PARIS (NOVOpress) – Novopress souhaite donner la parole à différents acteurs du front “anti-Hollande” qui s’est organisé depuis de nombreux mois : jamais en effet un président de la Cinquième République n’a fédéré contre lui autant de profils différents. Entretien.
Euryanthe Mercier, 19 ans, est étudiante en droit à Assas. Passionnée depuis toute petite par la politique, elle s’est engagée très tôt au sein de mouvements marqués à droite. Elle affirme se situer « plutôt à droite de l’UMP » et a soutenu Nicolas Sarkozy en 2012 et Jean-François Copé. Membre du bureau national des jeunes de la droite populaire et de l’UNI-Met (organisation étudiante créée en janvier 2010 qui regroupe les étudiants membres de l’UNI mais aussi 25 autres associations impliquées dans la vie universitaire), élue UFR (unité de formation et de recherche) et coresponsable de sections pendant quelques mois, elle participera à la grande soirée unitaire « anti-Hollande » le 12 décembre prochain à Paris. Elle a bien voulu répondre, en son nom propre, aux questions de Novopress.
Novopress : Qu’est-ce que l’UNI ?
Euryanthe Mercier : L’Union Nationale Interuniversitaire est un mouvement né au lendemain de mai 68 en vue de rassembler les étudiants de la droite et du centre. Nous nous opposons au sein de l’université à l’égalitarisme, au nivellement par le bas ainsi qu’aux blocages des structures éducatives. Nous avons récemment soutenu la réforme LRU de Valérie Pécresse. Lors des CROUS, nous nous sommes battus pour le maintien des APL afin que les classes moyennes ne soient pas une fois de plus les victimes du gouvernement. Nous tentons désormais de mettre sur la table le thème de la sélection à l’université car il est temps de mettre terme à l’hypocrisie de « l’université pour tous ». Notre mouvement est représentatif au niveau national, tant par la présence dans presque tous les établissements supérieurs qu’au CROUS et CNESER. Lundi dernier, j’étais en outre mobilisée avec quelques autres de l’UNI pour la défense des classes préparatoires, au nom du « Collectif de défense des Prépas » parce que nous estimons que ces formations symbolisent la possibilité d’accéder à l’excellence par la méritocratie républicaine et que c’est une spécificité française à conserver.
On compare souvent l’opposition UNI-UNEF au rapport UMP-PS, qu’en est-il vraiment ? L’UNI est-elle une succursale de l’UMP à l’université ?
Tout d’abord, l’UNI n’est la succursale d’aucun parti ; nous sommes une association (et non syndicat, contrairement à l’appellation de l’UNEF) visant à réunir les étudiants mais aussi les lycéens et les enseignants. De plus, les structures des organisations sont séparées. Ensuite, nous existons depuis bien plus longtemps que l’UMP et continuerons d’exister après, si jamais ce parti vient à disparaître. Nous nous sommes définis au lendemain du 6 mai 2012 comme « le fer de lance de l’opposition » et fréquemment, nous aidons l’UMP, plus que l’inverse. En outre, bien que ce soit en effet le parti politique dont nous sommes le plus proche, les valeurs que nous défendons vont bien au-delà.
Pour ce qui est de l’UNEF, de par ce que j’ai pu voir de leurs militants en allant dans divers établissements, certains sont PS mais la plupart sont bien plus à gauche. Quand on entend que « Valls est un facho » ou qu’Aubry est « de droite », il est permis de se poser de questions. Néanmoins, leur proximité avec le PS est réelle quand on voit que, Bruno Julliard (ancien président de l’UNEF) est porte-parole d’Hidalgo pour les municipales. Mais de personnes à personnes ou de structures à structures, je n’ai pas les éléments pour vous répondre.
Cette indépendance vous permet-elle de vous opposer à l’UMP ? Que se passe-t-il si certains adhérents prennent position contre l’UMP ? « Chasse aux sorcières » si vous découvrez que certains votent FN ?
Tout dépend ce qu’on entend par « s’opposer ». Aucun militant UNI n’est forcé à faire une campagne qui serait contraire à ses idées. Un de nos thèmes de mobilisation est la famille et nous avons pris position contre le « mariage » pour tous. Quelques uns y étaient favorables ou sans avis, ils n’ont pas participé à nos actions. Il en va de même pour toutes les campagnes.
Nous ne prenons pas positons sur tous les thèmes, donc des divergences existent. Je pense à l’Europe notamment : certains sont souverainistes, d’autres pour une confédération. Il leur sera demandé de ne pas prendre position avec l’étiquette UNI, mais à titre personnel. Ce fut par exemple le cas par rapport à la guerre en Syrie, récemment. Un responsable UNI ne va normalement pas s’opposer à un responsable UMP. Sur certains thèmes, nous pouvons néanmoins faire pression, de par notre ancienneté, notre force militante (de terrain, web ou autres) sur ce parti. À titre personnel, j’ai démissionné de mon poste de coresponsable d’Assas notamment parce que je ne soutiens pas Nathalie Kosciusko-Morizet mais une candidate divers droite. Si un militant de l’UNI déjà aguerri souhaite se lancer sur la scène électorale, il n’est pas obligé d’avoir l’étiquette UMP.
Chasse aux sorcières, non. Mais même si nous pouvons théoriquement nous retrouver sur les thèmes « méritocratie » et « excellence », dans la pratique, le FN s’oppose via son Collectif Racine à la réforme de l’autonomie des universités ; par ailleurs, plusieurs Secrétaires départementaux FNJ appellent leurs membres à l’abstention aux élections étudiantes… ce qui réduit considérablement la probabilité de trouver des électeurs FN dans nos rangs. Par contre, si un encarté UNI prend des responsabilités au FNJ ou est sur une liste estampillée FN, il sera exclu, oui. Pour ce qui est du langage, avec des affiches comme « Taubira nuit gravement à votre sécurité » ou « Politiquement correct, vérité bâillonnée », je ne pense pas qu’on puisse nous accuser de faire de la langue de bois !
Enfin, la composition du bureau national de l’UNI change tous les ans. Les responsables sont donc plus ou moins proches de l’UMP mais il est vrai qu’il y a plus de recadrage et davantage de lignes officielles cette année qu’auparavant. J’explique cela par le fait que les municipales approchent, qu’il y a pu y avoir des écarts avec les diverses actions du printemps dernier, d’autant que Jean-François Copé a désormais retourné sa veste. Cela est sans doute motivé par la peur que la force militante se dirige vers d’autres partis comme le Front National. Pour synthétiser, pas de pression de l’UMP mais une vigilance bien plus importante sur le langage et les positions et des recadrages plus fréquents des électrons un peu trop libres.
Vous venez de nous dire que “si un encarté UNI prend des responsabilités au FNJ ou est sur une liste estampillée FN, il sera exclu” alors que s’il est présent sur des listes UMP, aucun problème. Exemple : Louis-Alexandre Osinski, ancien chef de l’UNI Nord, est tête de liste UMP à Ronchin ; ou Antoine Diers chef de l’UNI national est tête de liste UMP à Dunkerque. Ce sont donc bien les élus UMP qui, manifestement, font la loi à l’UNI ?
Rien ne me permet d’affirmer cela même si les recadrages des responsables de l’UNI, le fait d’entendre régulièrement que “le FN c’est la gauche”, ou que les responsables de l’UNI votent UMP sont un fait.
Nous savons que l’UNI, et vous-même, avez été engagés dans La Manif Pour Tous. Pouvez nous expliquer cette implication ? Continuez-vous encore aujourd’hui ? Avez-vous des liens avec le Printemps Français ? Vous impliquez-vous dans d’autres satellites de la « fronde anti-Hollande » ?
Nous nous sommes engagés contre ce projet de « mariage pour tous », avant que la Manif Pour Tous ne soit créée, plus précisément. Dès la rentrée 2012 fut créé le collectif « Non au Mariage Homo » et La Manif Pour Tous (LMPT) a ensuite sollicité notre aide. Beaucoup d’entre nous furent membres du service d’ordre dès le 17 novembre. En province, bon nombre ont monté les antennes LMPT locales et nous sommes proches du noyau directionnel national. Néanmoins, une fois de plus, nous avons conservé notre indépendance en n’inscrivant pas notre collectif dans les soutiens officiels.
Parmi les arrestations abusives, notamment « les 67 », pas mal étaient de l’UNI mais pas que. Samuel Lafont, qui a fait les titres des journaux pour son agression il y a quelques mois, fut cité encore par Médiapart comme une des figures emblématiques de ce combat pour la famille ; c’est aussi une figure des anciens de la maison. La force de l’UNI fut sa capacité à « fournir » des personnes formées, capables d’organiser des événements, des happenings (je pense notamment à la banderole sur l’Arc de Triomphe, mais aussi aux actions symboliques de provinces) ; nous avons l’habitude du terrain et maîtrisons aussi les règles et conséquences qui suivent. S’il y a bien une chose sur laquelle nous sommes fermes, c’est sur la non-violence. Comme dirait Denis Tillinac, « Soyons des réacs sympas ! ».
Par ailleurs nous sommes en bons termes notamment avec Béatrice Bourges. Pour ce qui est de la fronde anti-Hollande, j’ai tendance à répondre par l’affirmative parce que nous avons tous une raison d’en vouloir à ce président, et aux socialistes qui n’ont de social que les premières lettres de l’adjectif. Hollande se voulait le président de la jeunesse, il l’attaque à outrance en supprimant les bourses au mérite, par la loi ESR, par les emplois d’avenir qui ne sont en fait des places de garages. Nous lui en voulons aussi pour l’affaire Léonarda, pour la réforme pénale de Taubira… Certains sont très impliqués dans la révolte fiscale, également, via les Tondus, les Pigeons, certaines branches des Bonnets Rouges ou le seront par des mouvements qui verront prochainement le jour.
Vous aviez évoqué dans Le Monde une « convergence des Luttes » ? Qu’entendez vous par là ?
Pour m’être engagée sur divers sujets depuis plusieurs années, j’ai pu observer que dans les combats, des similitudes apparaissaient. Par exemple, sur le terrain, pas mal de personnes opposées au « mariage » pour tous l’étaient aussi à la guerre en Syrie, à l’intervention en Libye et protestent désormais contre l’asphyxie fiscale. Le clivage gauche/droite est souvent contesté, on entend souvent parler de « droite républicaine », et « d’extrême droite ». Il faudrait songer à travailler par thématiques et oser transcender les clivages. Je serais curieuse de savoir ce que veut dire être de gauche quand on parle de transports, de guerre, d’éducation ou de santé.
Quand nous sommes en accord avec certains groupes sur un thème, il serait constructif de travailler ensemble, quand bien même nous avons des points de désaccords sur d’autres sujets. La coopération plutôt que l’association, d’autant que nous avons tous des sujets qui nous tiennent plus à cœur que d’autres. La structure du Printemps Français est d’ailleurs dans cette démarche, tout comme la soirée du 12 décembre par rapport au « Jour de Colère » (26 janvier) où je suis invitée comme intervenante. Si des personnes venant de divers horizons, ne votant pas forcément pour les mêmes partis, sont capables de s’associer par thématiques, hors jeu politique, nous pouvons faire avancer les choses et rendre les engagements constructifs. La démocratie, c’est aussi le débat, la discussion et non que l’opposition. Si nous restons dans les divisions de structures et de partis, nous nous essoufflerons tous, pour pas grand-chose. La jeunesse est assez mobilisée depuis quelques temps, sans doute parce que nous sommes de plus en plus nombreux à réaliser que notre pays va mal. Mais il faut nous donner les moyens de réussir, et notamment d’influer après sur les élus français et européens puisque, malheureusement, le malaise est mondial et les « soins » sont insufflés à Bruxelles plus que dans nos capitales perspectives ! Le mouvement des Sentinelles (veilleurs debout) est désormais européen, la Croatie a voté par référendum la constitutionnalisation du mariage homme-femme… J’ai donc la faiblesse d’avoir de l’espoir pour mon pays.
Photo en Une : wallyg via Flickr (cc)