PARIS (NOVOpress) – Je n’ai jamais tellement aimé Frigide Barjot. Sa vanité et sa présomption avaient le don de m’exaspérer. Moi et bien d’autres. Mais jusque-là, j’ai tenté de sacrifier mon animosité personnelle sur l’autel sacré de l’union : tous unis contre le projet de loi Taubira, qu’importent les petites divergences d’opinion ou d’entente, l’union fait la force !
Pourtant, cela devient de plus en plus difficile, car madame Barjot, autoproclamée égérie de « la Manif Pour Tous » (MPT), est allée trop loin.
Je ne raconterai pas ma rencontre avec la Dame au cours de la Manif, cela n’a pas grand intérêt… En fait, si ! Je crois que je vais tout de même la raconter, car c’est plus fort que moi ! Je me trouvais au niveau de la Porte Maillot, la foule s’y pressait, et c’était déjà une vraie cohue. Lorsque tout à coup, un groupe de jeunes habillés des maillots rouges du service d’ordre de « la Manif Pour Tous » arrivèrent en trombe, poussant tout le monde et criant : « Dégagez le passage, vite ! Dégagez ! » Je vis même des personnes manquer de tomber sur des poussettes et des enfants. Mon cerveau s’agita à toute vitesse, s’imaginant que quelque chose de grave se produisait. Pendant un quart de seconde, apercevant au milieu du service d’ordre en rouge des perruques jaunes et roses fluo, je m’imaginais même qu’il s’agissait d’un groupe de pro-mariage gays qui avaient réussi à s’introduire pour perturber la manif. Pensez-vous ! Il s’agissait tout simplement de notre chère égérie, entourée de ses gardes du corps qui dégageaient tout le monde pour remonter la manif au plus vite, au mépris des familles présentes. Vous imaginez la colère des personnes autour : « Madame la VIP, défenseuse des familles, n’hésite pas à faire dégager enfants et parents, pour garder ses aises… »
Je ne m’attarderai pas plus longtemps là-dessus : ceci est un détail. La réalité, c’est que madame Barjot, porte-parole de la MPT se veut révolutionnaire… Mais attention ! En toute légalité ! Il s’agit d’une toute nouvelle forme de révolution du XXIème siècle, issue des dictatures modernes : la révolution sans risque et en toute sécurité. C’est tout juste si l’on ne nous propose pas une assurance-révolution, pour au cas où, vous et vos enfants, vous feriez malencontreusement gazer au détour d’un bain de foule.
Sauf que la Révolution légale, c’est un peu plus compliqué lorsque l’Etat l’interdit, ou qu’il parque des milliers de personnes dans quelques mètres carrés, qu’il ignore totalement ces personnes, et que, en réponse à ce mépris, le chef révolutionnaire légaliste propose à ses insurgés de rentrer chez eux tranquillement et d’attendre la prochaine fois.
J’imagine bien ce genre de situation transposée à une autre époque… A la veille du soulèvement de Vendée, les paysans, excédés par les agissements révolutionnaires, se tournent vers leurs seigneurs et leur demandent de devenir chefs de leur armée. Imaginez un peu les paysans si Charrette ou Elbée leur avaient répondu : « Une révolution ? Ah oui ! C’est cool comme idée ! Mais merde alors ! Ce n’est pas légal en fait ! Il y aura peut-être des choses violentes, et moi je suis pour un monde de paix et d’amour. Alors, vous savez ce que vous allez faire ? Vous allez rentrer chez vous, parce que moi j’ai pas envie de passer pour une personne haineuse, violente et extrémiste. Mais faites-moi confiance, je vais aller demander une autorisation aux révolutionnaires, pour manifester en toute légalité, et même demander un vote ! OK ? Allez, bisous et on se tient au jus ! »
Pourtant, la réalité est encore bien plus grave que cela ; car dans l’histoire de Dame Frigide, ce ne sont pas nous, les péquenauds, les paysans, qui sommes allés la chercher. C’est elle au contraire qui a réussi à nous enthousiasmer, à nous pousser à agir ! Un article du Figaro datant du 8 mars cite ses propres mots : « On ne partira pas tant qu’il ne se passera pas quelque chose. » Des vidéos tournèrent également partout sur le Net, nous encourageant au Camping Pour Tous, et dans lesquelles l’égérie nous commandait : « Vous arriverez aux champs Elysées, et vous n’en repartirez que quand la loi sera retirée ! »
Et le jour où des jeunes et des familles, des personnes âgées et même des infirmes suivent les commandements de leur chef de file, ce général de la grande armée bleue et rose se désolidarise, elle leur crache à la figure, et les accuse d’extrémisme. « A tous ceux qui sont allés en conscience illégalement sur les Champs-Elysées avec vos enfants braver des forces de police à gazeuses sensibles, je dis, vous n’auriez pas dû, c’est irresponsable et cela abîme notre crédibilité », peut-on lire sur sa page Facebook. Et dans le feu de l’action, elle eut des propos bien plus durs.
Malgré cela, certains appellent à nouveau à l’union. Certes, l’union fait la force. Mais comment ne pas comprendre la révolte de ceux qui ont eu le sentiment d’être bafoués et rejetés par leur propre camp, ceux qui ont couru se faire gazer sur les Champs-Elysées, et qui sont mis de côté pour ne pas risquer d’abîmer l’image de cette chef d’armée un peu particulière ?
Marie Vermande,
rédactrice du webzine féminin Belle et Rebelle