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Le journaliste n’a que peu d’influence sur le résultat final de son sujet

 Une journaliste, qui manifeste contre la loi Taubira, témoigne pour les lecteurs du Salon Beige :

"Journaliste depuis huit ans je suis passée par de nombreuses rédactions aussi bien télé que presse écrite. Je me rends compte que le ressentiment à l’égard des journalistes s’accroit chaque jour, notamment parmi les manifestants. Le décalage entre la perception des événements par le public et la retransmission par les médias peut s’expliquer.

D’abord, les médias ont une source quasi-unique d’information : l’AFP ; souvent, ce que rapporte le journaliste sur le terrain est moins important pour sa direction que ce qu’écrit le journaliste de l’AFP. Mais le journaliste de l’AFP n’est pas un surhomme objectif par essence, ce qu’oublient aujourd’hui les rédacteurs en chef. D’autant plus que, contraintes budgétaires obligent, les déplacements deviennent de plus en plus rares. Les articles que vous lisez sur la presse en ligne ont été écrits (ou recopiés) par des jeunes journalistes qui n’ont, pour la majorité d’entre eux, jamais mis un orteil dans la rue.

Ces journalistes ont deux origines différentes : les plus anciens sont souvent devenus journalistes par hasard, venant du cinéma, du trotskysme et des mouvements étudiants post—68. Ils sont très représentés dans les groupes du service publics. La professionnalisation de la profession, qui s’est accélérée dans les années 90 et surtout après 2000 a donné naissance à une génération de journalistes formée dans de chères écoles (5000€/l’année) qui se ressemblent tous furieusement : blancs, enfants de familles aisées, dont les parents journalistes, cadres, haut fonctionnaires sont surreprésentés. Ils sont formés par les plus vieux… avant d’affronter un ou deux ans de contrats précaires, aux horaires irréguliers et mal payés. D’où la nécessité que les parents assurent le quotidien. C’est un peu différent pour les cameramen qui sont mieux payés que les autres (mais très souvent pigistes) et viennent parfois de milieu plus modeste.

Il ne sert à rien de s’en prendre au journaliste présent sur une manif : d’une part, il fait son boulot, d’autre part, il est très arque bouté sur sa liberté –vous risquez juste de le braquer. Enfin, il n’a que peu d’influence sur le résultat final de son sujet. Car il rend le texte ou des images, mais il a y ensuite le travail de montage, le visionnage par un premier chef, un second, la réécriture du commentaire, la rédaction du lancement qui donne le ton. La plupart du temps les sujets et l’architecture d’un reportage sont choisis et écrits en amont. Il faut plusieurs séquences : donc une manif pacifiste, puis des provocations, puis des bagarres, puis des courses-poursuites, cela fait un beau sujet en quatre actes, même si dans la réalité le premier moment a duré trois heures et le second 5 minutes. Dans un but d’efficacité, il faut donc penser à cela en manifestant. Si l’on ne veut offrir aucune prise, il ne faut absolument RIEN montrer qui puisse jouer en votre défaveur.

Enfin, et c’est un aspect important, il faut savoir que la plupart des journalistes ne possèdent pas le filtre pour comprendre votre action. Ils pensent sincèrement que la religion est oppressive et dépassée, que le mariage homosexuel est une question d’égalité et ont une ignorance flagrante de la question religieuse. Il suffit de voir la couverture de l’élection du pape pour réaliser le grand pataugeage des journalistes sur ce sujet. Ils ont très peu de temps, voire pas du tout, pour se renseigner sur les fondements idéologiques d’un mouvement. Vous êtes des aliens : vous venez d’un monde qu’ils ne connaissent pas. Etre journaliste, de droite et catholique dans une rédaction nationale, c’est comme être un poisson préhistorique dans un aquarium : personne ne pensait réellement que vous existiez encore…"

Michel Janva   http://www.lesalonbeige.blogs.com/

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