Selon Paul Craig Roberts, économiste et journaliste paléoconservateur américain, ancien sous-secrétaire au Trésor dans l’administration Reagan (1981-1982). Il a également été rédacteur en chef adjoint au Wall Street Journal. Il est l’actuel président de l’Institute for Political Economy (Institut des sciences économiques) :
"[...] Mais si on a la possibilité d’une Guerre froide sans combattre soi-même, on peut la faire durer des années, comme cela a été le cas pour la Guerre froide avec l’Union soviétique. C’est d’ailleurs la Guerre froide qui a engendré le complexe militaro-sécuritaire américain.
C’est tout au moins une ligne rouge pour Washington. Néanmoins,je ne suis pas certain que l’on puisse attendre de Washington le bons sens d’éviter de transformer l’invasion de l’Ukraine en guerre chaude. Cela dit, il paraît difficile de croire que Washington puisse s’engager dans une guerre chaude contre la Chine et la Russie. Il s’agit là de deux pays vastes et puissants dotés d’armes nucléaires.
Mais beaucoup de choses difficiles à croire se sont réellement produites. Il arrive souvent que les gouvernements succombent aux sirènes de leur propre propagande. Et il est clair qu’à Washington quelqu’un est persuadé qu’une guerre nucléaire est gagnable, parce que sinon, à quoi bon modifier la doctrine de guerre pour que les armes nucléaires cessent d’être des armes de représailles et deviennent une arme de première frappe ? Pourquoi construire des missiles anti-missiles et les déployer à la frontière de la Russie et sur des navires en mer Noire et en mer de Chine méridionale ?
Il est certain qu’à Washington, il y a des gens pour croire que les Etats-Unis peuvent gagner une guerre nucléaire. Dans les faits, un article a été publié il y a quelques années dans Foreign Affairs, le magazine de réflexion du Council on Foreign Relations – un aréopage influent d’analystes en stratégie et d’ex-responsables gouvernementaux. Il y était affirmé que les Etats-Unis avaient une telle avance sur la Russie en matière d’armement nucléaire que nous pourrions sans difficulté attaquer la Russie sans risquer de représailles. Il y a des gens qui pensent réellement cela. [...]
L’un des effets pervers de l’usage brutal de la force par Washington serait que les pays de l’OTAN réalisent qu’ils sont menés vers un conflit par un gouvernement devenu fou, qui prend des risques invraisemblables avec la vie humaine et même avec la planète.
Ainsi, il se pourrait bien que Poutine parie sur une prise de conscience du danger que représente Washington pour les vivants. Il espère que plus la Russie se montrera pondérée, moins elle adoptera une attitude provocatrice, plus grandes seront les chances que les gouvernements allemand et français réalisent que l’agenda de Washington est funeste pour le genre humain ; plus grandes seront les chances que l’Europe prenne des décisions pour s’affranchir, elle, ses pays et ses peuples, du contrôle de Washington. Dans ce cas, l’empire s’effondrerait.
Je suis convaincu c’est là que se situe le pari de Poutine. Il n’est pas fou, loin de là, il prend la mesure de la menace d’une guerre, il en a conscience. Et c’est très certainement la raison pour laquelle il a demandé à la Douma d’abroger le droit au déploiement de forces russes en Ukraine. Il tente de dire aux Allemands et aux Français – Vous voyez bien, ce n’est pas moi, ce n’est pas nous.
J’espère qu’il réussira. Car en fin de compte, l’avenir du monde est suspendu à la question suivante : l’usage de la diplomatie par Poutine prévaudra-t-il sur celui de la force par Washington ?"