Nous sommes en guerre, ne l'oublions pas. Une guerre qui à chaque instant peut embraser la poudrière proche-orientale. Conflit dont l'onde de choc pourrait se propager jusqu'à nos rivages. Seule la Méditerranée nous sépare en effet des zones de guerre vive. Or nul de sait comment une Europe incertaine, ébranlée par une crise sociétale sans précédent, serait amenée à réagir. Tous les cas de figures sont possibles et dans une telle conjoncture, le meilleur est rarement aussi probable que le pire ! Cela même si la Maison-Blanche vient de nommer le Républicain Chuck Hagel au poste de Secrétaire à la Défense. Ce conservateur qui préfère le dialogue à la menace, n'a certes pas l'heur de plaire aux va-t'en-guerre de Tel-Aviv et à leurs comparses de Washington, tous prompts à l'invective. Cependant quelque chose semble pouvoir changer... jusqu'à ce qu'une nouvelle provocation, un nouveau massacre d'enfants ne vienne renverser la tendance. Telle est notre crainte. Dimanche 6 janvier 2013, au 21e mois d'une guerre civile alimentée par une coalition associant les États-Unis, la Ligue arabe et l'Otan, le président syrien el-Assad prononçait son premier discours public depuis le 3 juin dernier lorsqu'il s'était exprimé devant son Parlement. Discours raisonnable dans lequel il propose aujourd'hui un plan de paix "politique" négocié avec les oppositions tant intérieures qu'extérieures, un processus de renouvellement législatif « selon les termes de la Constitution »... mais un plan impliquant son maintien au pouvoir, ce que rejettent catégoriquement tous ceux dont les ambitions et les appétits convergent pour l'éliminer. En fait el-Assad, et c'est là son plus grand tort, ne veut ni plus ni moins que bénéficier en 2014 de la possibilité d'être lui-même candidat à sa propre succession.
TROIS ÉTAPES POUR UN RETOUR À L'ORDRE ET À LA PAIX CIVILE
El-Assad tout en refusant de négocier avec « des gangs terroristes qui prennent leurs ordres de l'étranger » propose trois étapes pour rétablir le calme et la sécurité sur le territoire syrien. Ce qui ne pourra se faire évidemment sans un engagement de la part des États soutenant et finançant le "terrorisme" de cesser ces pratiques hostiles. À ce moment seulement, l'armée syrienne mettra un terme à ses opérations, cependant « tout en conservant le droit de répliquer »... Ce qui semble bien la moindre des choses. Ces conditions remplies, pourra alors s'ouvrir « une conférence de dialogue et de réconciliation nationale ». Conférence qui se verra confier la mission de rédiger une « Charte nationale » ultérieurement soumise à référendum, tandis qu'un nouveau Parlement et un nouveau gouvernement seront appelés à sortir des urnes.
Bref, rien que de très raisonnable dans tout cela qui s'est malgré tout heurté sans surprise à un refus intransigeant de tout compromis de la part des oppositions, attitude évidemment reprise par Washington où le discours de M. Assad est considéré comme « une nouvelle tentative du régime pour s'accrocher au pouvoir [...]et une initiative déconnectée de la réalité » [AFP 7 janvier]. À Téhéran, autre son de cloche : « La République islamique soutient l'initiative du président Assad pour une solution globale de la crise » tout en appelant tous les protagonistes impliqués dans le conflit ainsi que la Communauté internationale à « saisir l'occasion offerte par ce plan de rétablir la sécurité et la stabilité en Syrie afin d'éviter l'extension de la crise à la Région ».
Mais apparemment le reste du monde - hormis la Russie - s'est donné la mot pour repousser la main tendue par la présidence syrienne... l'opposition intérieure représentée par le Comité de coordination pour le changement national et démocratique ayant à son tour récusé ce lundi toute participation à ce dialogue national auquel elle vient pourtant d'être conviée [Damas AFP 7 janvier] « Nous ne participerons pas au dialogue national avant l'arrêt des violences, la libération des détenus, la garantie que l'aide humanitaire peut parvenir aux régions touchées et que soient apportés des éclaircissements relatifs au sort des disparus » dixit Hassan Abdel Azim, chef du CCCND, à l'occasion d'une conférence de presse à Damas. « Toute négociation, et pas seulement le dialogue, doit se placer sous l'égide de l'envoyé spécial des Nations Unies et de la Ligue arabe [Lakhdar Brahimi] car il n 'y aura pas de négociation ou de dialogue directs entre nous et le régime ». C'est bien ce qui s'appelle une fin de non-recevoir... de la part d'un homme à l'évidence épris de paix et de progrès !
À Paris, le Quai d'Orsay fait servilement écho au Département d'Etat et dénonce un « déni de réalité » de la part du président el-Assad... « Les propos de Bachar el-Assad illustrent à nouveau le déni de réalité dans lequel il s'est muré pour justifier la répression du peuple syrien... Ces déclarations qui interviennent peu après la publication par les Nations unies d'un rapport mettant en lumière les exactions commises par son clan ne trompent personne... Le départ de Bachar el-Assad reste une condition incontournable de la transition politique » ! Quant au Foreign Office, il juge que ce discours va « au-delà de l'hypocrisie », parce que comme toujours, l'Hôpital se moque de la Charité.
Enfin le Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations unies déclare disposer désormais d'une liste de 59 648 personnes tuées en Syrie depuis le début du conflit en mars 2011 jusqu'à novembre 2012 [AFP 7 janvier]. Or comme le dit si bien Louis Denghien : « Comment être si précis quand presque toutes les catégories de victimes sont l'enjeu de propagandes adverses : le nombre de soldats et policiers tués en service n 'est pas le même selon le gouvernement et l'Observatoire syrien des droits de l'homme. Lequel OSDH continue d'injecter la plupart des combattants rebelles tués dans la rubrique "civils" de ses bilans sous prétexte qu 'ils ne sont pas des déserteurs de l'armée. Quid aussi des vraies victimes civiles de la rébellion de plus en plus nombreuses ? Et où sont, dans ces chiffres, les combattants rebelles venus de l'étranger dont le nombre lui aussi a crû exponentiellement en 2012 ? Et celui des personnes disparues et/ou enlevées ? » [InfoSyrie 3 janvier]. De bonnes questions qui n'intéressent pas à l'évidence les rapporteurs des Nations Unies qui préfèrent imputer à la seule responsabilité du régime les morts de tous bords.
GUERRE INEXPIABLE ET CONFLIT INTERNATIONAL DE BASSE INTENSITÉ
D'après DEBKAfile [2 janvier 2013] et à Londres le quotidien Al-Qods al-Arabi, des responsables israéliens de Tsahal se concertent régulièrement en Jordanie avec des chefs rebelles syriens... autant dire des chefs de katibas d’Al Nosra puisque l'Armée syrienne libre - ASL - ne compte que pour du beurre. Ceci sans doute dans la perspective d'une éventuelle opération israélo-américaine visant à protéger les collines du Golan, occupé en 1967 et annexé en décembre 1981... et aussi, peut-être, à neutraliser d'éventuelles réserves d'armes chimiques de l'armée syrienne. D'invérifiables . « sources émanant des renseignements européens, dont certaines françaises et russes » selon le site communautariste, auraient « révélé des affrontements nocturnes entre forces spéciales américaines, jordaniennes, israéliennes et des rebelles syriens d'une part et forces spéciales syriennes d'autre part », chacune s'efforçant d'acquérir ou de conserver le contrôle de secteurs frontaliers d'intérêt stratégique... pour le cas où « le conflit syrien déborderait à l'extérieur des frontières », autrement dit s'étendrait en impliquant le voisinage, Jordanie et Israël pour ne pas les nommer.
Toujours suivant DEBKA qui n'a aucun intérêt à trop en dire, « au moins cinq camps en Jordanie servent à l'entraînement d'unités d'élite de l'opposition syrienne, formation supervisée par des instructeurs militaires britanniques, français, tchèques et polonais ». Excusez du peu ! C'est dire que l'Union européenne, peu ou prou, se trouve profondément engagée dans un conflit auquel elle est officiellement étrangère. Étrange démocratie que la nôtre où les décisions les plus graves se prennent dans l’in-transparence la plus totale.
Il s'agirait entre autres de maintenir la frontière ouverte pour les combattants du camp de Zaatari en territoire jordanien - lequel accueille quelques 60 000 '"réfugiés" - ainsi que d'assurer la protection des voies de transit des armes destinées à l'insurrection... « la police des frontières syrienne ayant saisi récemment une vaste quantité d'armes, certaines de fabrication israélienne, destinées à l'armée syrienne libre de la ville de Deraa » ! Les choses sont claires, n'est-ce pas ? À côté de cela, sur les plateaux de télévision, les mêmes journalistes continueront à vous dire, la main sur le cœur, que la révolte est strictement syrienne, sans aide extérieure et qu'elle se meurt de ne pas recevoir d'armes de la part d'une Communauté internationale assez égoïste pour laisser égorger le peuple de Syrie par les milices de Damas... À chacun son credo !
En outre, contrairement à ce que les média voudraient nous faire accroire par leur silence, la question des armes chimiques syriennes n'a pas du tout été oubliée et constitue toujours, potentiellement, un prétexte de choix à une entrée des Atlanto-islamistes dans la danse. Ainsi « les forces spéciales américaines, Tsahal et les armées turques et jordaniennes » attendent le doigt sur la queue de détente « qu'Assad donne l'ordre aux chefs de son armée de lancer une offensive chimique sur les concentrations de troupes rebelles » en Syrie ou dans les pays voisins... « Les camps d'entraînement des rebelles en Jordanie apparaissant comme les premières cibles probables » des forces assadiennes. Effectivement, le dos au mur, le régime pourra être tenté de recourir à des armes redoutables que la morale réprouve mais auxquelles les Anglais furent les premiers à recourir dans la région, en l'occurrence « le général Allenby en 1917 contre les Turcs dans le Sinaï » [Robert Fisk The Independent 8 décembre 2012]. Un bon exemple à suivre ?
PROTOCOLE DE DOHA
Ce dont nos média si moraux ne parlent jamais est bien de savoir à quelle sauce sera mangée la Syrie. Pour cela il suffit de se reporter à la « feuille de route » en treize points connue sous le doux nom de « Protocole de Doha » adoptée en marge de la 18e Conférence internationale sur le climat [Alger — L'Expression 6 décembre 2012]. Cela sous le parrainage de l'Émir du Qatar, Cheikh Hamad bin Jassim bin Jaber al-Thani, de toute évidence l'homme fort de la Péninsule arabique et l'interlocuteur privilégié de la superpuissance euratlantique.
turques et jordaniennes » attendent le doigt sur la queue de détente « qu 'Assad donne l'ordre aux chefs de son armée de lancer une offensive chimique sur les concentrations de troupes rebelles » en Syrie ou dans les pays voisins... « Les camps d'entraînement des rebelles en Jordanie apparaissant comme les premières cibles probables » des forces assadiennes. Effectivement, le dos au mur, le régime pourra être tenté de recourir à des armes redoutables que la morale réprouve mais auxquelles les Anglais furent les premiers à recourir dans la région, en l'occurrence « le général Allenby en 1917 contre les Turcs dans le Sinaï » [Robert Fisk The Independent 8 décembre 2012]. Un bon exemple à suivre ?
PROTOCOLE DE DOHA
Ce dont nos média si moraux ne parlent jamais est bien de savoir à quelle sauce sera mangée la Syrie. Pour cela il suffit de se reporter à la « feuille de route » en treize points connue sous le doux nom de « Protocole de Doha » adoptée en marge de la 18e Conférence internationale sur le climat [Alger - L'Expression 6 décembre 2012]. Cela sous le parrainage de l'Émir du Qatar, Cheikh Hamad bin Jassim bin Jaber al-Thani, de toute évidence l'homme fort de la Péninsule arabique et l'interlocuteur privilégié de la superpuissance euratlantique.
La finalité ? Elle est fort simple. Sous couvert d'évincer le "clan Assad" au pouvoir - la famille Assad s'est imposée à l'origine contre d'autres composantes alaouites - il s'agit de faire disparaître la Syrie en tant qu'Etat national souverain, comme ce fut le cas pour la Fédération yougoslave, l'Afghanistan, l'Irak, la Libye... Ceci par le truchement de forces mercenaires et de fanatiques « venus de nombreux pays arabes, d'Afghanistan, de Somalie ou du Pakistan, bien armées qui déciment la population civile syrienne et se battent contre l'armée aux côtés d'une poignée de déserteurs ». À Doha donc, après avoir restructuré l'opposition syrienne en la dotant d'un semblant d'unité et de visibilité - opposition créée de toutes pièces à Istambul le 1er octobre 2011 par la France, le Qatar, les États-Unis et la Turquie - il s'est agi de tracer sa ligne de conduite. Autrement dit l'encadrer et pour ce faire établir un cahier des charges afin de fixer ses objectifs... assignés en fonction des attentes lancinantes et des besoins pressants de ses commanditaires et bailleurs de fonds. À savoir : à l'issue du processus démocratique l'armée syrienne devra avoir disparu, avoir été réduite à la portion congrue, c'est-à-dire à moins de 50 000 personnels (l'équivalent de l'armée française bonne à tout faire !) ; la Syrie s'engage à ne faire valoir ses droits sur le Golan que par des moyens exclusivement politiques, les deux parties, israélienne et syrienne, devant parvenir (à la Saint Glinglin ?) à la signature d'accords de paix sous l'égide des États-Unis et du Qatar ; en outre, la Syrie détruira, sous la supervision des États-Unis, la totalité de ses armes chimiques, bactériologiques et de ses missiles ; renoncement définitif au profit de la Turquie du Sandjak d'Alexandrette et de certains villages turkmènes dans les provinces d'Alep et d'Idlib ; le Parti des travailleurs du Kurdistan étant inscrit au nombre des organisations terroristes, expulsion de tous les membres du PKK, parmi lesquels ceux qui font l'objet de poursuites seront livrés au bras séculier turc ; annulation de tout accord et convention signés avec la Russie et la Chine dans les domaines de la recherche ou l'exploitation des hydrocarbures et de l'armement ; autorisation du passage à travers le territoire syrien d'un gazoduc qatari à destination de la Turquie et de l'Europe ; de la même façon permettre le transit des aqueducs provenant du barrage Atatürk au profit d'Israël ; exclusivité des chantiers de reconstruction de la Syrie dévastée accordée au Qatar et aux Émirats arabes unis qui détiendront également le monopole de l'exploitation des gisements de pétrole et de gaz syriens ; gel immédiat des relations avec l'Iran, la Russie et la Chine ; rupture des relations avec le Hezbollah et les mouvements de résistance palestinienne ; le nouveau régime syrien sera islamique modéré et non "islamiste"... Protocole devant entrer en vigueur dès la prise du pouvoir par l'opposition adoubée par son Excellence Jaber al-Thani.
En tout état de cause, nous avons là un résumé assez saisissant des raisons et motifs, géoéconomiques et géopolitiques, de l'acharnement des puissances coalisées contre la malheureuse Syrie. Puissances qui se comportent comme des bandits de grands chemins sous l'ahurissant et ignominieux prétexte de la "morale" et des « droits humains ». On comprend d'ailleurs que ce type d'information sorte prioritairement dans la presse d'un pays comme l'Algérie auquel un tel catalogue - à quelques détails géographiques près ! - pourrait finalement s'appliquer. De sombres nuées ne sont-elles pas en train de s'accumuler au sud du Sahara, au Mali par exemple ? Orage islamiste qui pourrait bien déferler quelque jour sur le nord. Alger serre les fesses, et ajuste titre !
LE DÉPEÇAGE DE LA SYRIE
Encore qu'avant de vendre la peau de l'ours faut-il déjà l'avoir tué. La détermination et le sang froid d'el-Assad laissent augurer que la chose ne sera pas facile. En juin dernier le Jérusalem Post évoquait avec précision un "agenda" - un plan - secret israélo-américain se donnant pour objet le démantèlement territorial de la Syrie (1). Une réédition en quelque sorte des accords Sykes-Picot signés le 16 mai 1916 par Londres et Paris avec l'assentiment de Rome et de Moscou en vue d'un partage de l'Empire ottoman à la fin des hostilités. Le texte de ces accords sera transmis en janvier 1918 à la Sublime Porte par les bons soins des révolutionnaires bolcheviques qui se sont aussitôt saisis des archives diplomatiques tsaristes.
Par une singulière coïncidence c'est justement le 16 mai 2012, dans un article signé par un certain Jonathan Spyer (2) - toujours dans le Jérusalem Post mais un siècle moins quatre ans plus tard — qu': « un politicien kurde chevronné en appelle à Israël pour soutenir l'éclatement de la Syrie » ! Sherkoh Abbas, président de l'Assemblée Nationale Kurde de Syrie - ANK - dont le siège se trouve aux États-Unis, sollicite en effet l'État hébreu afin qu'il soutienne un processus de partition de la Syrie sur une base ethnoconfessionnelle... ceci aboutissant à la formation d'entités politiques relativement autonomes, sunnites, alaouites, kurdes et druzes. Écoutons Michel Chossudovsky : « La balkanisation de la République Arabe Syrienne doit être menée à bien en soutenant des divisions sectaires qui conduiront éventuellement à une guerre civile sur le modèle de l'ancienne Yougoslavie ». Vaste programme !
À ce propos, encore selon Chossudovsky, des entretiens auraient eu lieu en mai 2012 au Département d'État entre des représentants du Conseil National Kurde, Robert Stephen Ford, dernier ambassadeur américain en poste à Damas, et Jeffrey Feltman, Secrétaire d'État adjoint pour le Proche-Orient. Les trois hommes jouent ou ont joué un rôle déterminant dans l'aide à la rébellion et entretiennent des liens soutenus avec l'Armée Syrienne Libre (ASL) et le Conseil National Syrien, créé par ses bons soins le 15 septembre 2011, CNS qui, en raison de son impotence, devait se fondre le 11 novembre dernier à Doha au sein d'une Coalition nationale des forces de l'opposition et de la révolution... et ce de manière très opportune afin de lui faire avaliser le fameux "Protocole" susmentionné.
Notons que les positions adoptées par Sherkoh Abbas sont loin de refléter ou de représenter les vues des quatre ou cinq cent mille Kurdes que compte la Syrie. Lesquels s'efforcent jusqu'à présent de se tenir à l'écart des combats, quand ils n'interviennent pas eux-mêmes aux côtés des forces loyalistes. Un « Grand Kurdistan » est un rêve immémorial pour les Kurdes qui l'ont historiquement laissé à plusieurs reprises s'échapper de leurs mains, notamment quand le Kurde Salâh ad-Dîn - Saladin - eut les moyens au XIIe siècle leur donner ce royaume tant désiré. Au demeurant, lorsque l'ont veut diriger les hommes, il faut savoir à bon escient manier leurs rêves et leurs espoirs. Or si l'Administration américaine fait miroiter une part de rêve aux Kurdes compradores, en réalité, elle se bat l'œil des aspirations d'indépendance de la Nation kurde, ce qu'elle veut c'est « aider l'opposition kurde à construire une opposition plus cohérente contre Assad ». Là est le fin mot : faire tomber le régime !
Si donc « Grand Kurdistan » il devait y avoir, ce serait à l'évidence au détriment premier de la Turquie. Même si nul n'en parle mais le sujet est à l'étude et depuis de longues années, mais il n'est pas la priorité. Un projet qu'il faut resituer dans un ensemble plus vaste, celui du remodelage général de l'Orient islamique. Ce plan se nomme « Initiative Greater Middle East » et nous le voyons en ce moment même se réaliser sous nos yeux, étape après étape, pays après pays, guerre après guerre. Le résultat n'étant malgré tout guère convaincant - des champs de ruines, des nations et des économies dévastées ! - sauf peut-être pour l'État hébreu qui voit son périmètre de sécurité s'élargir à chaque fois que les missiles et les bombardiers de Washington sèment le chaos. Reste que ce Grand Kurdistan n'est pas vraiment à l'ordre du jour, d'abord la chute de Damas, il sera bien temps de voir après la victoire sur l'Axe du Mal. Un concept non encore abrogé?!
ESCALADE ET GUERRE ÉLARGIE AU PROCHE-ORIENT
Le 14 décembre 2012, Léon Panetta, Secrétaire américain à la Défense, signait l'ordre de déploiement au sud de la Turquie de S-400 servant de deux systèmes sol-air Patriot. « Les États-Unis doivent aider la Turquie à se défendre contre des frappes syriennes et l'extension des combats entre le gouvernement et les rebelles en territoire turc [CNN] ... Le but de ce déploiement est de manifester clairement que les États-Unis, en collaboration étroite avec nos alliés de l'Otan, défendront la Turquie en toutes circonstances » [site officiel de l'US Air Force 14 décembre]. Ajoutons que d'autres batteries de missiles - allemandes et hollandaises - viendront compléter un dispositif opérationnel en principe vers la fin janvier. La déclaration officielle du Pentagone ne mentionne pas bien entendu que cette concentration de missiles anti-missiles ne cible pas uniquement la Syrie, mais vise à établir une ligne de défense avancée du territoire israélien en cas de conflit régional comme le suggère le prépositionnement depuis 2010 au Koweït, au Qatar, aux Émirats arabes unis et au Bahreïn de "Patriot" ciblant l'Iran. Peu à peu l'échiquier de la guerre régionale se met ainsi en place. Notons à ce propos que ces déploiements, spécifiquement en Turquie, font face - ou font pièce - aux systèmes anti-aériens servis pas des conseillers russes en Syrie. Ce n'est pas le lieu de revenir ici sur le bouclier anti-missile que les États-Unis installent en Europe orientale et en Mer Baltique (ligne de guerre balistique à laquelle le président Hollande a cru bon d'associer la France, merci à lui !), cependant chacun conviendra que les différentes pièces du puzzle ne prennent sens que considérées simultanément, toutes ensemble.
Si les Russes ont effectivement (?) déployé de leur côté des missiles d'interception hyper-sonniques S300 en Syrie (3), l'on comprendra aisément que nous assistons à une réelle escalade à bas bruit. Les États-Unis - au pied de leur vertigineuse falaise d'endettement de quelque 20 mille milliards de dollars - trouvent apparemment encore les moyens de préparer de rudes confrontations... parce qu'inéluctablement, au poker, vient un moment où, volens nolens, il faut abattre ses cartes ! La guerre de Syrie est depuis le départ une guerre de l'Otan, soit une guerre occidentaliste destinée à battre en brèche les dernières positions de l'ex-Union soviétique ou en tout état de cause, d'empêcher la nouvelle Russie de retrouver les positions perdues. Las le régime syrien ne s'est pas effondré comme il eût dû le faire, le temps passe et sauf à choisir l'issue d'une sortie négociée de cette crise, les semaines et les mois font inéluctablement, mécaniquement monter les enjeux et les risques.
Les déploiements de "Patriot", mais pas seulement, le prolongement du conflit syrien, la menace du recours à la guerre chimique, entraînent en effet une surenchère et une militarisation croissante de la Région : des troupes américaines et leurs postes de commandement sont maintenant établis en Jordanie et en Israël et se trouvent étroitement coordonnés avec les dispositifs militaire encerclant l'Iran... et avec ceux de l'Armée de Défense d'Israël comme cela a été révélé en octobre 2012 à l'occasion des manœuvres anti-balistiques israélo-américaines conduite dans le désert du Néguev(4). Chacun aura compris au bout du compte que les moyens de défense sont d'usage biunivoque et par conséquent sont autant défensifs qu'offensifs.
Réaliste, le chef d'état-major général des forces armées iraniennes, le général Hassan Firouzabadi, déclarait le 15 décembre [Irna/AFP] que la présence de batteries antimissiles aux frontières de la Turquie et de la Syrie préparait « le terrain à une guerre mondiale »... « Les pays occidentaux, en cherchant à installer des Patriot à la frontière turco-syrienne, ourdissent des plans pour une Guerre mondiale. C'est extrêmement dangereux pour l'humanité et même pour l'Europe ». À bon entendeur salut ! Alors que faut-il penser des déclarations rassurantes faites à l'Université de Haïfa, le 26 décembre 2012, par Amos Yadlin, ancien patron d'Aman - le Service de renseignements de Tsahal - jugeant que « la politique de dissuasion d'Israël à l'égard de l'Iran fonctionnant parfaitement bien... la probabilité d'un conflit impliquant Israël en 2013 est de sorte très faible » ?
Léon CAMUS. Rivarol du 11janvier 2013
❄ Les deux blocs en guerre perpétuelle dans le 1984 de George Orwell. Oceania désigne clairement l'empire des Mers, soit la thalassocratie anglo-américaine, et Eurasia, la puissance continentale. Ici d'un côté, le Bloc constitué par l'Alliance euratlantique, la Ligue arabe et la Turquie, lequel "confronte" en Syrie le Bloc Russie, Chine... et virtuellement l'Inde.
1. Michel Chossudovsky, professeur à la faculté des Sciences sociales de l'Université d'Ottawa « Hidden US-Israeli Military Agenda : Break Syria into Pièces » Global Research 16 juin 2012.
2. Jonathan Spyer « Vétéran Kurdish politician calls on Israël to support the break-up of Syria » The Jérusalem Post, 16 mai 2012.
3. En réaction au déploiement de missiles "Patriot", Moscou se serait décidé à livrer à la Syrie des missiles balistiques Iskander (Alexandre le Grand), à courte portée (50 à 450 km) mais d'une extrême précision et susceptibles d'emporter à la vitesse de Mach 6 ou 7 une charge utile de 680 kg, conventionnelle ou nucléaire. Par ailleurs, la Russie a doté la Syrie du système de défense anti-aérienne multicibles Pechora-2M dont l'efficacité s'étend aujourd'hui aux missiles de croisière.
4. « Tsahal à Berlin » suivant des « sources extrêmement fiables » : « un poste de commandement conjoint israélo-américain est en cours de mise en place sur la base américaine de Patch Barracks à Stuttgart en Allemagne », base qui abrite l'État-Major des forces yankees en Europe. À cela s'ajouteraient « des dizaines d'ingénieurs français et américains arrivés en Israël ces dernières semaines ». < http://jssnews.com/2012/01/07/des-preparations-majeures-en-cours-dans-tout-le-proche-orient-sources-extremement-fiables/ >.
Chronique de la guerre périphérique… entre Océania et Eurasia❄
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