Notre vie politique présente un étrange paradoxe. Si tel ou tel acte répréhensible donne souvent droit à une extrême compassion, a contrario, et comme par une sorte de compensation, un mot, une phrase peuvent susciter immédiatement un déferlement de réactions haineuses, indignations outrées, procès et autres condamnations définitives aux feux de l’enfer. Tournez votre langue sept fois dans votre bouche avant de parler, citoyens de notre République ! La Sainte Inquisition politique et médiatique veille : les moindres maladresse verbale, ambiguïté, double sens supposé peuvent vous précipiter dans les flammes ! Et comme jadis, vous n’aurez plus d’autre solution que d’avouer votre crime, et de faire entière repentance, sous les huées…
Lors de la fameuse affaire Strauss-Kahn, Jean-François Kahn, au détour d’une phrase, laisse échapper l’expression « troussage de jupons« . Il devient l’objet d’un torrent d’accusations de machisme, sexisme et un quasi-apologue du viol… Lui qui avait laissé sa place de député européen à une femme (mais c’est un acte, ce n’est pas un mot !) est traîné dans la boue et la honte de la pire des machitudes ! Plus récemment, un juge ose dire à des Roms, coupables d’avoir dérobé le cuivre de lignes téléphoniques ou SNCF, qu’ils ne pilleront pas la France. Les réactions indignées pleuvent, des syndicats aux associations : honte à ce mécréant ! Un sénateur utilise en métaphore, et au sens figuré, ce qui est tout à fait courant, le verbe « tirer sur » le gouvernement, et un autre reprend en plaisantant qu’il fournira les Kalachnikov.