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Un jour noir pour la gauche de la gauche

Ce 5 mars 2013 aura décidément représenté un jour assez sombre pour la gauche la plus intelligente du monde. À Paris, il faisait un temps magnifique. Pour les hommes épris de liberté, et même pour les trotskistes, on aurait pu fêter le 60e anniversaire de la mort de Staline. (1)⇓ Ne parlons même pas du record historique de la bourse de New York, effaçant les pertes liées à la crise des obligations pourries et à la faillite de Lehman Brothers de 2008.

En fin de soirée on apprenait la disparition d’Ugo Chavez. Voilà qui a tout gâché. La réaction de Mme Christiane Taubira en témoigne. Gardienne de l'État de droit au royaume de François Hollande, elle s'est crue obligée de proclamer : "Amitié et respect au peuple du Venezuela qui dit son cœur brisé et ses craintes du retour hardi des injustices et exclusions." (2)⇓

Dans la journée, un autre deuil, sans trop de gravité pour le gouvernement : l'échec de la mobilisation de la CGT et de ses comparses contre l'accord du 11 janvier sur la réforme du marché du travail.

On le sait la différence entre le sigle CGT et le cancer général du travail vient seulement de ce que le cancer évolue, et pas la CGT.

Il a fallu attendre en effet une heure de défilé au journaliste du Monde pour qu'il note, à 15 h 27, le "premier slogan anti exécutif" : "Hollande si tu continues, la classe ouvrière te bottera les fesses". (3)⇓ Pas bien méchant. On continue de ménager ce pouvoir d'une main, en le harcelant de l'autre. Prudemment le frère Mailly déclare attendre l'avis du conseil d'État. Or, le gouvernement ne l'a pas encore publié. D'ailleurs le secrétaire confédéral de Force ouvrière, tout en défilant et en posant pour la photo aux côtés du dirigeant cégétiste ne demande pas formellement le retrait du texte : "On verra demain le texte qui sera présenté en conseil des ministres" déclare-t-il.

On ne peut que hausser les épaules quand on entend que FO et la CGT revendiquent 200 000 manifestants. On doit d'ailleurs considérer, de toute manière, ce chiffre inflaté lui-même comme dérisoire si on le rapporte aux 174 défilés organisés par les quatre centrales syndicales sur toute la France.

À 16 heures, le dernier manifestant avait quitté la place du Châtelet.

L'UNEF, la FSU et Sud clôturaient le cortège.

C'est la CGT de l'Assistance publique des Hôpitaux de Paris qui est là en nombre et qui crie pratiquement le plus fort.

Mais ni les étudiants de l'UNEF, ni les enseignants de la FSU, ni les postiers ou les cheminots de SUD, ni les hospitaliers de la CGT ne sont concernés par l'accord du 11 janvier.

Globalement, les manifestants CGT apparaissaient certes, et de très loin, plus nombreux que ceux de Force Ouvrière.

Cependant la présence de FO, Mailly bras dessus bras dessous avec le camarade Thibault, sert d'alibi.

L'appareil cégétiste et les communistes, doivent être considérés comme les véritables instigateurs du rassemblement : à 13 h 44, sur le pont au Change, les deux camarades Bernard Thibault et Pierre Laurent flanqués de leurs gardes du corps échangeaient les dernières consignes. Le parti, abrité cette fois derrière le front de gauche, s'était déjà retrouvé le 27 février devant le Sénat quelques jours auparavant. "300 partisans" (4)⇓. avaient pu faire pression sur la Haute Assemblée : 174 sénateurs contre 172 avaient ainsi voté l'amnistie légale des casseurs activistes de gauche.

FO, rappelons-le, regroupe traditionnellement plutôt des fonctionnaires. Et quand la CGT parvient à mettre en avant des manifestants issus des salariés du privé, il s'agit surtout de délégués syndicaux.

Autre détail étonnant : tous les médiats évoquent les "quelques députés" socialistes qui soutenaient la manif ou qui s'apprêteraient à votre contre le texte. Or, cette fraction semble minuscule. On ne cite jamais que 2 ou 3 noms. Toujours les mêmes.

Ne crions cependant pas victoire trop vite ni trop fort. Certes, les damnés de la Terre ne se dressaient pas debout : la démobilisation de tout ce beau monde en ce premier beau jour, tient peut-être aussi… aux vacances de neige. On le murmurait dans le cortège.

En regardant défiler les photos, on ne sait d'ailleurs plus très bien si on a affaire à des intermittents de la mobilisation ou à des permanents du spectacle.

JG Malliarakis  http://www.insolent.fr/

Apostilles

  1. Le même jour, 5 mars 1953, mourait Serge Prokofiev.
  2. cf. son gazoullis sur Twitter
  3. cf. l'envoyé du Monde
  4. Ce chiffre fort généreux était donné par Le Monde en ligne le 27 février à 21 h 27

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