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Marx on t'a eu Keynes on t'aura

 

130220

Les nouvelles générations l'ont presque oublié : un quart de siècle s'est écoulé depuis l'ère Gorbatchev. Entre 1985 et 1991, l'URSS et le bloc soviétique s'effondraient. Dans les dernières années du système certains cherchaient à sauver, en même temps que les privilèges des maîtres du régime, les lambeaux de la théorie marxiste. Aujourd'hui, globalement, s'il existe encore des adeptes des idées professées autrefois par le vieux révolutionnaire barbu du British Museum, on n'en rencontre plus guère, fort heureusement, parmi les gens qui se veulent économistes. Pratiquement aucun de ceux qui s'emploient encore, ou à nouveau, à réhabiliter l'idée communiste ne se réclament de cette discipline. Ils se veulent philosophes, sociologues, moralistes, voire fiscalistes, et nous ne leur dénierons surtout pas cette dernière qualité (1)⇓.

Mais du point de vue de la théorie économique, Marx est mort.

Or, le pendant de son magistère était exercé en France par John-Maynard Keynes. La faillite théorique de ses doctrines ne fait plus l'ombre d'un doute dans la plupart des pays occidentaux, mais elles semblent se porter comme un charme dans le nôtre. Leur rôle consistant à justifier systématiquement l'intervention de l'État, elles plaisent à la fois à la classe politique et à sa clientèle d'obligés.

On serait aujourd'hui tenté de rire, à propos de la manière dont les médias de l'Hexagone relatent à cet égard les prétendus "débats globaux" sur la croissance, qu'il s'agisse du G20, du Forum de Davos ou, plus modestement quand on parle du Budget européen.

Toujours Keynes et le keynésianisme : la dépense publique et les déficits sont présentés comme s'ils assuraient le dynamisme de l'économie et la prospérité. Cela convient très bien à nos dirigeants dont la devise consiste à dire "je dépense donc je suis".

Leur conception de la solidarité s'exprime d'ailleurs de la même manière : "un pour tous, tous pour un et dix pour cent".

On doit bien se persuader en effet que, 25 ans après la mort clinique de son homologue de l'Est, l'idéologie keynésienne reste encore, parallèlement aux petits arrangements politiciens, ce qui tient encore lieu de pensée à nos adeptes de ce qu'on appelait la technocratie. Ses partisans particulièrement puissants en France agitent toujours leurs concepts plus fumeux que trompeurs. Ils stigmatisent l'austérité. Ils parlent de la croissance comme s’il s'agissait d'un phénomène physique régi par certains mécanismes obscurs. Tels certains Papous de Nouvelle Guinée "espérant" le retour dans le ciel des avions cargos, ils attendent de la consommation insolvable et des gaspillages publics, financés à crédit, qu'ils "relancent" l'activité productrice.

Les commentateurs agréés sur la place de Paris aiment à rajouter aujourd'hui encore une couche d'incompréhension à leur nébuleuse d'inconnaissance.

Naguère en effet, autour du troisième quart du XXe siècle, on divisait la sphère idéologique autorisée en deux catégories : les uns, parlant d'économie, étaient en général supposés adeptes du matérialisme marxiste. On disait que, parmi eux, les optimistes apprenaient le russe et les pessimistes le chinois. Il fallait alors convenir, sous peine de passer pour un esprit rétrograde dangereux, réactionnaire, peut-être même fasciste, que le régime communiste de gestion industrielle manifestait la plus grande efficacité. La planification rationnelle des ressources permettait, croyait-on, de pourvoir à l'allocation la plus judicieuse du capital productif, une fois les propriétaires privés des moyens de production chassés de la gestion des entreprises. Ce système était supposé devoir l'emporter dans le monde entier car il investissait dans la recherche et les techniques d'avenir. À peine concédait-on aux États-Unis le droit de faire exception, l'hypothèse de demeurer "un cas à part" dans l'évolution humaine, inéluctablement collectiviste.

Ceux qui, au contraire, s'opposaient à l'URSS ou à la révolution maoïste, invoquaient des raisons tout à fait différentes. Assez éloignées de l'économie, elles peuvent surprendre de nos jours. On préférait certes la démocratie libérale à la dictature stalinienne du Parti Unique, mais attention à ne pas aller trop loin sous peine de passer pour un dangereux extrémiste. Aujourd'hui encore il reste impardonnable d'avoir appartenu au Mouvement Occident. On admirait Tito pour avoir tenu tête au bloc soviétique mais surtout pour avoir développé un soi-disant modèle de socialisme autogestionnaire en Yougoslavie, mais personne ne voulait imaginer l'éclatement de ce pays lui-même après la mort du dictateur.

Comme tout cela, de nos jours peut paraître dérisoire ! désuet ! à peine croyable pour les jeunes générations !

Et pourtant on écoute encore comme un oracle un Michel Rocard, qui dirigeait le PSU, réceptacle de toutes ces fadaises. Ayant fait carrière depuis comme Premier ministre de Mitterrand (1988-1991) il n'a pas cessé de se tromper (2)⇓ et de contribuer à induire en erreur toute la classe politique qui l'admire, y compris à droite grâce au relais d'Alain Juppé.

Encore et toujours le duopole de Marx et de Keynes. (3)⇓.

Oui, décidément, Marx on t'a eu Keynes on t'aura !

JG Malliarakis http://www.insolent.fr/

Apostilles

  1. ... encore que le mot contienne une part d'ambiguïté selon qu'il désigne un partisan du plus d'impôt ou un conseiller spécialiste de l'optimisation fiscale.
  2. Sauf sur un point : celui des Retraites, mais en ce sens seulement qu'il comprit, en 1990-1991, au moment de sa démission et de la publication de son Livre Blanc que cette question demeurerait la plaie de la politique française. Il n'a évidemment jamais eu le courage de remettre en cause la retraite par répartition.
  3. Le maître des études d'Histoire de la pensée économique s'appelait Henri Denis. Professeur à la faculté de Droit et de Sciences économiques de Paris, il sévissait bien au-delà de son cours donné rue d'Assas en sa qualité d'auteur du manuel incontournable de la collection Thémis. On pouvait prétendre connaître la matière en ne connaissant guère que les familles marginalistes ou "classiques", certes, pour le passé, et pour le XXe siècle la descendance de Marx et celle de Keynes. À peine entendait-on prononcer les noms de l'école autrichienne après Böhm-Bawerk (supposé avoir tenté de réhabiliter le capital en tant que détour de production") : pas de Hayek par de Ludwig Von Mises, surtout pas de droit naturel et motus sur l'existence même de Frédéric Bastiat : pensez donc un théoricien non socialiste s'exprimant en français, et tournant le dos à la conception matérialiste de la production au point de prendre en compte les services. Chassez cet ultralibéral que je ne saurais voir. Un fantaisiste. Je suis donc assez heureux, quoique ce fût, comme pour Jules Monnerot, seulement Ad Majorem Dei Gloriam, d'avoir réédité une partie de l'œuvre de Bastiat.

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