Le taux de pauvreté des enfants a grimpé de trois points, de 15,6 à 18,6%, entre 2008 et 2012, selon un rapport de l'Unicef. Les associations doivent s'adapter à cette nouvelle donne.
Depuis le début de la crise financière en 2008, 2,6 millions d'enfants ont sombré dans la pauvreté dans les 41 pays les plus riches du monde, selon un rapport publié ce mardi par l'Unicef. Environ 76,5 millions d'enfants vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté (fixé à 60% du revenu médian) dans ces pays. En France, le taux de pauvreté des moins de 18 ans a grimpé de trois points, passant de 15,6% à 18,6 % entre 2008 et 2012, soit une augmentation nette d'environ 440.000 «enfants de la récession».
«Au-delà des niveaux de revenu et d'emploi, la récession a affecté un certain nombre d'autres aspects importants de la vie», comme l'accès à la nourriture, à l'éducation ou aux soins, le sentiment d'insécurité et de stress, détaille l'Unicef. Le logement, qui pèse lourd dans le budget des familles, est un autre indicateur important de pauvreté. «Les expulsions, les défauts de remboursement de prêts immobiliers et les saisies ont explosé dans de nombreux pays touchés par la récession», souligne le rapport.
En France, plus de 600.000 enfants souffrent de mal-logement. «Soit ils n'ont pas de logement, soit ils vivent dans des espaces surpeuplés ou totalement insalubres», précise Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, qui s'inquiète de l'explosion du nombre d'enfants «dans la rue» ces dernières années. «Depuis 1945, la protection de l'enfance était sacrée dans notre pays, mais on constate que cette priorité s'écorne avec la crise», déplore-t-il.
Nouvelle donne pour les associations
Sur le terrain, les associations ont dû s'adapter à cette nouvelle donne. Dans ses centres d'accueil de jour, la Fondation Abbé Pierre a ainsi modifié les espaces et aménagé les horaires pour les douches, avec des créneaux réservés aux mères avec enfants. «Pour l'aide alimentaire, nous devons penser également aux enfants et nous fournir en aliments qui peuvent aider à la croissance, par exemple», ajoute Patrick Doutreligne. De même pour le tri de vêtements, l'objectif est de récupérer davantage de pièces pour les enfants. «La demande a évolué, ce qui nous force à modifier notre offre.»
Un avis partagé par les Restos du Cœur, dont 65% des bénéficiaires étaient des familles avec enfants lors de la campagne 2012-2013. «Cette proportion risque d'augmenter ces prochaines années», estime l'association qui a créé en 2008 les Restos-bébé du cœur, réservés aux mères célibataires d'enfants de moins de 18 mois. Il existe aujourd'hui 85 de ces points d'accueil en France. Ils ont aidé 40 000 bébés en 2013-2014, contre 34 000 l'année précédente. «Les Restos du Cœur, qui se concentraient au départ exclusivement sur l'aide alimentaire, ont progressivement étoffé leur champs d'action.» Accompagnement scolaire, départs en vacances, sorties culturelles et sportives, bibliothèques, les enfants sont «au cœur du combat» de l'association qui s'apprête à lancer le mois prochain sa 30e campagne.
L'Unicef prévient que «l'absence de riposte audacieuse des Etats pourrait avoir des conséquences négatives à long terme pour les sociétés», notamment sur la croissance démographique. Pour les associations, une génération entière pourrait être sacrifiée. «Les enfants en France doivent vivre dans des conditions dignes», martèle Martine Brousse, présidente de la Voix de l'Enfant. «Il faut agir d'urgence», ajoute-t-elle car «ces enfants vont droit vers l'échec scolaire, le mal-être, la révolte.»
Isabelle de Foucaud Le Figaro