Le 26 mai 1946, deux figures de la gauche européiste (déjà) en gestation, Léon Blum et Jean Monnet, signaient une convention avec le secrétaire d’Etat des Etats-Unis James F. Byrnes, connu sous le nom d’ « accord Blum-Byrnes ». En contrepartie des milliards de dollars d’aides pour la reconstruction de la France (largement détruite pas les bombardements anglo- américains….) ledit accord ouvrait en grand les portes de nos salles de cinéma aux films américains trois semaines par mois. Washington y voyait, avec lucidité, un moyen d’imposer l’american way of life dans notre pays, son hégémonie politico-culturelle, de contrer l’influence communiste sur les esprits. L’industrie du cinéma yankee –car c’est bel et bien avant tout une industrie outre-Atlantique…- se voyait nettement favorisée par l’exportation massive de sa production pléthorique, déjà amortie par sa diffusion aux Etats-Unis.
La levée de boucliers contre cette trahison du cinéma français par les sociaux-démocrates fut énergique. La manifestation parisienne du 4 janvier 1948 contre l’accord Blum-Byrnes rassembla plus de dix mille personnes, avec aux premières loges la fédération CGT du cinéma à laquelle appartenait alors le très grand cinéaste et futur député européen FN Claude Autant-Lara, mais aussi des réalisateurs comme Yves Allégret, Jacques Becker, Louis Daquin, Jean Grémillon, les acteurs Jean Marais, Simone Signoret, Madeleine Sologne, Raymond Bussières…
Cette réaction fut salutaire puisque les accords Blum-Byrnes furent renégociés en septembre 1948 (accords de Paris), et que cette fronde engendra le vote de la première loi d’aide au cinéma français grâce à laquelle il retrouvera dès 1949 son niveau d’avant-guerre.
Une preuve que la soumission à l’impérialisme économique ou culturel n’est pas une fatalité, même s’il y a aussi beaucoup à dire sur la qualité de notre cinéma français et comme nous l’avons souvent souligné ici, sur les tropismes et les inclinaisons de la Commission d’avance sur recettes par exemple…
Aujourd’hui, les héritiers de MM. Blum et Monnet crient au scandale au motif que José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a dénoncé la volonté du gouvernement français (mais aussi de la majorité des ministres de la Culture européens) que la culture soit exclue du traité de libre-échange UE-Etats-Unis (Grand marché transatlantique). La France a finalement remporté gain de cause vendredi.
Lundi, dans un entretien à l’International Herald Tribune, M. Barroso, débitant son crédo de parfait petit mondialiste soumis à l’Empire, a ainsi déclaré que « Certains (de ceux qui défendent l’exception culturelle) disent être de gauche mais ils sont en fait extrêmement réactionnaires ». Selon lui, les défenseurs de l’exception culturelle « ne comprennent pas les bénéfices qu’apporte la globalisation de la culture, pour élargir nos perspectives et avoir le sentiment d’appartenir à la même humanité » (sic).
François Hollande a réagi peu après, aux propos de José Manuel Barroso : « je ne veux pas croire que le président de la Commission européenne ait pu tenir des propos sur la France qui seraient ainsi formulés, pas même sur les artistes qui se seraient exprimés », a-t-il déclaré.
Réactionnaire ; c’est à dire en propre, vouloir réagir, se battre, ne pas abdiquer, refuser le déclin et la décadence, un mot particulièrement choquant aux oreilles du ministre de la culture Aurélie Filippetti pour qui « ces propos (de M. Barroso) sont absolument consternants. Ils sont inacceptables ». « Certains nous ont traité de réactionnaires. Ceux qui ont traité la France de réactionnaire devraient se souvenir que la France n’était pas seule dans ce combat. Notre position, elle n’est pas défensive, elle n’est pas conservatrice et encore moins réactionnaire, c’est une position résolument moderne .»
Être moderne, le mot magique ! Cette réaction, même si le mot blesse les chastes oreilles socialistes, s’explique aussi plus benoitement par la volonté du pouvoir de ne pas se mettre à dos les acteurs d’un microcosme culturel qui reste encore majoritairement un des (rares) soutiens de la gauche au pouvoir.
Bruno Gollnisch rappelait le 28 mai au parlement européen, que ce Grand marché transatlantique n’a « aucune urgence ni nécessité absolue ». « Sauf peut-être les espoirs de récompense de M. Barroso qui lorgne, dit-on, sur le secrétariat général de l’OTAN ou de l’ONU. »
Car « l’enjeu de cet accord est la soumission de l’Europe, le maintien du leadership américain mondial contre la Chine et la primauté du droit commercial sur tout autre ». Notamment nous l’avons vu dans le domaine de la « culture », certes mot-valise, terme fourre-tout bien galvaudé, pour y inclure aujourd’hui par un incroyable glissement sémantique, par démagogie ou confusion, ce qui devrait ressortir du simple « divertissement ».
Constatons qu’au-delà de petits sursauts conjoncturels, droite et gauche au pouvoir communient dans le même atlantisme culturel. C’est l’Academicien et philosphe Michel Serre et non pas Bruno Gollnisch, Marine ou Jean-Marie Le Pen, qui a relevé qu’il y a plus de panneaux et d’enseignes en anglais à Paris de nos jours, qu’il n’y en avait dans la langue de Goethe du temps de l’occupation allemande.
Le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), défendu par le ministre Genevieve Fioraso -voir notre article en date du 7 mars- illustre cette soumission, tout autant que la promulgation du mariage gay d’obédience californienne, ou notre soutien aux islamistes en Syrie dans les pas du progrès et des voeux du Nouvel ordre mondial…
L’exception culturelle c’est aussi défendre la survie du peuple qui en est le support et en assure la transmission affirme Bruno Gollnisch. Or , à titre d’exemple, UMP et PS s’accommodent parfaitement que comme à Bruxelles, Milan, en Angleterre, Mohammed ait été dans le Gard en 2012, comme c’est le cas depuis longtemps en Seine-Saint-Denis et dans les Bouches-du-Rhône, le prénom masculin le plus donné, à égalité avec Hugo . « Je suis tombé dans le caniveau c’est le faute à Rousseau, le nez par terre c’est la faute à Voltaire… »