A Tolède, dès le 18 juillet, les officiers nationalistes ont rallié le mouvement, en se mettant sous les ordres du colonel Moscardo.
A l'annonce de l'insurrection, le Cadet Jaime Milan del Bosch a quitté Madrid, avec cinq de ses camarades, pour rentrer immédiatement à Tolède, où d'autres Cadets les ont rejoints le soir même.
Dans la ville, il n'y a, au reste, que six cent cinquante gardes civils qui refusent de rallier les casernes de gendarmerie de la capitale, où le gouvernement a donné l'ordre de concentrer toute la garde ; par contre, cent cinquante gardes du 14e Tercio de Madrid sont venus se joindre à eux.
C'est avec ces huit cents hommes, commandés par le lieutenant-colonel Romero Bazar, et avec quelques officiers en stage à la fabrique d'armes, que les Cadets organisent la résistance de Tolède, où ils ont la haute main pendant les trois premiers jours.
Dès que Madrid a appris que Tolède était passée aux rebelles, le gouvernement a fait partir un corps de gardes d'assaut et de miliciens pour y rétablir la situation à son profit : et, le 18 juillet, à huit heures du soir, le général Riquelme, commandant les troupes gouvernementales, téléphone au colonel Moscardo d'avoir immédiatement à se rendre.
Mais, quelques instants plus tôt, le ministère de la Guerre, où l'on ignore sans doute la rébellion de Tolède, n'a-t-il pas téléphoné de son côté au même Moscardo :
- Faites-vous livrer d'urgence le million de cartouches qui se trouvent à la fabrique d'armes, et dirigez-le au plus vite sur Madrid.
C'est ainsi que le colonel Moscardo apprend l'existence de ce dépôt, dont il exige qu'il lui soit livré sur-le-champ. En même temps, il se fait remettre des fusils, des instruments de chirurgie et le stock d'armes disponibles. Quand les miliciens de Madrid arrivent, le lendemain, pour dégager la fabrique de munitions, tout a déjà pris le chemin de l'Alcazar.
Pendant trois jours, la lutte se poursuit à les ruelles étroites et tortueuses de Tolède, entre les hommes du général Riquelme et ceux du colonel Moscardo. Lutte de quartier à quartier, de maison à maison, où l'on se dissimule derrière les fenêtres grillées, dans l'embrasure des portes cloutées, le long de ces âpres couloirs dallés, de ces pentes pierreuses qui dévalent au flanc de la ville.
La canaille et la populace ne tardent pas à se joindre aux miliciens, dont les forces sont manifestement de beaucoup supérieures.
Pour ne point tomber entre les mains des coquins qui font la loi dans Tolède, le colonel Moscardo et les Cadets décident, le 22, de s'enfermer dans l'Alcazar avec leurs troupes, auxquelles vont bientôt se joindre tous ceux qui préfèrent soutenir un siège que se rendre. Mais les femmes ont voulu suivre leurs maris, les enfants, leurs mères, et près de deux mille personnes ont réussi à gagner la forteresse.
Quand commence le siège, il y a dans la haute citadelle huit cents gardes civils qui vont constituer le gros de la résistance et qu'encadrent quelques officiers, les Cadets, des artilleurs détachés à la fabrique de munitions, des ingénieurs civils, deux médecins militaires, des intendants, deux cents petits Cadets de l’École de gymnastique, quatre-vingt-cinq "phalangistes" de Tolède, de tout jeunes gens pour la plupart, quelques nationaux militants rassemblés autour de M. Ardias, le propriétaire du Café Suisse, l'un des grands cafés de la ville. L'ancien gouverneur civil, don Manuel Gonzalez Lopez, n'a pas tardé à les rejoindre.
La discipline intérieure a été placée sous la surveillance du capitaine Vela et du lieutenant Lopez Rialt, la loi martiale proclamée dans l'enceinte de la forteresse. Tous les insurgés ont pu trouver place parmi les vastes bâtiments militaires. Et la résistance se prépare derrière les murs de ce lourd palais qui proclame du haut de son roc décharné :
"JE N'AI QUE FAIRE D’ÊTRE BEAU. IL ME SUFFIT QUE LES MÉCHANTS TREMBLENT ET QUE LES BONS SE RASSURENT." (1)
Les Cadets de l'Alcazar, Henri Massis et Robert Brasillach
(1) Maurice Barrès, Greco ou le secret de Tolède