Comment de jeunes pousses de l'UMP ont tiré profit de leur parti
L'hebdomadaire Valeurs Actuelles vient de révéler que la société Bygmalion, fondée en 2008 par Bastien Millot et Guy Alvès était placée depuis le 17 juillet en liquidation judiciaire. Cette issue était prévisible puisque les déboires politiques de cette entreprise de communication faisaient fuir depuis plusieurs semaines la plupart de ses clients. Les parlementaires et autres élus n'ont qu'une seule crainte, que l'on révèle leurs contrats passés avec Bygmalion. L'affaire Bygmalion, révélée au printemps dernier, ne fait que commencer. Retour sur ces golden boys de la droite française qui se voyaient déjà en haut de l'affiche politique.
Bastien Millot, avocat aujourd'hui âgé de 41 ans, est originaire de Saint-Quentin, dans l'Aisne, où il fait ses premières armes politiques aux côtés de l'ancien ministre Xavier Bertrand et de Jérôme Lavrilleux, aujourd'hui député européen suspendu de l'UMP. Millot intègre en 1991 l'Institut d'études politiques de Paris, rue Saint-Guillaume, où il sympathise avec l'un de ses professeurs d'économie, Jean-François Copé. Il va rapidement devenir un de ses collaborateurs à la mairie de Meaux, que Copé conquiert en 1995. Les deux hommes ne cesseront de se vouvoyer mais deviendront inséparables. En 2001, il est élu premier adjoint au maire de Beauvais. Son implantation dans l'Oise tournera court et Caroline Cayeux, maire de la ville, l'écartera de la majorité municipale. Dans le même temps, en 2002, il devient directeur de cabinet de Jean-François Copé, porte-parole du gouvernement Raffarin. En 2005, il quitte les cabinets ministériels pour la direction de France-Télévision, dont il devient le numéro 3. Il va y rester jusqu'à l'automne 2008, où il décide de fonder sa propre agence de communication, nommée Bygmalion.
Clientèle choisie
Le puissant groupe des députés UMP de l'Assemblée nationale, présidé par Jean-François Copé de 2007 à 2010, va vite devenir l'un des principaux clients de Bygmalion. L'UMP également, en tant que parti politique cette fois, Jean-François Copé devenant secrétaire général du mouvement en 2010 puis président dans les conditions que l'on sait en 2012. Via différentes filiales, la société Bygmalion gère, à des prix le plus souvent bien supérieurs à la concurrence, si l'on en croit les chiffres avancés par la grande presse et les fac-similé de factures rendues publiques, diverses missions: communication internet, journées de formations, événementiel... Visiblement, Jean-François Copé et Christian Jacob, son successeur à la tête du groupe UMP, et comme lui député de Seine-et-Marne, ont largement récompensé la fidélité de Bastien Millot et de son associé Guy Alvès.
Mais au sein du système Bygmalion on croisera également un proche du dirigeant de l'UDI Yves Jégo, Romain Mouton, ou une jeune pousse du Front national : Etienne Bousquet-Cassagne, candidat à une législative partielle dans la circonscription de Jérôme Cahuzac. Bastien Millot a en effet consenti à Bousquet-Cassagne un don personnel de 4600 euros à son ancien stagiaire pour sa campagne électorale. Sans oublier que Guillaume Peltier, Geoffroy Didier ou Pierre-Yves Bournazel, trois étoiles montantes de l'UMP, tendance Droite forte, ont également émargé occasionnellement chez Bygmalion...
Bastien Millot et sa société faisaient donc vivre beaucoup de monde en encaissant des dizaines de contrats de prestations en provenance des élus UMP ou des collectivités territoriales qu'ils contrôlent. Bygmalion collectait ainsi avec une rare aisance l'argent public.
Sarkozy savait-il ?
Les liens entre Bastien Millot et le groupe UMP de l'Assemblée nationale existe toujours : comme l'a révélé le Canard enchaîné, c'est sa société personnelle qui a remplacé Bygmalion comme prestataire du groupe de députés présidé par Christian Jacob... Ayant quitté la direction de la société Bygmalion à l'été 2013, Bastien Millot s'est débrouillé pour récupérer quelques-uns de ces juteux contrats.
Mais là où l'affaire Bygmalion risque de faire le plus mal à la droite, à l'UMP en particulier et peut-être même à Nicolas Sarkozy, c'est en ce qui concerne la double comptabilité révélée tant par Bygmalion que par Jérôme Lavrilleux, directeur de cabinet de Copé à l'UMP, concernant la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012. Cette dernière a bel et bien dérapé (ses comptes ont été invalidés) et elle aurait de surcroît vu facturer aux dépens de l'UMP plusieurs millions d'euros correspondant aux très coûteuses réunions publiques du président sortant. Selon Media-part, factures à l'appui, cet habile système de facturation aurait concerné 17 millions d'euros au total. La somme n'est pas mince.
Il est encore trop tôt pour savoir qui sortiraexactement des investigations de la justice.Nicolas Sarkozy savait-il ? Est-ce seulement sonentourage qui a dérapé ? Il faudra certainementdu temps pour dévider l'écheveau. Mais, danstous les cas, cette affaire Bygmalion a déjà faitune victime politique d'importance: Jean-François Copé, qui a achevé d'être déconsidéré,affaibli qu'il était déjà de sa passe d'arme avecFrançois Fillon pour le contrôle de l'UMP.L'affaire Bygmalion signera peut-être dans lesprochains mois la disparition de l'UMP commeprincipale organisation de la droite libérale française.
Antoine Ciney monde & vie 30 juillet 2014