Ce dimanche 21 avril à Paris, pro et anti-mariage pour tous étaient appelés à se réunir. L’appel des pro faisait écho, le 17 avril, à l’appel lancé le 15 par La Manif Pour Tous qui était aussitôt suivie par le Printemps Français et les nombreux mouvements nés de la mobilisation contre le projet de loi. Nous y étions, et s’il est une inégalité qu’on a pu constater ce jour-là, c’est bien le nombre de manifestants de part et d’autre ! Retour sur cette journée de mobilisation !
« Ta gueule homophobe, tu nous fatigues ! »
Faisant comme à son habitude dans l’excès, la caricature et le mensonge, c’est contre le refus de voir la rue abandonnée à des groupes violents et fascisants, homo-lesbo-transphobes, sexistes, racistes, islamophobes et antisémites (Ouf ! Ca s’arrête là!), qu’Act Up Paris avait donné rendez-vous à ses troupes Place de la Bastille à 15h00.
Nous nous sommes rendus sur place vers 15h30. Nous voulions nous rendre compte par nous-mêmes de ce que pouvait être un rassemblement Act Up… Nous ne connaissions ce groupuscule que par son site internet. Celui-ci faisant la promotion des prostituées et des salles de consommation de drogues, c’est avec quelques a priori que nous sommes allés écouter leurs arguments…
Première constatation, la foule. Peu nombreuse, celle-ci remplit tout juste un trottoir, le faisant à peine déborder sur la chaussée. Ce qui permet à la police de maintenir la circulation, aussi bien autour du rond point de la colonne de Juillet que sur les boulevards adjacents. La photo prise par nos soins tranche singulièrement avec les plans finement cadrés des quelques médias complices jouant le jeu des pro. Pour comparaison, nous sommes également aller chercher une vue satellite de la place de la Bastille pour permettre de prendre toute la mesure de la faible concentration de personnes (les traits rouges marquent le lieu de rassemblement). Nos quelques clichés pris, nous nous mêlons à la foule et observons.
Sexe, mensonges et politique
Qui sont ces militants qui ont répondu présent ? Des homos bien-sûr, mais aussi beaucoup d’hétéros. Ce qui n’est pas un problème en soi. Ce qui est plus gênant, c’est que beaucoup de ces hétéros sont venus chasser l’électeur. Vous avez dit 2014 ? Armés de leurs drapeaux PCF ou NPA, nous saisissons des bribes de conversations. « Si plus de monde avait voté pour nous… », « En 2017 ne vous trompez plus… », « Et aux municipales, n’oubliez pas que… »… Des drapeaux frappés du triangle rose sont également visibles. Ce parallèle avec les camps de concentration nazis est plus que douteux.
Soudain les conversations s’arrêtent, un orateur a pris la parole sur l’estrade. Un a un, cet homme va reprendre les arguments des opposants au mariage gay, et entre chacun d’eux, il invite la foule à répéter en chœur un slogan démontrant une fois de plus la faiblesse d’argumentation des pro : TA GUEULE HOMOPHOBE TU NOUS FATIGUES ! La messe est dite…
C’est ensuite autour d’un(e) transsexuel(le) sud-américain(e) de prendre la parole. Celui-ci (celle-ci) va raconter son quotidien de prostitué(e) et les violences subies au quotidien, les insultes, les humiliations. Ecouter ce discours glauque a quelque chose de dérangeant. Nous n’en nions pas la réalité, nous nous doutons que le milieu de la prostitution n’a rien de tendre. Mais faire intervenir un(e) prostitué(e) transsexuel(le) après avoir parlé égalité, droits, enfants, n’a rien de logique, et nous nous demandons quelle est la place de ce récit dans le débat actuel ? Une chose est certaine, cela tend à renforcer chez nous l’idée que non, jamais nous ne lâcherons l’idée que pour le bien d’un enfant, il faut un homme et une femme !
Alors que nous nous apprêtons à rejoindre « notre » manif, nous apercevons un groupe de jeunes-hommes portant l’étendard de la Fédération Anarchiste. Vêtus de noir, certains portent une triplex, ce ceinturon fait de chaînes de vélo et destiné à la castagne… Remarquant un policier en civil (trahi par la radio qui dépasse de sa poche) qui les scrute, nous allons à sa rencontre lui demander notre chemin pour rejoindre Denfert-Rochereau et lui faire comprendre de quel côté nous sommes. Avisant d’un œil les anarchistes plus loin, il nous confiera « On sait très bien qui sont les vrais casseurs ! ».
Place Denfert-Rochereau
Il est 16h30 quand nous sortons du métro. Le début de la manifestation, allant de cette place aux Invalides, était programmé à 14h30, et deux heures plus tard, la queue du cortège ne s’est pas encore élancée ! Bien qu’annoncée le 15 avril, soit 6 petits jours plus tôt, cette manifestation laisse présager un franc succès !
Nous commençons à remonter le cortège. Les drapeaux désormais bien connus bleus et roses sont omniprésents bien-sûr, mais le tricolore n’est pas en reste non plus ! Nous apercevons également ci et là des drapeaux régionaux. La Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, bien qu’annoncé comme francilien, on dirait bien que cet appel ait été entendu en province ! Un groupe d’Alsaciens est également présent et ils n’ont pas oublié d’amener avec eux leur cigogne alsacienne. Cet oiseau est celui qu’on présente aux enfants dont on ne veut pas briser trop vite l’innocence comme apportant les bébés. Joli clin d’œil !
Dans la joie et la bonne humeur
Nous avançons toujours à travers le cortège familial. Toutes les générations sont représentées, les familles sont venues parfois au complet défendre leur conception de la vie. Ambiance joyeuse, des chansons s’élèvent, des slogans sont scandés. A intervalles réguliers des camions sur lesquels sont juchés des bénévoles de La Manif Pour Tous rythment la marche et motivent les troupes.
Soudain, les yeux se lèvent. L’hélicoptère de la préfecture, équipé de sa webcam 3 mégapixels achetée d’occasion, est au dessus de nous. Les drapeaux s’agitent de plus belle, la foule se fait plus bruyante, et les pancartes sont dressées vers le ciel. Au cas où ses occupants n’auraient pas compris, le message est sans ambiguïté : « On est là, et vos mensonges n’entameront en rien notre détermination ! ». Et de la détermination il en faut.
Même les déclarations parfois confuses de Frigide Barjot n’entament pas le moral. Désormais ce mouvement n’est plus celui d’une seule femme, il appartient à tous, comme nous le démontre la suite de notre parcours ! Faisant fi des propos tenus le matin-même par Frigide qui disait sur RTL que « le Printemps Francais, Béatrice Bourges, les Hommen et les groupuscules identitaires n’avaient pas leur place dans notre cortège », chacun s’estime bien au contraire tout à fait légitime dans cette manif, comme nous le dira un manifestant se sentant plus proche du printemps Français que de LMPT. Et « On lâche rien ! », comme le dit ce cri de ralliement désormais bien connu, est clairement affiché sur de nombreuses pancartes.
Où sont les nazis ?
Nous avançons toujours et voici que justement, les Hommen sont là ! Reconnaissables à leurs masques blancs, ils crient d’une même voix : « Taubira t’es foutue, les Hommen sont dans la rue ! ». Puis une vibrante Marseillaise s’élève et est reprise par tous. Ils sont jeunes, déterminés, et le visage découvert est celui de Monsieur tout le monde. Que ce soit chez les Hommen ou dans le reste du cortège, nous aurons beau chercher les têtes de nazi vues par Sihem Souid, nous ne les verrons pas !
Nous sommes maintenant dans le boulevard des Invalides, et nous savons que le terminus de la manif approche. Au passage de l’Eglise Saint François Xavier, nous sommes l’espace d’un instant transportés hors du temps. La musique du char près duquel nous étions cesse, les gens se taisent, le bruit fuit et chacun marque le respect face aux cloches de l’église qui sonnent pour saluer notre marche. Qu’on soit catholique ou non, ce petit moment de communion entre la manif et cette église a quelque chose de magique.
La fin approche
Nous commençons bientôt à piétiner, la fin du Boulevard des Invalides forme un goulet dont profiteront les organisateurs de La Manif Pour Tous pour effectuer leur comptage. Des bénévoles en t-shirt rouge sont munis d’un compteur qu’ils actionnent au passage de chaque rangée.
Un homme arrivant en sens inverse de notre progression prévient les impatients : « Ca ne sert à rien de continuer, les Invalides sont déjà complets ! ». Cela ne décourage personne, chacun continue d’avancer à petits pas. Bientôt la place Vauban et les Invalides s’offrent à nous. Même si le manifestant rencontré quelques instants plus tôt a un peu exagéré, il y a déjà énormément de monde, alors que le cortège est loin d’être fini ! Le décor des lieux est superbe et contribue à faire resplendir notre manifestation !
La camion sono de Frigide arrive à son tour, sa voix est reconnaissable de loin même si on ne l’aperçoit pas d’où nous sommes. Les jeunes-filles habillées en Marianne sont également sur le camion et hèlent la foule. Nous avançons encore, nous frayant un passage au milieu de la foule de plus en plus dense, et ce sont les élus que nous voyons faire leur arrivée. Nous les reconnaîtront à leurs écharpes tricolores mais il sera difficile de voir qui est qui, tant nous sommes maintenant serrés les uns aux autres.
Un bilan une fois de plus encourageant
C’est ainsi que prendra fin peu à peu cette nouvelle mobilisation réussie. Pour rappel, celle-ci est la suite d’une longue série d’actions. Manifestations régionales, nationales, rassemblements tous les soirs devant l’Assemblée Nationale, le Sénat, campings aux Luxembourg, ballades en Vélib, actions coup de poing des Hommen, rassemblements en régions, devant les préfectures, sur les routes avec les cortèges de voitures manifestantes, tractages, collages, on ne compte plus les initiatives !
La préfecture annoncera cette fois 45 000 manifestants, contre 270 000 pour les organisateurs. Depuis la manif du 24 mars, chacun sait que penser des chiffres manipulés de la police… Notons aussi qu’au grand désespoir de certains médias, aucun débordement n’est à déplorer. Aucun policier blessé, aucune voiture brûlée, aucune vitrine cassée non plus. Comme d’habitude…
Jamais à court d’arguments pour lancer la polémique, ils se contenteront de relayer que les élus UMP ont défilé aux côtés des élus FN. Et une classique agression de la France Orange Mécanique à Nice sera transformée en une agression homophobe…
Christophe et Rémi
Source : Le Bastion. Reproduit avec son aimable autorisation.
Crédit photos : Rémi, DR. Sauf la quatrième photo dans le texte, DR.