde l'UDF en 1978, avec le Parti républicain de Valéry Giscard d'Estaing. Les héritiers du CDS se retrouvent aujourd'hui au Modem (François Bayrou), à l'UDI (Jean Arthuis, Pierre Méhaignerie) à l'UMP (Christine Boutin et son parti associé, le PCD).
Aux sources de la Deuxième gauche
Du côté socialiste (voire communiste), les catholiques ne sont pas inactifs : ce sont eux (via la Jeunesse Etudiante Chrétienne, ou JEC) qui font basculer à gauche l'UNEF, alors seul syndicat étudiant, au milieu des années 1950. De même, ils font éclater la CFTC en 1964 et fondent le syndicat CFDT.
De son côté, toujours aussi faible politiquement, le mouvement de Sangnier, Jeune République, intègre en 1957 l'Union de la Gauche Socialiste (UGS), puis en 1960 le PSU de Michel Rocard, parti qui se sabordera en 1990. Toute cette mouvance socialiste autogestionnaire et anticolonialiste animera et irriguera ce que l'on appellera la Deuxième gauche, autour de personnalités intellectuelles comme Jacques Julliard et de journaux comme Témoignage chrétien (qui vient de cesser de paraître). Elle est aujourd'hui en nette perte de vitesse.
Renouveau à droite ?
Partis de notables, le CNIP de Pinay ou l'UDR gaulliste n'étaient pas à proprement parler des partis catholiques, même si les catholiques étaient nombreux en leur sein.
Au Front National s'organisera au milieu des années 1980 une aile nationale-catholique autour du Centre Charlier animé par Bernard Anthony (qui a depuis quitté le FN), de sensibilité traditionaliste. Tout en reconnaissant les racines chrétiennes de la France, Marine Le Pen insiste aujourd'hui sur l'orientation laïque du FN.
Enfin, le MPF de Philippe de Villiers, fondé en 1994 et qui compte encore aujourd'hui trois parlementaires en Vendée, demeure sociologiquement et par les valeurs qu'il défend un parti catholique.
Jacques Cognerais monde & vie 15 janvier 2013

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