On peut facilement imaginer l’indignation de la presse internationale et des hommes politiques européens sur Silvio Berlusconi s’il s’était emparé, par un coup d’état au sein de son parti, du poste de président du conseil italien. On aurait hurlé à la Rome et au retour du fascisme. C’est pourtant ce qui vient de se passer au sein du parti de gauche dominant en Italie, un pays où se succèdent les chefs de gouvernement n’ayant aucune légitimité électorale.
Enrico Letta a démissionné de la présidence du Conseil italien le vendredi 14 février. Le président du Parti démocrate Matteo Renzi (photo) devrait le remplacer, devenant ainsi le troisième chef de gouvernement non élu par les électeurs italiens en moins de quatre ans. Si sa manœuvre a fonctionné, elle a également précipité la politique italienne dans un tourbillon qui était encore inconcevable il y a peu. « Comment allons-nous encore expliquer au monde ce qui se passe au sein de notre système politique labyrinthique » s’interroge la presse italienne. Aucun des deux présidents du Conseil qui ont succédé à Berlusconi – dont toute l’Europe se méfie désormais – n’a pris ses fonctions grâce à un vote populaire. Ni Mario Monti, ni Enrico Letta. Pas plus que Matteo Renzi, certes élu maire de Florence, mais pas de l’Italie. Le 8 décembre 2013, il a été élu secrétaire du PD en obtenant deux millions de voix lors de primaire. Mais le PD n’est pas l’Italie non plus, et il n’a même pas gagné les élections avec une marge suffisante pour gouverner seul le pays.
Après l’ère Berlusconi, imprévisible et rarement impliqué dans les grandes réunions du Conseil, est venue l’ère Monti, le professeur capable de donner des leçons à une Angela Merkel attentive. Puis les membres de Conseil européen s’étaient habitués au jeune Enrico Letta, qui avait construit sa culture politique sur l’autel de l’Europe. Il était illusoire de croire qu’un homme comme Renzi allait attendre son tour, en restant patiemment dans l’ombre.
Il a choisit le golpe interne
Tout ce que l’Europe compte de belles âmes ne manquera pas de sa pâmer devant ce jeune homme pressé et décidé à faire – enfin ! – les fameuses « réformes structurelles » dont le pays aurait si impérieusement besoin. Il est vrai que celui qui n’est encore que maire de Florence a tout pour plaire aux médias, aux marchés et aux dirigeants européens. Sa réputation soigneusement entretenue de « Tony Blair italien » lui assure un capital de sympathie dans les salons.
Matteo Renzi a, il est vrai, su élever le marketing politique au rang d’art de la guerre. Mais, s’appuyant précisément sur sa popularité, on eût été en droit d’attendre de sa part qu’il s’appuyât sur la sanction populaire de son programme de réforme. Au lieu de cela, nous avons eu une simple révolution de palais qui fera de Matteo Renzi le troisième président du conseil consécutif qui n’aura pas été choisi par les électeurs de la Péninsule. Nul doute que tout son règne sera désormais marqué par le sceau de cette naissance.
En conclusion, il n’est pas besoin d’être élu démocratiquement pour plaire à Bruxelles. L’Europe supranationale se satisfait de gouvernements nationaux non démocratiques mais dans sa ligne.
L’Europe a peur du peuple et de son vote et préfère un « satrape» non élu qu’un homme vraiment choisi par le peuple.
Jean Bonnevey
Source : Metamag.