Partir en vacances coûte cher, tout le monde le sait et de nombreuses personnes ne peuvent s’offrir ce luxe. Ceux qui partent ne sont pas tous à mettre sur la même échelle et, malheureusement, les destinations qu’ils choisissent en disent souvent beaucoup sur leur mode de vie et leur condition sociale. Les riches se retrouvent entre eux à Saint-Tropez ou au Touquet tandis que les gens plus modestes choisissent plutôt Berck ou le Grau-du-roi. Ce n’est donc pas durant les congés au soleil que l’on sort de son milieu, ou très rarement tout du moins.
C’est malheureux à dire mais les beaufs restent entre beaufs pour passer des vacances de beaufs. Ils sont ceux qui ont toujours été dédaignés par les plus aisés qui leur laissent les miettes tant au niveau des destinations que des activités. Seulement, on conviendra que le fait de se complaire de miettes n’est pas une option de rêve et que la condition sociale d’un individu n’est pas une finalité et qu’elle ne devrait pas, à priori, guider tous ses choix. Or, si l’on regarde les choses telles qu’elles sont, on ne peut que se désoler du contraire et constater que la classe des prolétaires dépeinte par Orwell dans 1984 existe belle et bien… et se complait dans son existence de pacotille.
Faire un tour dans les stations balnéaires prisées par les beaufs est le meilleur moyen de s’en rendre compte. Les zombies (qui sont les mêmes que ceux du centre commercial dont nous avons parlé ici) réagissent de manière similaire, mécanique, programmée. Ils sont accoutrés de la même manière, ont les mêmes expressions bovines sur leurs visages aux yeux las et sans flamme. Ils ont les mêmes activités : la plage, les salles de jeux, la pétanque et, le soir venu, la balade dans des rues remplies d’échoppes minables proposant camelote estampillée « été », sucreries diverses et babioles soi-disant régionales. La vulgarité y est omniprésente. Les filles maquillées comme des voitures volées ne font, après tout, que suivre l’exemple de génitrices tentant encore de mettre en valeur autant que faire se peut leurs formes grasses et fatiguées à l’aide d’ignobles vêtements moulants aux coloris fluos. Même les petites filles ne sont pas épargnées dans cette course à la féminité bon marché dictée par la pub’ et les concours de petites miss qu’elles fréquentent parfois durant l’année. Quant aux hommes, ils ne dépareillent pas : short de plage, marcel et bedaine ; les fils préférant tenter de singer les rappeurs noirs qui sont leurs seules idoles…
Dans cette atmosphère se nouent les rencontres entre zombies, amicales ou amoureuses. Elles n’influeront en rien sur la vie des uns et des autres car tous sont conditionnés par un Système qui ne leur a laissé que la médiocrité tant dans leur existence que dans leurs vacances. D’ailleurs, ils ne veulent pas vivre autre chose. Alors que les congés devraient être l’occasion de voir du pays, de se cultiver différemment et de prendre du bon temps autrement, ils ne sont souvent que la partie estivale d’une vie sans objectif et régulée par des modèles mortifères qui ne relèguent les individus qu’à être des moutons doublés de consommateurs de pacotille. L’esclavage a quand même évolué, il a 5 semaines de congés par an aujourd’hui.