Entretien avec Alain de Benoist
La Manif pour tous (LMPT), dans sa dernière édition, a récemment rassemblé entre 80.000 et 500.000 personnes à Paris. Une bonne nouvelle, à votre avis ?
On ne peut que se réjouir de voir défiler dans la rue des foules hostiles à un gouvernement dont la nocivité n’est plus à démontrer. Mais au-delà du spectacle ? Béatrice Bourges, fondatrice du Printemps français, était à la manifestation. « J’en suis revenue, a-t-elle déclaré, non pas galvanisée comme je l’espérais, mais triste et mal à l’aise ». Je la comprends. Toute la question, en effet, est de savoir si les manifestations sont une fin ou un moyen. Si c’est un moyen, le plus élémentaire des réalismes oblige à constater que celle de ces dernières semaines, tout comme les précédentes, n’a strictement rien obtenu : « La vérité oblige même à dire que nous avons tout perdu », dit encore Béatrice Bourges.
Je vois à cela deux raisons. La première est l’indécrottable naïveté, typiquement droitière et révélatrice d’une absence totale de sens politique, qui porte les animateurs de la Manif à mettre tous leurs espoirs dans « l’aile droite » de l’UMP – cette même UMP qui vient de porter à la tête de la commission des Affaires sociales du Sénat un partisan résolu du mariage gay, de la procréation médicalement assistée pour les lesbiennes et de la gestation pour autrui, en l’occurrence le sénateur Alain Milon. En oubliant que pratiquement toutes les réformes « sociétales » dont se plaignent aujourd’hui les membres de la Manif pour Tous ont historiquement été réalisées par la droite ! Qu’on en soit encore aujourd’hui à attendre de l’UMP qu’elle « sauve la famille » est plus que pathétique, c’est consternant.