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J.-F. Mattéi : Mariage pour tous : le combat perdu de la Raison

L’article de Madame Hervieu-Léger, "Mariage pour tous. Le combat perdu de l’Église", est aussi intéressant par ce qu’il dissimule que par ce qu’il exprime. Je voudrais souligner les oublis d’une thèse qui n’est pas examinée en son fond.

1. L’auteur insiste uniquement sur l’intervention de l’Église et passe sous silence l’opposition des autorités musulmanes et juives. Ce ne sont pas les seuls catholiques, mais des personnes de choix religieux et politiques différents qui s’opposent à un projet dont l’enjeu est l’homoparentalité. On s’étonne que l’article fasse peu allusion à ce néologisme forgé pour compenser la véritable parenté.

2. La famille composée d’un homme, d’une femme et des enfants, ne serait pas une "institution naturelle", mais une production du christianisme. C’est oublier les mariages dans les autres civilisations. Seule la famille hétérosexuelle existait en Grèce et se trouvait justifiée par les philosophes. Aristote voyait la communauté naître à partir du couple, "deux êtres incapables d’exister l’un sans l’autre, la femme et l’homme en vue de la procréation. Il ne s’agit pas d’un choix réfléchi, mais d’une tendance naturelle à laisser après soi un autre semblable à soi" (Politique, I, 2) Et Platon écrivait dans Les Lois (636 c) : "Lorsque le sexe masculin et le sexe féminin s’accouplent en vue d’avoir un enfant, le plaisir qui en résulte semble leur être accordé conformément à la nature. Tandis que l’accouplement d’hommes avec des hommes et de femmes avec des femmes est contre-nature".

3. Madame Hervieu-Léger soutient que l’Église aurait fondé son modèle du mariage et de la parenté sur ce prétendu "ordre de la nature". Il serait ainsi en "conflit" avec d’autres modèles. Mais ces autres modèles, divers dans le temps et l’espace, impliquent tous l’union sexuée d’un homme et d’une femme. Pourquoi alors modifier un modèle qui permet à la société de se reproduire ?

4. Le modèle hétérosexuel actuel serait la soumission du civil au religieux, le code Napoléon ayant conservé l’ordre ancien. Mais pourquoi celui-ci ne tirerait-il pas sa permanence de la nature, si l’on est aristotélicien, ou de la culture, si l’on est anthropologue ? Le mariage tahitien traditionnel acceptait la polygamie et la polyandrie. Doit-on l’inscrire dans le droit de la Polynésie française ?

5. Trois mouvements convergeraient pour "dissoudre ce qui restait d’affinité élective dans la famille". Le fait de l’exigence homosexuelle imposerait au droit la dissolution de la famille. Curieuse manière de raisonner que de justifier le droit par le fait. On pourrait aussi ouvrir le mariage aux pères qui épouseraient leur fille puisque l’inceste est un fait. Le mariage pour tous n’interdirait à personne le droit d’assouvir ses désirs.

6. Le premier mouvement est l’essor démocratique qui impose l’égalité des conditions. Que la revendication du mariage entre dans "la sphère de l’intimité conjugale" est un fait : il faut donc légiférer en faveur de ce fait désormais normatif. On fait peu de cas du constat de Marcuse dans Raison et révolution : "L’appel aux faits remplace l’appel à la Raison. Le fait du pouvoir pur et simple devient le vrai dieu de l’époque et, au fur et à mesure que ce pouvoir s’accroît, la soumission de la pensée au fait s’accentue".

7. Le deuxième mouvement est la suppression de "l’assimilation de la "famille naturelle" et de la "famille biologique"". La science mettrait en effet en cause "l’objectivité des lois de la nature". Cette contestation des lois physiques ne repose sur aucun argument. En dépit de l’auteur, il y a des lois universelles que la science établit rationnellement, et c’est la nature biologique qui commande l’union reproductive d’un homme et d’une femme.

8. Le troisième mouvement est "le découplage entre le mariage et la filiation". On ne se demande pas si c’est un progrès ou une régression. De sorte que "ce n’est plus désormais le mariage qui fait le couple, c’est le couple qui fait le mariage". L’auteur omet de reconnaître, en se limitant au mot "couple", que c’est le couple hétérosexuel qui fait la parenté, que ce soit dans le mariage ou hors de lui.

9. L’égalité des droits dans les couples, la déconstruction de l’ordre naturel, et la légitimité du mariage sans tenir compte du sexe, font l’économie d’une démonstration. Le droit de se marier est admis parce que c’est une "exigence irrépressible" des homosexuels. Mais le modèle marital virtuel, loin de confirmer l’originalité des pratiques LGBTQI (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transsexuels, Queer et Intersexe), plagie le modèle hétérosexuel réel du mariage et de la filiation.

10. Les seules possibilités homosexuelles d’avoir une famille seront l’adoption et l’usage de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) ou de la Gestation Pour Autrui (GPA). Mais les enfants de ces couples proviendront toujours de l’union sexuée entre un homme et une femme, c’est-à-dire d’un spermatozoïde, gamète mâle, et d’un ovule, gamète femelle.

11. Quand Madame Hervieu-Léger conclut que l’adoption homosexuelle deviendra "le paradigme de toute parentalité", elle parodie la thèse de fond des gender studies : "ce qui est en cause, c’est l’hétérosexualité en tant que norme. Il nous faut essayer de penser un monde où l’hétérosexualité ne serait pas normale".

12. Il n’y a pas de normalité, mais l’homosexualité sera plus normative que l’hétérosexualité. Que deviendront les figures du père et de la mère ? Pensons à l’amour de Camus pour sa mère. Orphelin de père, il était en "Recherche du père", dans Le Premier homme, en écho à Nietzsche : "Quand on n’a pas de bon père, il faut s’en donner un". On peut douter qu’un couple de même sexe mette un enfant en situation de rechercher son père, quand il aura deux mères, ou de trouver sa mère, quand il aura deux pères.

Jean-François Mattéi - Le Monde

http://www.actionfrancaise.net

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