De Guillaume Bernard sur Atlantico :
"Les politiques dans leur ensemble (y compris au FN) ne se sont pas encore rendus compte de la signification « populiste » profonde du mouvement LMPT (« La Manif Pour Tous ») du premier semestre 2013. Exaspérés par le mépris des élites intellectuelles et pour la défense d’une cause commune, les manifestants ont pleinement assumé le fait de défiler aux côtés de personnes n’ayant pas les mêmes préférences partisanes. Personne n’ignorait qu’il y avait parmi les manifestants des électeurs aussi bien de l’UMP que du FN (et pas seulement). Le mouvement LMPT a été l’illustration de l’inscription de la « ligne Buisson » dans la réalité historique : les plus profonds clivages ne passent pas entre la droite et la gauche mais au sein de la droite, ce qui signifie qu’il y a une plus grande proximité (mais non identité) entre les positions de nombre d’électeurs de l’UMP et ceux du FN qu’entre les premiers et ceux du centre. J’ai pour ma part, proposé le concept de « mouvement dextrogyre » qui signifie que la novation intellectuelle vient désormais (depuis une vingtaine d’années) par la droite (ce qui ne signifie nullement qu’il soit l’exclusivité de la droite radicale), ce qui repousse vers la gauche les anciennes conceptions politiques classées à droite mais qui ne le sont que phénoménologiquement (en particulier le libéralisme). Ce mouvement crée donc un espace politique à droite de plus en plus large, susceptible d’être électoralement occupé à la condition de tenir effectivement un discours ontologiquement de droite. [...]
L’UMP est, à l’évidence, dans une position délicate car elle doit régler deux problèmes : l’un externe, la progression du FN, l’autre interne, ses divisions sur un certain nombre de questions qui sont à la fois névralgiques et symboliques (comme les mœurs et la bioéthique ou la construction européenne).
Contrairement aux apparences, c’est l’enjeu interne qui est le plus crucial : une force politique ne peut durer sans colonne vertébrale claire. L’identité, c’est la capacité à être et à définir : c’est en sachant qui l’on est que l’on peut se positionner vis-à-vis des autres. Pour trancher le débat sur les relations à entretenir avec le FN (il n’est pas nécessaire d’être d’accord sur tous les sujets pour tisser des alliances : celles-ci dépendent des proximités avec les uns et des oppositions vis-à-vis des autres), il faut d’abord que l’UMP clarifie ses propres positions doctrinales et programmatiques. L’UMP est en face d’un terrible dilemme : soit elle refuse le discours droitier et dans ce cas libère de l’espace pour le FN, soit elle l’assume et des alliances avec le FN sont inéluctables."