Le site francophone La voix de la Russie a publié en deux temps, les 28 et 30 novembre, l’entretien que leur a accordé Bruno Gollnisch le mois dernier. Nous le reproduisons ici in extenso. Coïncidence des dates, l’édition anglaise du célèbre quotidien de l’ère soviétique, La Pravda, mettait en ligne sur son site le 27 novembre un entretien avec Jean-Marie Le Pen, dont la traduction française est disponible sur le site NPI -http://www.nationspresse.info/?p=194604. Une occasion de constater une nouvelle fois la convergence de vue entre le président d’honneur du FN et Bruno sur les questions géopolitiques notamment : les révolutions arabes, le rôle et le poids des Etats-Unis, la Russie et l’UE…
« Militairement affirme ainsi Jean-Marie Le Pen dans La Pravda, les Etats-Unis cherchent à nuire au positionnement des autres puissances régionales telles que la Russie. On le voit aujourd’hui en Syrie où s’affrontent à l’ONU les conceptions russes et chinoises du respect des pouvoirs établis et le soutien américain et occidental des insurrections aux motivations le plus souvent extrémistes et dangereuses. Ces insurrections ont conduit au pouvoir en Tunisie, en Égypte et en Libye des islamistes et amené en Irak l’anarchie et un éclatement ethnique complet (…). »
« Comme un des slogans des rebelles syriens l’illustre : les chrétiens au Liban et les alaouites au cimetière . Mais les soutiens occidentaux de la subversion préfèrent alors se boucher les oreilles…La politique russe en la matière est bien plus censée : elle respecte la souveraineté et l’intégrité des Etats tout en étant réaliste puisque préférant la stabilité au chaos. »
Le président d’honneur du FN souligne également qu’il « milite pour la réalisation d’un ensemble harmonieux et animé par la volonté d’un destin commun sur l’ensemble de l’espace boréal, allant de Brest à Vladivostok. La Russie et les Europes centrale et occidentale ont de nombreux points communs et de nombreuses convergences d’intérêts. »
« Face à un monde de plus en plus instable poursuit-il, en pleine explosion démographique alors que nous connaissons pour notre part un hiver démographique sans précédent et suicidaire, il est certain que notre civilisation européenne y trouverait un outil de salut. Mais il n’en va pas de l’intérêt de ce qui reste la première puissance mondiale, les Etats-Unis, ni des firmes internationales, il est donc évident que les castes aux pouvoir s’y opposeront de toutes leurs forces… »
Vous lirez ci-dessous, le contenu de l’entretien réalisé par La voix de la Russie avec « l’un des cadres parmi les plus importants » du FN, Bruno Gollnisch
Laurent Brayard, La Voix de la Russie : Bonjour Monsieur Bruno Gollnisch, vous êtes député européen et Conseiller régional de Rhône-Alpes, vous avez été député du Rhône et vous êtes l’un des personnages politiques parmi les plus influents au Front National dirigé par Madame Marine le Pen. Votre parcours d’études et universitaire est très brillant et vous êtes titulaires de nombreux diplômes, en plus d’être un spécialiste avéré et reconnu de l’Extrême-Orient. Ai-je bien résumé ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous-mêmes ?
Bruno Gollnisch :Voilà un résumé flatteur, et j’aimerais avoir la notoriété et l’influence que vous me prêtez !
Disons, pour préciser votre présentation, que j’étais d’abord un juriste, spécialisé en droit public, international et comparé. Et, en particulier, dans le droit des pays. J’ai exercé un temps la profession d’avocat. L’essentiel de ma carrière est cependant universitaire, en droit international et comparé et surtout en relation avec l’Extrême-Orient, et notamment le Japon.
Mon engagement politique a commencé à travers le drame de l’Algérie française. Etudiant à Nanterre en 1968, j’ai été secrétaire général de la Fédération nationale des Etudiants de France, opposée aux mouvements gauchistes qui faisaient rage à l’époque dans l’université française. Ce n’est qu’en 1984, alors doyen de la faculté de langues de Lyon, que j’ai officiellement rejoint Jean-Marie Le Pen et le Front National. Sans cesser d’enseigner, j’ai par la suite exercé diverses fonctions dans le mouvement (secrétaire général, délégué général, vice-président…) ainsi que les mandats que vous mentionnez.
Je suis également officier de réserve dans la marine nationale.
La Voix de la Russie : C’est au député européen que je m’adresse, vous occupez un siège dans le parlement européen depuis 1989 et votre expérience est donc très importante. Vous n’êtes pas sans savoir les événements qui secouent l’Europe notamment la crise monétaire dans la zone euro, que pensez-vous de cette situation ? L’Europe peut poursuivre et surmonter cette lame de fond ?
Bruno Gollnisch :Nous avons dès 1992 (traité de Maastricht), été hostiles au projet de monnaie unique. D’abord, bien évidemment, parce qu’elle prive les nations d’un de leurs principaux attributs de souveraineté : le droit de battre monnaie. Ensuite pour son irrationalité économique : l’euro a été conçu comme un outil idéologique supposé mener mécaniquement à une union politique, et qui n’a au bout du compte profité qu’à l’Allemagne.
Ce qui devait arriver est arrivé : un choc extérieur ayant des effets asymétriques sur les Etats membres de la zone euro a encore amplifié les divergences et mené à la catastrophe.
Aujourd’hui, la crise sert de prétexte à la mise sous tutelle des souverainetés budgétaires et fiscales nationales, au nom d’une prétendue « gouvernance économique », à travers pas moins de huit textes, un Pacte et un nouveau traité.
L’euro monnaie unique ne peut pas fonctionner sans la création d’un super-Etat européen doté d’un budget important, ce que les peuples européens refusent, ou du moins refuseraient massivement si on leur demandait leur avis. C’est pourquoi nous proposons d’organiser une sortie concertée de l’euro et un retour aux monnaies nationales. Afin d’éviter le pire.
La Voix de la Russie : L’Europe semble déjà à la limite de l’implosion, d’autres candidats restent toutefois sur les rangs, malgré que certains pays renoncent à une entrée dans la zone monétaire européenne, pour le moment. Dans les Balkans, nous pensons aux candidats potentiels qui voudraient sans doute pousser les portes de l’Europe, et nous connaissons la dualité qui existe en Ukraine, et en Moldavie sur la tentation européenne. De votre avis, où l’Europe dite des Nations doit-elle s’arrêter ?
Bruno Gollnisch : Une véritable Europe des Nations souveraines, fondée sur des coopérations ciblées, concrètes et mutuellement profitables, au choix et selon les intérêts de chaque Etat, et sans institutions bureaucratique supranationale, a vocation à s’étendre à l’ensemble des pays d’Europe. J’entends par Europe une aire géographique définie, et pour paraphraser De Gaulle, de peuplement majoritairement blanc, de culture gréco-latine et de religion chrétienne. La Russie y aurait sa place, mais pas la Turquie.
En revanche, l’Union européenne telle qu’elle est conçue et qu’elle évolue est une prison des peuples et des nations. Je comprends bien que pour certains Etats, l’appartenance à l’Union est un mirage financier et économique et reste un gage d’ancrage définitif à l’Europe occidentale et aux Etats-Unis. Mais je ne saurais trop mettre en garde ces pays sur la perte d’indépendance et d’identité que cela représente. Les coûts sont énormes pour des avantages très temporaires. Les Grecs, les Irlandais, les Portugais en ont fait l’amère expérience.
La Voix de la Russie :Il y a peu nous avons vu le cas difficile des Roms, les expulsions, mais aussi les émeutes à Amiens qui montrent une fois encore que les migrants sont mal intégrés à la société française ou tout simplement ce qui est moins dit, n’ont pas l’intention avérée de se fondre dans la civilisation française, pensez-vous que la France et l’Europe d’ailleurs, sont en mesure de régler ce problème de fond ?
Bruno Gollnisch :C’est effectivement un grave problème : les nouveaux immigrants, et même les enfants des vagues d’immigration non-européenne précédentes, revendiquent désormais haut et fort leur non intégration, la pratique du mode de vie de leur pays d’origine, voire le respect de ces pratiques par les populations autochtones. Certains vont jusqu’à exprimer leur haine de leur pays d’accueil par la violence terroriste.
La résolution de ce problème passe d’abord par un arrêt de l’immigration ; ensuite par une réforme de notre code de la nationalité que l’on doit fonder sur la filiation, ce que l’on appelle le « droit du sang » ou la manifestation expresse d’une volonté de naturalisation étayée par des preuves concrètes d’assimilation. Et enfin, il faudra bien songer à mettre certains immigrés devant leur contradiction : si le pays qui les a accueillis est cet enfer raciste et discriminatoire qu’ils se plaisent à décrire, qu’ils n’hésitent pas à rentrer chez eux, nous ne les retenons pas !
La Voix de la Russie : Avec les printemps arabe, nous avons vu dans l’actualité une recrudescence de naufrages de coques de noix, les nouveaux « Boat-peoples », ainsi que l’arrivée massive de migrants dans les îles italiennes de Méditerranée, Lampedusa est souvent citée, pensez-vous que la France pourrait être en mesure de refonder la protection de ses frontières ?
Bruno Gollnisch : Rétablir les contrôles aux frontières intérieures de l’Union européenne est une priorité et ce n’est qu’une question de volonté politique. Cela a été fait, sous couvert des clauses de sauvegarde « Schengen », au moment des débarquements massifs à Lampedusa que vous évoquez. Ce rétablissement des contrôles aurait d’abord un effet dissuasif : tout candidat à l’immigration illégale sait aujourd’hui qu’une fois entré en n’importe quel point de l’Union européenne, il peut facilement « se fondre » dans la nature et arriver dans le pays qu’il souhaite. Expulsé, le cas échéant, il est d’abord renvoyé dans le pays d’entrée, c’est-à-dire toujours dans l’Union européenne. C’est un système absurde.
La Voix de la Russie :Il existe un problème de visa actuellement entre la France, l’Europe et la Fédération de Russie, je suis moi-même « victime » de cette situation, les citoyens russes ayant de la peine à obtenir les fameux visas, notamment de tourisme, et les citoyens français au moins autant à obtenir les sésames pour venir dans la Fédération de Russie. Il a été souvent question des négociations entre l’Europe et cette dernière quant à l’abolition du régime des visas, j’entends bien sûr de tourisme, mais les choses trainent en longueur depuis des années, que pensez-vous de ce problème ?
Bruno Gollnisch : Il est en effet absurde qu’une libéralisation des visas de court séjour ait été obtenue par des pays comme l’Albanie et n’avance pas plus vite avec la Russie. Ceci posé, je crois que pour le bien de chacun, des visas devraient rester requis pour des séjours plus longs et d’autres raisons de voyage : la prise en compte des convenances personnelles part sans doute d’un bon sentiment, mais je ne fais pas partie de ceux qui croient que la liberté totale et sans contrôle de circuler et de s’installer où bon lui semble fasse partie des droits imprescriptibles de l’homme. Question de cohérence. Chaque Etat souverain doit pouvoir décider qui et à quelles conditions peut entrer et séjourner sur son territoire.
La Voix de la Russie : Je ne sais pas si vous connaissez la Russie ou certains pays de l’espace ancien de l’Union Soviétique, mais en tant qu’habitant de la Russie et de Moscou, j’ai souvent l’impression que la France prend à la légère la Russie et qu’une incompréhension regrettable est présente entre les deux mondes. De votre avis personnel, les relations franco-russes ne devraient-elles pas faire l’objet de plus d’attention de la part de la France ? Quelle est l’opinion générale au Front National, sur le thème de la Russie ? Ne devrait-elle pas se trouver un partenaire plus étroit de la France ?
Bruno Gollnisch : Vous prêchez un convaincu ! Ma sympathie pour la Russie est sans doute un héritage de famille : mon arrière-grand-père, ministre des affaires étrangères à la fin du XIXème siècle, a été l’initiateur de l’alliance franco-russe !
Je pense que la Russie aurait toute sa place dans une Europe des Nations. Nous avons besoin d’elle pour équilibrer la prépondérance excessive de Washington, lutter contre le Mondialisme, concevoir ensemble des projets de développement scientifiques, culturels, énergétiques, industriels.
Je reste effaré de l’hostilité manifestée au Parlement européen à la Russie qui semble être devenue un adversaire au moment où elle cessait d’être l’Union soviétique, et surtout depuis l’accession de Vladimir Poutine au pouvoir. Trop patriote sans doute aux yeux de gens qui ne jurent que par la mondialisation heureuse et l’indifférenciation des peuples.
La Voix de la Russie : Ma dernière question portera sur les événements syriens et des printemps arabes, vous n’êtes pas sans ignorer non plus la divergence de position entre la France et la Russie sur ce point. J’aimerais que vous nous donniez personnellement votre sentiment à vous, sur la crise terrible qui secoue la Syrie et sur la politique qui a été menée et qui est menée par les gouvernements français, notamment de Messieurs Sarkozy et Hollande ?
Bruno Gollnisch : Sur ces questions, nous avons encore été ceux qui ont alerté sur les conséquences prévisibles de ces printemps arabes, déjà devenus quasi-hivers islamistes. Nous pensons que le gouvernement français joue avec le feu dans cette tentative de déstabilisation de la région. Je remarque au passage la schizophrénie dudit gouvernement, qui prétend combattre avec la plus grande fermeté l’islamisme radical en France mais soutien, directement ou indirectement, les djihadistes à l’étranger, y compris des « Français » venus en Syrie faire la guerre sainte et instaurer un régime fondé sur la Charia.
Certes, le régime de Bachar el-Assad n’est pas un exemple de démocratie parlementaire, mais il me semble qu’il est perfectible. Il n’était pas hostile à « l’Occident », il a assuré jusqu’à récemment la stabilité des communautés vivant sur son territoire et notamment garanti aux communautés chrétiennes, parce qu’il est laïc, une tranquillité sans équivalent aujourd’hui en Orient. C’est une problématique à laquelle je suis particulièrement sensible.
Tout n’est pas noir ou blanc, comme on voudrait nous le faire croire, et l’attitude mesurée des Etats-Unis et d’Israël sur ce dossier devrait alerter même les plus obtus de nos politiciens.
Laurent Brayard, La Voix de la Russie : Monsieur Bruno Gollnisch, il ne me reste plus qu’à vous remercier d’avoir bien voulu répondre à nos questions pour La Voix de la Russie et d’avoir donné à nos lecteurs un peu de votre temps, nous vous en remercions chaleureusement et nous espérons parfois vous retrouver parmi nos lecteurs ! Merci à vous.
Bruno Gollnisch : C’est moi qui vous remercie.