Nicolas Sarkozy a développé ses propositions en la matière cette semaine, avant que François Fillon propose les siennes tandis qu'Alain Juppé durcit le ton.
«L'Immigration ne doit pas être un sujet tabou, mais un sujet majeur, car elle menace notre façon de vivre.»Lors de son déplacement à Nice mardi, Nicolas Sarkozy a planté le décor: en campagne pour la présidence de l'UMP, l'ancien président de la République a longuement fait état de son analyse et de ses préconisations concernant la régulation des flux migratoires. Pour faire la différence avec ses concurrents Bruno Le Maire et Hervé Mariton dans le scrutin interne du 29 novembre? En partie, car le public réuni à l'Acropolis l'attendait sur ces questions et que le thème peut mobiliser en sa faveur.
Mais ce n'est pas le seul objectif que vise Sarkozy. Dans la course pour la candidature à la présidentielle, il entend également s'imposer comme le meilleur dans cette partie face à Alain Juppé, François Fillon ou Xavier Bertrand. «Son idée est d'être là où se trouvent les préoccupations des Français et les attentes sur les questions liées à l'immigration sont plus fortes que jamais, plus fortes encore qu'en 2007 ou en 2012», explique Brice Hortefeux. L'ancien ministre de l'Intérieur constate qu'à l'UMP «le constat est partagé et les préconisations communes, même s'il y a certaines nuances d'approches».
Des «nuances»? Les sarkozystes ne se lassent pas de souligner que dans Les Douze Travaux de l'opposition, ouvrage collectif confié aux leaders de l'UMP*, les questions d'immigration ont été confiées à Alain Juppé et que l'ancien premier ministre les traite au détour d'un chapitre intitulé «L'identité heureuse». «C'est un concept d'il y a vingt ans, trente ans même, ironise un sarkozyste. Pas vraiment à la hauteur des défis du moment.»
Schengen et l'aide médicale d'État en question
Les proches du maire de Bordeaux défendent à l'inverse que l'immigration n'est «pas un sujet isolé de tout contexte» et que le thème «mérite mieux que des effets d'estrade». Quant aux fillonistes, ils jugent «le discours de Nice assez convenu, pas très précis» ; «or ce n'est pas sur les slogans que les Français trancheront mais sur le réalisme des propositions et la crédibilité de celui qui les défend».
Dans le détail de leurs propositions connues, les concurrents à l'investiture pour 2017 ne diffèrent pourtant pas vraiment. L'ancien président évoque «un nouveau Schengen»? Juppé veut le «changer» parce qu'il «ne marche pas». Fillon souhaite, lui, un «Schengen II». Le maire de Bordeaux préconise que «le Parlement vote chaque année des quotas» pour l'immigration légale? Fillon avait défendu la mesure pendant la dernière campagne présidentielle et encore cet hiver quand la Suisse a adopté une limitation équivalente. Quant à Sarkozy, il avait relancé en 2011, à l'Élysée, cette proposition qu'il défendait déjà en 1991, quand Charles Pasqua en avait fait l'un de ses chevaux de bataille.
Et l'aide médicale d'État, accordée aux étrangers en situation irrégulière sous condition de résidence et de ressources? S'opposant à sa suppression préconisée par Jean-François Copé, Nicolas Sarkozy l'avait défendue en 2012 estimant qu'il s'agissait de «l'honneur» de la France. Deux ans et demi plus tard, il juge maintenant qu'il s'agit d'un «luxe» que «nous ne pouvons plus nous offrir». Alain Juppé propose lui de l'encadrer avec «un agrément préalable pour les soins coûteux programmés» et François Fillon de la restreindre en en faisant un «dispositif d'exception». Malgré la similitude des positions, le débat est loin d'être épuisé à droite. «J'espère que Nicolas Sarkozy reviendra régulièrement sur ces sujets», explique Brice Hortefeux dans un vœu qui ressemble fort à une prédiction.
Réforme du droit d'asile
François Fillon prépare de son côté, avec le député Éric Ciotti, l'ancien préfet Patrick Stefanini et plusieurs hauts fonctionnaires ou spécialistes, le corpus de ses mesures sur l'immigration. Début novembre, l'ancien premier ministre devrait exposer «très concrètement» ses préconisations en matière de quotas, de modulation des prestations sociales ou de modifications des conditions d'acquisition de la nationalité. Des annonces qui devancent un déplacement dans les Alpes-Maritimes, vraisemblablement à Menton, «où plus de 20 000 interpellations d'immigrés clandestins ont été enregistrées depuis mars», expliquent ses proches.
Alain Juppé, lui, continue de muscler son discours depuis sa contribution sur «l'identité heureuse». Début octobre, lors de sa prestation à «Des paroles et des actes», il avait suggéré un encadrement plus strict du regroupement familial et une réforme du droit d'asile. Mais avant de se prononcer plus précisément, il entend laisser la parole aux Français qui sont invités à apporter leurs idées sur sa «plateforme d'initiatives citoyennes» lancée jeudi.
Jean-Baptiste Garat
Notes : * «Les Douze Travaux de l'opposition», Flammarion, 240 p., 15 euros.
source : Le Figaro :: lien