Largement reconnu par divers mouvements politiques, mais aussi des masses populaires importantes de par le monde comme étant l’un des systèmes sociaux les plus injustes, les plus violents et les plus suicidaires de l’histoire humaine, le capitalisme libéral – et son expression géostratégique la plus achevée du moment : l’Empire occidental –, en plein triomphe mondial du système électoral majoritaire, survivent principalement du fait de leur habileté à préempter et coopter leur propre contestation. Dans cet art de la guerre idéologique, la maxime divide et impera restant incontournable, ce sont souvent les minorités – ethniques ou sociologiques – qui servent d’instrument plus ou moins conscient à ces politiques de diversion/contention des masses, et en font finalement les frais.
L’une de ces minorités – dont l’exploitation victimaire à titre d’allié de l’impérialisme constitue néanmoins une innovation récente, typiquement postmoderne (dans le monde moderne, elle produisait plutôt de véritables révoltés et des révolutionnaires authentiques) – est ce qu’il est aujourd’hui d’usage de nommer (en dépit d’un flou conceptuel presque total et d’une non-représentativité drastique de ses représentants autoproclamés) la « communauté homosexuelle », ou, en newspeakdans le texte : « communauté LGBT ».
Il serait fastidieux – et, à l’ère électronique, largement inutile – de récapituler les liens organiques, de financement, d’inspiration et de contrôle souvent presque direct qui relient le monde de l’activisme LGBT (semi-)professionnel aux élites impériales et à l’intelligentsia mondialiste ; ils sont patents, officiels, et n’échappent finalement qu’à la vue de ceux qui ont choisi de ne pas voir.
Dans le concret des actualités politiques de divers pays européens, en revanche, il peut s’avérer intéressant de comparer les stratégies qu’adoptent les mouvances LGBT locales (ou que leurs dictent leurs sponsors, toujours occidentaux), des deux côtés de l’ancien – mais durablement actuel – rideau de fer.
Générations, contraintes et ambitions
Pour résumer, à l’échelle de l’Europe, l’« argumentaire » de la nébuleuse discursive LGBT (forcément assez mal structuré, étant donné que leur dynamique sectaire les éloigne généralement de tout débat ouvert avec de réels contradicteurs) au cours du demi-siècle écoulé, on pourrait distinguer – avec le décalage chronologique Est/Ouest de rigueur – deux générations, correspondant à deux « cultures homosexuelles » et à deux argumentaires assez distincts, quoiqu’unis par le leitmotiv de la revendication communautaire.
1/ l’âge héroïque : « touche à pas mon pédé ! »
Revendication majeure de la première génération d’activistes gayde l’après-68 : il existerait une criminalité spécifique, dont la cible serait la « communauté LGBT », et le mobile, l’homophobie.
La première partie de l’affirmation est spécieuse : les victimes du vol à l’arrachée ne constituent pas ipso facto la « communauté des possesseurs de sacs-à-mains arrachables » ; par conséquent, les victimes de cette criminalité spécifique – dont je ne cherche pas à nier l’existence – sont des citoyens du pays P., un point c’est tout. Juridiquement – sauf liens de dépendance préalables les unissant à l’agresseur – considérer telle ou telle de leurs spécificités sociologiques comme une circonstance aggravante ou atténuante du point de vue des infractions commises irait totalement à l’encontre du principe d’égalité devant la loi.
Reste donc la seconde partie : cette criminalité est motivéepar l’homophobie. Et alors ? Quand bien même on assisterait à de véritables razzias dans les milieux LGBT, il resterait toujours difficile pour autant à ce type de criminalité d’égaler la statistique (hommes et femmes confondus) du crime passionnel hétérosexuel. Songe-t-on pour autant à interdire l’hétérosexualité, où la sexualité en général ? Remarquons que ce serait en effet une méthode radicale, et a priori efficace, de mettre fin au crime passionnel. Plus sérieusement, ce qui, conceptuellement, rapproche, voire identifie tout simplement cette « revendication LGBT » au discours sécuritaire d’extrême-droite, c’est son approche fondamentalement étiologique de la criminalité : à rebours de la pratique bourgeoise classique consistant à assumer les risques de la liberté humaine dans la mesure où la loi est là pour en sanctionner les abus, cette approche (« préventive » – qui aboutit par exemple aux programmes de profilingpsychologique, et bientôt génétique) est la porte ouverte à toutes les monstruosités de l’ingénierie sociale ; dans le meilleur des cas, elle ne peut que déboucher – et c’est bien à cela qu’on assiste en ce moment – sur des programmes de rééducation sociale à grande échelle.
Contre ce meilleur des mondes dont l’agressivité propagandistique LGBT impose peu à peu l’évidente nécessité, réaffirmons-le sans peur : il n’y a rien de criminel dans le sentiment homophobe. C’est peut-être un trait de caractère rudimentaire, grossier, peu réfléchi, inélégant etc. – mais en aucun cas un délit, à la différence, par exemple, d’une voie de faits ou d’un actede discrimination (concernant, par exemple, l’accès à la fonction publique). Criminaliser des sentiments, c’est la porte ouverte à la police de la pensée. Par conséquent, la présomption de culpabilité à l’origine de la plupart de ces programmes (culturels, scolaires etc.) de rééducation doit être fermement rejetée.
Le contre-argument, consistant à présenter l’hypothétique « communauté LGBT » comme victime d’une discrimination du fait d’une exposition statistiquement supérieure à des actes hostiles, conduit, selon la même logique, à traiter toute catégorie de risque comme un sujet juridique. Ainsi, en supposant que les jeunes femmes et jeunes hommes sexuellement attirants soient plus souvent victimes de viols que la moyenne : existerait-t-il pour autant une « communauté des bien roulés » qui pourrait ou devrait faire valoir ses droits en vue de rééduquer la « population laide », ou éventuellement de punir plus sévèrement les infractions commises à son encontre (finalement basées sur « l’idéologie de la beauté physique », que les médias, notamment visuels, propagent en même temps que l’infâme préjugé hétérosexuel) ?
Par conséquent, à partir du moment où plus aucune discrimination juridique n’existe et où le système judiciaire punit avec une égale sévérité tous les actes violents ou abusifs, y compris quand des homosexuels en sont victimes ou quand l’homophobie les inspire, on peut considérer que l’activisme LGBT resterait sans objet.
C’est ici qu’apparaît la première dissymétrie notable entre les deux parties de l’Europe.
A l’Est, en 1990, cet argumentaire victimaire de 1èregénération conservait de solides apparences de légitimité : largement tabouisée, l’homosexualité y faisait, effectivement, l’objet de mesures légales hostiles, allant de sa pénalisation pure et simple à diverses formes de discrimination juridique négative ; au quotidien, la violence homophobe n’était pas rare. En conséquence, on y a assisté à l’apparition d’un activisme homosexuel fortement structuré et politisé, d’une radicalité d’autant plus frappante qu’il se déclarait représentatif d’une communauté qui, dans le tissu social, restait quant à elle des plus discrètes.
A l’Ouest, où cet argumentaire était déjà caduc au même moment, la mouvance LGBT, au cours de la même période, a pris une coloration plus culturelle-festive, vaguement nihiliste et franchement pornographe, réactualisant dans un registre moins naïf, à l’image des proses de Guillaume Dustan, les thématiques libertaires radicales de mai 68 ; puis, face à l’essoufflement (ou, dans beaucoup de cas, la disparition précoce) de cette génération « héroïque », de couches plus profondes de la société, on a vu émerger une nouvelle génération, nettement plus acculturée par la « culture gay » anglo-saxonne, enrégimentée dans un activisme plus structuré, autour d’un nouveau set de revendications.
2/ l’homoparentalité, deuxième souffle de l’activisme LGBT
Arrivés au point où même la statistique des tabassages ne semble plus pouvoir faire tourner le moteur de l’indignation anti-homophobe (et, subséquemment : faire bouillir la marmite du professionnel de l’indignation anti-homophobe, aussi connu sous le nom de « militant LGBT »), on voit apparaître l’idée que l’inexistence des « familles homosexuelles » constituerait en soi une discrimination. Affirmation paradoxale, dans la mesure où tout l’effort du droit individualiste bourgeois tendait depuis des siècles à remplacer les sujets collectifs du droit traditionnel coutumier (dont la famille) par des relations bijectives, si possibles contractuelles, annulables et négociables. Ainsi, dans un pays comme la France, à partir du moment où un dispositif légal comme le PACS permet à quiconque d’associer tout autre adulte (de sexe opposé ou de même sexe, citoyen français ou étranger, consanguin ou non) aux privilèges juridiques (héritage etc.) qui étaient traditionnellement ceux du conjoint, on peut légitimement se demander : que leur manque-t-il encore ? Des enfants.
Le mirage homoparental ou les pédés utiles du système
La « faille » du système juridico-administratif des Etats modernes dans laquelle s’engouffre alors l’argumentaire LGBT, c’est l’assistance portée par le système public de santé aux couples hétérosexuels stériles, actuellement « refusée » aux couples homosexuels, (naturellement) stériles eux-aussi. D’où une nouvelle aporie :
*soit on considère (comme l’ordre moral bourgeois du XIXe siècle, auquel le militantisme LGBT postmoderne, par bien des aspects, nous ramène) l’homosexualité (« l’inversion », pour reprendre la terminologie de l’époque) comme une maladie (on imagine sans mal le tolléque ça susciterait…), ce qui justifierait non seulement le traitement symptomatiquede la stérilité homosexuelle par l’introduction de procédures comme la Procréation Médicalement Assistée ou la Gestation Pour Autrui, mais aussi, et surtout, son traitement radical, c’est-à-dire la rééducation des homosexuels, tels que la pratiquait l’Europe bourgeoise de Freud, Weininger & Co.
*soit on proclame un droit universel à la descendance, dont on ne voit absolument pas, juridiquement, comment on pourrait en limiter la jouissance aux seuls couples hétéro- et homosexuels : tout comme il existe une homoparentalité de facto (souvent invoquée à titre d’argument en faveur de son institutionnalisation), l’immigration de masse en provenance du monde arabo-musulman a provoqué en Europe l’apparition de familles polygames de facto. La tradition étant implicitement rejetée comme source de droit, au nom de quel principe pourrait-on exclure les polygames du droit à l’enfant ? Et les célibataires endurcis (dont ceux vivant, souvent en très bonne harmonie, avec un animal de compagnie parfois plus intelligent que certains conjoints…) ? Si on a pu affirmer, en plein délire LGBT, qu’il vaut mieux « deux papas qu’une maman alcoolique », il coule de source qu’il vaut mieux être élevé par un riche retraité propriétaire d’un beau chat siamois que par deux chômeurs drogués, de sexe opposé ou non.
Concrètement, c’est naturellement cette seconde option qui est implicitement favorisée – sinon par les « militants LGBT » dans leur infinie (quoique souvent intéressée) naïveté – du moins par les sponsorsinstitutionnels publics et privés de l’homoparentalité. Elle constitue en effet une « évolution sociale » typiquement capitaliste, consistant à faire tomber les obstacles culturels qui s’interposent entre une technologie (le génie génétique en pleine expansion) et son marché « naturel », entre une industrie prometteuse et ses débouchés. L’ironie de l’histoire, c’est que ce marché sera à terme hétérosexuel dans son énorme majorité : tout comme ils servaient parfois de boucs-émissaires dans les âges obscurs de l’homophobie (souvenons-nous de la Nuit des Longs Couteaux, à l’époque justifiée aux yeux de l’opinion publique allemande comme action de purification morale contre une coupole SA « dégénérée »), les homosexuels servent maintenant, souvent à leur corps défendant, de cheval de Troie au lobby LGBT pour faire pénétrer Monsanto & Co. dans l’utérus humain.
De United Colors à Lebensborn reloaded
En effet, la société oligarchique créée par le capitalisme zombie se heurte depuis une cinquantaine d’années à une contradiction gênante : en déstructurant le clan et la famille conformément au programme illuministe, en virilisant la femme selon la méthode nommée, non sans humour involontaire, « féministe », le capitalisme a créé une relation d’inversement proportionnel – inédite dans l’histoire des élites – entre degré de centralité sociale (« de succès économique ») et degré de fertilité. Pendant quelques décennies, encore imbues de l’idéologie libertaire de mai 68, les élites mondialistes ont cru pouvoir régler le problème avec un programme « d’adoption collective », aujourd’hui dénoncé par toutes sortes « d’identitaires » et de racistes sous le nom de « remplacement démographique » (mais aussi remis en cause par des ténors du mondialisme institutionnel, comme Merkel ou Sarkozy, sous l’étiquette d’« échec du multiculturalisme ») : en important du matériel humain en provenance de pays jeunes et/ou de communautés autochtones dominées, démographiquement plus dynamiques, constituant souvent des minorités raciales visibles. C’est ce processus qui a créé la génération de leadersà laquelle B. Obama finira probablement par donner son nom : Colin Powell, Condoleezza Rice, Christiane Taubira, Rachida Datti, Philipp Rösler etc.
Quelque soit la servilité de ces domestiques de couleur de l’oligarchie occidentale, à l’échelle de société entières, le processus a entre temps largement déçu ses initiateurs, qui avaient – bien naturellement – surestimé le pouvoir acculturant du modèle occidental (antinomiquement connu dans leur vocabulaire comme « la civilisation »), et donc accordé peu d’attention à la question fondamentale : comment importer du matériel humain en provenance de sociétés traditionnelles (donc fécondes), sans importer la tradition (dans leur vocabulaire : « l’obscurantisme », « l’islamo-fascisme », « le Moyen-âge » etc.) ? Question à laquelle le Gestelltechnico-industriel occidental a entre temps trouvé la réponse : en séparant cette fécondité de ces sociétés ; en isolant l’utérus de la mère, devenue simple « porteuse », bête d’élevage d’une ingénierie biologique pour une fois destinée, non à garnir les assiettes de l’Occident, mais ses berceaux.
A terme, ce ne sont naturellement pas les « couples LGBT » (par ailleurs statistiquement caractérisés par une énorme instabilité sexuelle, une violence dépassant la moyenne et une espérance de vie inférieure à la moyenne d’une dizaine d’années) qui feront massivement usage des possibilités d’adoption, de fécondation et de location d’utérus à la carte ouvertes par ces nouvelles législations, mais bien des masses compactes de couples hétérosexuels des métropoles coloniales de l’Empire occidental, qui pourront ainsi rendre l’impératif de procréation compatible avec la virilisation du conjoint féminin, lequel ne peut plus – économiquement, esthétiquement, et finalement : moralement – s’abaisser aux basses-œuvres de la gestation. Et, dans le cas de la PMA et de la GPA, ils pourront (outre les tentations eugénistes qui se manifestent aussi dans l’économie des adoptions) le faire sans renoncer au principe néo-aristocratique raciste de conservation du patrimoine génétique – sans s’ouvrir par l’adoption à cette fameuse « diversité » dont ces mêmes militants LGBT (ou leurs collègues d’autres départements de la « société civile » institutionnalisée) chantent si bruyamment les louanges. Voilà à quoi auront in fine servi tous ces films lacrymogènes sur les pauvres lesbiennes empêchées par le fascisme homophobe d’élever leur jolie petite vietnamienne : à justifier la marchandisation des corps féminins du Tiers-monde au service d’un projet de pureté raciale et idéologique qui n’a plus grand-chose à envier au Lebensbornde Himmler.
Consensus à l’Ouest
Paradoxalement, à l’Ouest, cette nouvelle phase de la croisade LGBT a été l’occasion d’une nouvelle forme de dépolitisation du Kulturkampfhomosexuel : présenté comme une conquête de la normalité la plus « naturelle », et largement institutionnalisé par une classe politique mainstreamtransversalement acquise à la cause LGBT (pour cause d’allégeance générale à l’idéologie mondialiste, mais aussi, il faut bien le dire, de la présence dans ses rangs d’une composante homosexuelle numériquement disproportionnée), le combat pour l’homoparentalité est devenu un lobbyingefficace, suscitant une opposition elle aussi « lobbyisée », politiquement transversale, réunissant les derniers rescapés d’une gauche et d’un centre « vieux jeu » à des catholiques peu politisés et à diverses formes néologiques – notamment « identitaires » – de l’extrême-droite (auxquelles, cependant, le Front National français a refusé d’apporter sa caution institutionnelle).
En tant que tel, il cherche avant tout à occuper le terrain, à désarmer ses adversaires et à se normaliser en cultivant l’image proprette d’une « normalité gay » aux antipodes du nihilisme jouisseur des générations précédentes. Fort symptomatique est, de ce point de vue, la stratégie adoptée par la mouvance LGBT vis-à-vis des Églises et des communautés religieuses : occulté par le showmédiatique de l’athéisme militant, voire terroriste, des FEMEN importées en dernière minute d’Ukraine, on remarque plutôt un travail de sape et de séduction, consistant à arracher, de ci, de là, des concessions idéologiques à tel ou tel dignitaire religieux, à susciter l’apparition de « dissidences LGBT » au sein d’Églises constituées (en France, le cas d’une « mosquéegay-friendly », quoique largement controuvé, a fait beaucoup de bruit) etc. Stratégie logiquement prévisible, dans la mesure où, en Europe de l’Ouest déchristianisée, la religiosité active est en grande partie néologique, New Age, profondément postmoderne, donc psychologiquement sensible à l’argumentaire victimaire et émotif, au progressisme messianique et apparemment apolitique de l’activisme LGBT occidental.
Radicalisation à l’Est
A l’Est, c’est presque l’inverse. Justifiées à l’origine par l’existence de réelles discriminations, les vastes structures de lobbyingapparues après 1990 sur fonds occidentaux (notamment à travers les O« N »G de G. Soros) déploient un travail efficace qui, conjugué à la pression institutionnelle exercée par l’UE, conduit vite à une dépénalisation complète des pratiques homosexuelles, et à la suppression relativement rapide (aujourd’hui consommée) des discriminations objectives. Se pose alors le problème – bien connu dans la sociologie des conflits – de la réinsertion du personnel desdites structures. Les mentalités évoluant naturellement moins vite que le cadre juridique, la « communauté LGBT » (telle qu’elle a entre temps, à l’Ouest, pris corps de façon parfois sociologiquement massive, comme à Paris sous la forme du quartier gaydu Marais) reste une abstraction, largement invisible ; de ce fait, le combat pour l’homoparentalité – et, plus généralement, le militantisme LGBT de deuxième génération – tourne à vide, d’autant plus que les gouvernements compradores installés et contrôlés par Bruxelles, Berlin et Paris se montrent généralement disposés à adopter n’importe quelle réforme juridique LGBT, d’autant plus facilement qu’à court terme, l’enjeu réel de ces législations leur semble – peut-être à bon droit – largement inexistant. Menacé de disparition par son inutilité de facto, l’activisme LGBT (semi-) professionnel d’Europe orientale va alors, à la faveur d’un nouveau contexte de relations Est-Ouest, se tirer de l’impasse par une surenchère radicale et radicalisante.
C’est en effet vers la même époque qu’intervient la « crise » économique mondiale de la fin des années 2000, et sa conséquence immédiate : une intensification/accélération immédiate des processus de spoliation financière et économique de la périphérie européenne postcommuniste par sa métropole coloniale d’Europe de l’Ouest, elle-même aux abois, entraînée dans l’abyme par la dernière métastase du capitalisme-zombie anglo-saxon. Les conséquences sociales douloureuses de ces processus produisent des effets politiques surprenants pour une élite occidentale accoutumée à une totale passivité des masses anesthésiées et des élites cooptées de leurs colonies orientales : virage nationaliste du parti orange hongrois conduisant en 2010 au triomphe électoral d’un FIDESZ devenu adepte du patriotisme économique, retour en grâce d’ex-communistes en République tchèque, chute, au printemps 2012, du dernier gouvernement du parti orange roumain (resté, quant à lui, parfaitement fidèle à sa stratégie de servilité phanariote vis-à-vis de l’Occident, d’où une impopularité massive et croissante), émeutes de février 2013 en Bulgarie…
Dans un tel contexte, les mouvances LGBT d’Europe orientale, qui – au moins dans les pays, comme la Roumanie, où c’est une « gauche » (nominale) qui capitalise politiquement sur le mécontentement anticolonial – auraient pu adopter une stratégie « de front populaire » en cherchant à se fondre dans les nouvelles majorités (déclarativement) progressistes en cours de formation, font alors le choix inverse : celui d’une radicalisation de leur rhétorique dépassant par bien des aspects celle de leurs homologues occidentaux, pourtant bien plus proches qu’elles du but, les exposant à un isolement social et politique croissant.
Début 2013, l’ONG Accept Romania (tout un programme…), filiale roumaine de la pieuvre LGBT ILGA Europe (financée par l’UE, le gouvernement hollandais, Soros et le trustRausing), décide, dans le cadre d’un « mois d’histoire LGBT », d’organiser des projections de « films LGBT » (dont un film faisant l’apologie de l’homoparentalité) dans la salle de projection du Musée du Paysan roumain – sanctuaire du traditionalisme et du nationalisme roumain. Cette provocation délibérée porte naturellement ses fruits, sous la forme d’une action de protestation de mouvements orthodoxes et nationalistes, qui interrompent une projection en brandissant des pancartes et en chantant hymnes et cantiques. Aussitôt dénoncée comme « violence fasciste », cette action, qui n’a été entachée d’aucun acte de violence physique, suscite un tir nourri de désapprobations institutionnelles, mais pas l’indignation massive et virulente de la gauche intellectuelle roumaine (incarnée, notamment, par la rédaction du journal électronique CriticAtac), qui préfère traiter l’affaire par le dédain et l’ironie, visiblement peu disposée à seconder la surenchère de militants LGBT dont les appuis institutionnels ne sont que trop évidents, et qui appellent ni plus ni moins qu’à la sévérité policière de l’Etat face à des manifestants non-violents – assumant ainsi un rôle d’auxiliaire de police courant dans le gauchisme institutionnalisé des pays d’Europe de l’Ouest, mais qui, à l’Est, gêne un peu aux entournures des élites progressistes souvent constituées d’anciens dissidents aux dictatures de l’avant-1990… Cette tiédeur est vite sanctionnée par un article, cosigné dans ce même journal par les intellectuels gauchistes clujiens A. Cistelecan et V. Lazar, lesquels, avec une certaine naïveté de novices, nous livrent ce faisant un document assez parlant sur ce nouveau radicalisme idéologico-sociétal du gauchisme oriental – un gauchisme si radical qu’il atteint par endroit l’extrême-droite…
L’activisme LGBT d’Europe orientale : une nouvelle extrême-droite
D’une façon paradoxale eu égard au fait que les homosexuels figuraient en bonne place parmi les cibles prioritaires des terreurs organisées par les régimes d’extrême-droite de l’âge moderne, ce nouveau radicalisme LGBT de l’Europe orientale postmoderne présente, avec encore bien plus de clarté que ses équivalents occidentaux, beaucoup des traits structurels définitoires d’un activisme d’extrême-droite : élitaire, groupusculaire, para-institutionnel, intolérant et maximaliste, il favorise les intérêts de grands groupes industriels et financiers, qui le lui rendent bien.
Ces caractéristiques sont, évidemment, largement solidaires les unes des autres : étant élitaire (partant toujours du principe que la majorité populaire n’a pas les moyens intellectuels de comprendre la grandeur du message LGBT – comme l’ont expressément reconnu A. Cistelecan et V. Lazar dans l’article précédemment cité), cet activisme ne repose ni ne veut reposer sur un mouvement de masse et, partant, ne peut être que para-institutionnel ; or, en effet, une simple recherche Google suffit à constater qu’il n’existe pas en Roumanie d’association de militance LGBT ayant pignon sur rue qu’on ne puisse relier en moins de trois clics à un petit groupe de sponsorssoit institutionnels (notamment l’UE, le gouvernement hollandais et la maison royale britannique), soit liés au grand capital financier monopolistique (trustRausing, O« N »G de G. Soros, fondation ERSTE…).
Groupusculaire, élitaire et extrémiste (l’article auquel je faisais précédemment allusion parle expressément d’« épurer l’espace public » de la vermine homophobe), il se constitue en « élite révolutionnaire » – trait structural qui le rapproche des « professionnels de la révolution » prônés par le bolchévisme – mais, au lieu de prêcher ou d’exercer la subversion ou le terrorisme de facto (par exemple en dynamitant le siège de grandes entreprises dont la publicité véhicule systématiquement une image familiale hétéro-centrée du bonheur), il en appelle systématiquement à la violence légale de l’Etat (à l’intervention des forces de police, ou de la censure dans le monde des idées) pour réduire au silence toute contradiction, même non-violente, d’où qu’elle vienne, en la décrivant systématiquement comme « fasciste », au mépris de toute cohérence conceptuelle (même quand elle est, par exemple, clairement traditionnaliste/cléricale, ou au contraire ouvertement marxiste).
De la gestion néocoloniale des sous-sols et des sphincters
Cette attitude maximaliste rappelle bien sûr furieusement le slogan TINA (« There Is No Alternative ») du néolibéralisme d’Etat à la Reagan/Thatcher, et pour cause : pour nous limiter au cas de la Roumanie, à la croisée de tous les chemins souvent fort détournés du réseau mondialiste, on trouve par exemple Knut Neumayer ; issu de la diplomatie autrichienne, donc probablement « en contact » avec les services secrets autrichiens, il est d’abord exfiltré vers le journal Der Standard, qui se fait remarquer à l’été 2012 en relayant une propagande brutalement coloniale contre le peuple roumain et ses choix électoraux légitimes – lesquels choix (c’est tout du moins ce dont le parti « orange » précédemment au pouvoir, mis en difficulté, tentait de convaincre l’Occident) remettaient en cause la soumission du pays aux diktatsde la troïkaUE/FMI/Banque mondiale. De là, il arrive en bonne place dans le personnel de direction de la fondation ERSTE (financée par la banque du même nom, aux intérêts de laquelle laditetroïka n’est naturellement pas indifférente), qui se trouve être l’un dessponsors de l’agitation LGBT en Europe postsocialiste (curieusement pas en Europe de l’Ouest…), et notamment en Roumanie (à travers, notamment, le financement du fameux « mois de l’histoire LGBT » organisé… au Musée du Paysan roumain). Ainsi, que ce soit sur le plan de la « responsabilité fiscale et économique » ou de la néo-moralité qui rend les peuples mal dégrossis compatibles avec la « civilisation occidentale », on voit que les puissances coloniales tutélaires (s’agissant de la Roumanie : l’Allemagne et son hinterlandautrichien) se sont doté d’un personnel spécialisé dans la gestion de l’image des peuples colonisés, et donc dans la justification d’imminentes ingérences dans les processus démocratiques essentiels à leur souveraineté. On voit aussi que l’activisme LGBT local fonctionne largement comme auxiliaire local – manipulé et/ou acheté – dudit personnel de contrôle.
Coïncidence révélatrice : au moment même où la population d’une petite ville moldave (Bârlad), mise en danger par un projet de forage par fracturation hydraulique de la multinationale Chevron, réussit à se mobiliser massivement contre la colonisation éco-environnementale derrière un prêtre orthodoxe d’une paroisse locale, les élites gauchistes roumaines s’épuisent en polémiques stériles autour de la perturbation non-violente, par quelques militants traditionnalistes orthodoxes, de la projection, dans les locaux du Musée du Paysan roumain, d’un film faisant l’apologie de l’homoparentalité.
Phantasmes de la classe moyenne
Pour faire passer son programme, l’activisme LGBT, comme l’économisme néolibéral, compte plus sur la violence éclairée des institutions bourgeoises que sur le soulèvement d’une masse réputée hostile au « progrès », intrinsèquement sensible aux sirènes « fascistes » de « l’Orient » et du Sud. Totalement et de plus en plus exsangue en Europe orientale, la « classe moyenne », en revanche, (dont la défense constitue, rappelons-le, un leitmotiv des discours d’extrême-droite) est réputée « plus ouverte », moins portée au « préjugé » etc.
La réalité est naturellement inverse : l’idéologisation homophobe de la religion est justement le propre de la religiosité intellectualisée et rituellement pauvre de ces mêmes « classes moyennes » urbaines/salariales, dont sont pour la plupart issus les homophobes violents, de même que les militants LGBT eux-mêmes ; le monde réellement traditionnel, et notamment rural/paysan, d’Europe orientale étant quant à lui plutôt caractérisé par une sorte d’indifférence tantôt hostile, tantôt amusée, face à toute innovation, qu’elle soit homophile, homophobe ou autre. Qu’elle soit LGBT ou homophobe, la radicalisation de ces classes moyennes dans un contexte de rétractation économique correspond d’ailleurs parfaitement à l’analyse marxiste-léniniste classique de l’apparition des mouvements d’extrême-droite en période de crise du système capitaliste, lorsque l’ultralibéralisme (économique ou sociétal, de « droite » comme de « gauche ») ne croit plus pouvoir s’appuyer sur la démocratie pour parvenir à ses fins.
Dieu, la démocratie et le sexe
Dans ce discours radical, ce réchaufféanachronique d’un anticléricalisme à la Béla Kun, les Églises chrétiennes – alors même qu’un autre segment de l’opinion bourgeoise/libérale s’en prend violemment à elles pour la trop grande tolérance qu’elle manifesteraient à l’égard des comportement déviants de certains prêtres – sont réputées souffler sur le feu de cet « obscurantisme » populaire, alors même que, dans leur enseignement, toute pratique ou tentation charnelle – hétéro- ou homosexuelle, dans ou hors le mariage – est peccamineuse pour peu qu’elle ne soit pas inspirée par le devoir conjugal – péché qui cependant, à la différence du péché contre l’esprit, est aisément rachetable par la pénitence.
Dans des pays, comme la Roumanie, où la religion reste un facteur sociopolitique primordial, par cette position de principe (LGBT = athéisme, religion = homophobie) contrastant beaucoup avec les stratégies inclusives du monde LGBT occidental (alors même qu’à l’Ouest, le rayonnement sociopolitique des Églises est infiniment moindre), l’activisme LGBT d’Europe orientale brûle sciemment ses vaisseaux en se coupant toute voie de compromis vers l’assentiment des masses. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit bien moins de « faire avancer » des revendications concrètes (lesquelles, encore une fois, sont aujourd’hui largement phantasmatiques) que, justement, de culpabiliser/radicaliser les masses, ces classes « dangereuses » (l’adjectif, là encore coutumier de la rhétorique d’extrême droite, est naturellement revenu sous la plume de A. Cistelecan et V. Lazar), de façon à :
1/ justifier un volontarisme institutionnel, voire des ingérences étrangères à la fois clairement opposées à la volonté de la majorité et bruyamment décrites comme servant ses intérêts « à long terme », que ce soit dans le domaine de la normalisation sociétale ou de la discipline économique néolibérale ;
2/ justifier, au service du programme ci-dessus, l’activité, et finalement les émoluments/subventions du personnel de l’activisme LGBT.
Conclusion
Ces évolutions divergentes confirment nos présupposés.
La faiblesse de l’option stratégique possibiliste en Europe orientale, le fait que l’activisme LGBT s’y transforme littéralement en bataillon kamikaze du Kulturkampfoccidentaliste – qu’on décide d’y voir une décision stratégique verticalement transmise par les sponsorsde la mouvance et/ou une réaction plus ou moins spontanée de militants professionnalisés préférant la lutte à mort à la démobilisation – est, sinon la conséquence nécessaire, du moins un corolaire prévisible du fait que les revendications LGBT de deuxième génération sont dénuées d’enjeu concret dans cette partie de l’Europe, étant donné que le marché qu’elles tendent à déverrouiller (rappelons-le : majoritairement hétérosexuel, mais surtout solvable, tertiaire et postmoderne – donc éminemment métropolitain) n’existe pratiquement pas sur place : en Europe orientale, les femmes de ce qui reste de la maigre classe moyenne hors-sol des années de « transition » enfantent encore assez volontiers, conscientes de la rareté du privilège dont elles jouissent dans une société où la majorité des couples salariés, même avec la somme de deux salaires, n’ont pas de quoi louer (et encore moins acheter) une pièce habitable supplémentaire, et à peine de quoi se procurer le lot de couches rendu nécessaire par un nourrisson ; quant aux femmes des masses appauvries, il est bien évident que leur insertion dans la nouvelle bio-économie capitaliste a plus de chance de se faire via un rôle de bête porteuse que dans la position de la cliente génétique…
A l’Ouest, en revanche, l’étrange coup d’accélérateur donné par l’ingérence FEMEN dans les affaires françaises, à rebours d’une tendance stratégique bien différente (de consensualisation et de conquête par débordement et noyautage) importe littéralement en Occident l’option stratégique orientale (cohérente dans son propre contexte d’apparition) décrite ci-dessus. Autant l’option radicale adoptée à l’Est dans une situation d’impasse tactique semble bien concilier les intérêts de l’activisme local et de ses inspirateurs/bailleurs de fonds mondialistes, autant son injection forcée dans le tissu occidental, de par ses effets nettement contre-productifs, devrait inciter à réfléchir. En effet, si, en matière de conditions objectives (salaires, taux de chômage réel, inflation réelle, protection sociale), le précipice Est-Ouest reste bien réel en dépit de la crise, subjectivement, les angoisses d’une classe moyenne consistante, encore assez bien portante mais consciente de sa fragilité ont souvent produit des résultats historiques bien plus radicaux que la grogne de masses réellement appauvries, mais finalement résignées à leur sort et adeptes de diverses stratégies alternatives (débrouille, fraude, nomadisme) en remplacement de réflexes collectifs décrédibilisés par les expériences révolutionnaires du XXe siècle.
On peut donc se demander dans quelle mesure la promotion a contrario (par la provocation) d’une politique d’ordre moral ne constitue pas un élément d’une stratégie de création d’une extrême-droite occidentale chargée – selon la recette « Nuit des Longs Couteaux » – de discipliner/neutraliser la contestation d’une classe moyenne tentée par le socialisme national, tout comme le petit-bourgeois allemand précarisé des années 1920 se reconnaissait dans le radicalisme social d’un Röhm, en qui il devait plus tard découvrir un infâme conspirateur pédéraste. A la périphérie, en revanche, le rôle à long terme de l’extrême-droite LGBT ressemble plus à celui des extrême-droites ethnicistes dont l’Empire facilite parallèlement l’apparition dans ces mêmes pays : un rôle de diviseur et de repoussoir, fondant a contrario la légitimité et la stabilité de régimes compradores plus ou moins autoritaires politiquement, mais économiquement libéraux et sans appétences impériales (à la Pinochet ou Franco 2ndepériode).
Quoi qu’il en soit, le présupposé que ces analyses confirment par-delà les questions laissées ouvertes, et quelque soit la réponse que risque de leur apporter l’histoire, c’est que, des deux côtés de l’Europe, l’activisme LGBT ne sert pas les intérêts bien compris de la « population homosexuelle », et tend même à les desservir – ce qui, au fond, n’a rien de surprenant, pour peu qu’on consente à se souvenir que les structures chargées de l’exercice de cet activisme ne sont en rien représentatives de ladite population, ni d’ailleurs mandatées – sous quelque forme que ce soit – par cette dernière.
Raoul Weiss http://www.voxnr.com