17 % des salariés du secteur marchand, contre 11 % seulement il y a vingt ans, sont payés au SMIC. Non rebuté par des fraudes massives en raison de la médiocre sécurisation du dispositif, le gouvernement Villepin a décidé de revaloriser la Prime pour l'emploi (PPE) afin qu'elle arrive à représenter jusqu'à un treizième mois pour un salarié rémunéré au SMIC. Cette prime aurait pour but d'inciter les chômeurs à reprendre un emploi. en leur assurant un revenu global supérieur, à la fois au salaire minimum mais surtout aux minima sociaux.
En réalité, en faisant payer cette prime par les contribuables, le gouvernement reconnaît que, sans ce coup de pouce fiscal, d'une part, le SMIC ne constitue plus un minimum vital décent, d'autre part, les entreprises ne peuvent plus verser davantage à leurs travailleurs les moins qualifiés. C'est sans doute vrai pour celles qui sont en concurrence directe avec l' économie mondialisée. Pour les autres, c'est plus discutable.
Une première question se pose : cette prime évaluée à 4 milliards est-elle efficace ? Certes, elle améliore un peu la vie des smicards, mais contribue-t-elle vraiment au retour à l'emploi ? A-t-elle un impact sur la consommation de produits nationaux et donc sur le chômage ?
Dans la foulée, le gouvernement qui n'a de cesse d'augmenter les prélèvements sur les particuliers - on peut s'attendre à une flambée des impôts après les élections présidentielle et législatives de 2012 quels que soient les vainqueurs ! - annonce la suppression des charges sociales au niveau du SMIC pour les entreprises de moins de 20 salariés pour un coût estimé à 640 millions. Rappelons que 19 milliards sont déjà mobilisés pour compenser la baisse des charges sociales au bénéfice des entreprises dont les rémunérations de leurs salariés sont égales ou légèrement supérieures au SMIC...
Là encore, connaît-on les effets des baisses de charges dont le coût fiscal cumulé à celui de la PPE équivaut à environ la moitié des recettes de l'impôt sur le revenu ?
Est-il viable et légitime de subventionner le travail ? Sans la PPE, compte tenu du faible écart entre le SMIC et les minima sociaux, parmi les 9 millions de salariés au SMIC, combien n'iraient pas travailler ? Est-il sain que 7 millions de salariés supplémentaires soient tributaires des baisses de charges dont le coût s'élève, insistons encore, à 19 milliards ?
Faire subventionner le travail de 16 millions de salariés démontre-t-il que l'économie française n'est plus compétitive ou les syndicats patronaux sont-ils si persuasifs qu'ils réussissent à faire financer par les contribuables, sous forme d'impôts qui ne servent plus à la consommation ou à l'investissement, des charges que les entreprises devraient supporter seules ?
La "smicardisation" des salariés, paupérisation institutionnalisée, synonyme de démotivation au travail et d'insécurité sociale, semble ainsi en voie d'accélération. Certains affirment que, très vite, un salarié sur cinq devrait être concerné. Et comme la pression des économies dans lesquelles les salariés sont payés à un niveau ridicule par rapport au SMIC ne se relâche pas, les salaires français continueront inexorablement à être tirés vers le bas. Sans que la position de l'économie française retrouve de la vigueur sur les marchés extérieurs. La production industrielle française s'essouffle selon l'Insee.
Avec le chèque-transport, le gouvernement, une nouvelle fois, se propose d'accroître le pouvoir d'achat des salariés. Pour mettre un baume sur les plaies créées par les fluctuations du prix du pétrole, donc de l'essence à la pompe, l'Etat veut partager la facture du chèque-transport avec les entreprises volontaires. Comment l'Etat financera-t-il les 55 millions au titre du chèque-transport, dont 20 millions pour celui qui sera accordé à l'ensemble des agents de l'Etat, sinon par des prélèvements ou de l'endettement ? Décidément, depuis trente ans, rien ne change. Le pouvoir d'achat ne peut progresser sans création de richesse nouvelle. Il faut permettre aux salariés, dans les secteurs où l'économie est encore active, de travailler au delà de 35 heures, de faire des heures supplémentaires. Ce sont ces heures-là qu'il faut exonérer. Ou bien alors, puisque personne n'ose proposer que l'Europe se protège à ses frontières par des droits douaniers adaptés, que l'on ait donc le courage de dire aux salariés européens qu'avant que les rémunérations des salariés indiens, chinois, brésiliens ne rattrapent les leurs, ils devront concevoir et accepter de voir baisser leurs salaires au niveau de ceux des travailleurs de Chine par exemple.
Pierre PERALDI RIVAROL 28 MAI 2010