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De l'apprenti Valls et de la leçon du maître Fouché

130327Le ministre Valls sera peut-être appelé à un grand avenir. Républicaine par excellence sa fonction s'inscrit, en tout état de cause, dans une riche tradition. Il compte en effet, parmi ses précurseurs, un homme que Bonaparte avait fait duc d'Otrante : Joseph Fouché le servira, à nouveau, pendant les Cent Jours de 1815 en qualité de ministre de la police générale.

Je ne résiste pas à la tentation d'évoquer ce sinistre et machiavélique personnage.

Finissant actuellement la correction des épreuves de la réédition de l'Histoire magistrale, et si éclairante de Crétineau-Joly (1)⇓, j'y trouve la lettre qu'écrivit ce ministre le 15 avril 1815, à Paul Bovet, son agent supérieur dans l'Ouest. Il y évoque en effet la manipulation de la résistance royaliste à la folle aventure des Cent Jours.

"Il ne s'agit pas, de faire armer seulement les populations les unes contre les autres ; cela ne conduirait à rien : ce qu'il faut, c'est, en cas de chute de ce qui existe, de se trouver sur ses pieds pour donner aux vrais principes de la Révolution l'aide que l'Empereur est impuissant à réaliser, et que le roi de Gand, malgré ses finesses, n'osera jamais consacrer. Il ne faut pas que la Vendée redevienne terrible, mais il n'est pas mal qu'elle se montre sur quelques points prête à repousser la force par la force. De ce choc, qui ne produira que des secousses et jamais une insurrection, naîtra nécessairement l'affaiblissement progressif des deux.

Alors nous serons plus à notre aise pour amener un ordre de choses plus conforme à nos vœux.

Le duc d'Orléans est un moyen de composition entre les extrêmes : Dumouriez l'a rêvé longtemps. (2)⇓. L'Europe s'arme contre l'Empereur ; il succombera inévitablement, il sent déjà le cadavre. La branche aînée n'offre pas de sécurité aux intérêts révolutionnaires ; nous devons donc nous jeter ailleurs. Le duc d'Orléans est bien disposé, il acceptera la couronne aux conditions qui lui seront imposées ; il a de l'ambition et des antécédents parfaits. Travaillez donc la Vendée, inquiétez-la ; mais ne prenez jamais de mesures complètes, ne brûlez jamais nos vaisseaux ni dans un camp ni dans un autre. Il y a des haines au fond de tous les cœurs, faites-les vibrer en paroles ; jamais en actions, si c'est possible c'est le plus sûr moyen de les affaiblir et de les tuer. Fatiguez les soldats par des marches sans but, démoralisez les généraux ; prenez langue chez les officiers vendéens, favorisez le départ de ceux qui voudront aller sentimentalement à Gand.

Parlez de moi en bons termes, comme d'un esprit revenu des erreurs sans-culottes, acceptant franchement la monarchie, estimant les Royalistes ; dites que j'ai de nombreux amis parmi eux mais surtout par tous les moyens possibles évitez que l'Ouest ait recours à une insurrection. Les armées combinées de l'Anjou, du Poitou, de la Bretagne et du Maine pourraient marcher sur Paris quand l'Empereur n'y sera plus, et changer par un coup de main hardi tous nos plans les mieux concertés. Une telle hypothèse a bien ses impossibilités ; mais en révolution il faut tout prévoir, et je ne veux pas en être arrivé à ce point pour me trouver tout à fait vaincu par quelques paysans imbéciles. Guerre donc partielle, s'il le faut ; mais guerre de village à village, de ville à ville, et jamais d'armée à armée.

Des émeutes partout ; d'insurrection nulle part, et jamais surtout de généraux prenant sur l'esprit des Vendéens un empire qui pourrait devenir funeste aux conséquences que j'espère déduire de tout cet imbroglio. Entendez-vous avec Lagarde, qui est à la préfecture au Mans et qui a ma pleine confiance." (3)⇓.

Bien sûr, pas mal de choses ont changé depuis 1815, mais d'autres demeurent...

JG Malliarakis http://www.insolent.fr/

Apostilles

  1. cf. "Histoire de la Vendée Militaire" en quatre volumes
  2. Dans le Tome II Crétineau-Joly expose ainsi les approches que Dumouriez avait tentée auprès de Charette au profit de l'intrigue orléaniste.
  3. cf. pages 212-213 du Tome IV. Ce quatrième et dernier volume doit nous être livré le 19 avril. Les lecteurs de L'Insolent peuvent, jusqu'à parution bénéficier du prix de souscription pour l'ensemble de la série.

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