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Gréviculture en crise

 

Impossible, en ce 4 novembre, de parler de cette étrange fausse grève du chemin de fer et des transports publics sans aller voir comment elle n'avait pas lieu. Et, de fait en empruntant successivement, pour 3 trajets franciliens, 6 lignes de métros, y compris la redoutable ligne 13, et un aller-retour en RER, tout marchait. Sinon parfaitement, du moins comme d'habitude, du moins à Paris.

En revanche, ailleurs, il semble bien que de nombreux transports publics aient été bloqués. Citons notamment, parmi les 350 lignes d'Île de France les autobus des Hauts-de-Seine ; au sud ce sont les dépôts de Malakoff-Fontenay et Montrouge-Bagneux-Massy, qui se trouvaient paralysés à l'appel des syndicats CGT, Sud-Rail et Unsa. La pagaille englobait aussi certaines lignes de la SNCF, les Intercités d'Orléans, de Tours, de Montluçon, le Bordeaux-Nice et le Nantes-Bordeaux dans les deux sens.

Doit-on se consoler en pensant qu'en Allemagne aussi un conflit des conducteurs de locomotives bloquera à nouveau les trains du 6 au 10 novembre, sachant qu'on ne fête pas, et pour cause, le 11 novembre outre-Rhin ? Certainement pas. Je note aussi qu'en Thuringe et je ne m'en félicite aucunement, la base du parti social démocrate se prononce en ce moment, en faveur d'une alliance régionale avec les écologistes et malheureusement aussi avec les néo-communistes de Die Linke ? Cela me semble déplorable, 25 ans après l'effondrement du régime de cette prétendue "RDA" qui n'était ni "R", ni "D" ni "A", mais une zone d'occupation soviétique. (2)⇓

Mais aucune de ces mauvaises nouvelles n'entache le fonctionnement général du pays.

Car un point crucial sépare le "système allemand" du "modèle social français" : en Allemagne, la grève est considérée comme un instrument, certes dur, et en cela exceptionnel, de la négociation salariale, avec une centrale syndicale unique et apolitique, la DGB. Celle-ci constitue le pivot d'une communauté libre, soudée et responsable, telle que, dès le XIXe siècle, l'avait pensée Bismarck unificateur du pays et fondateur d'un ensemble d'institutions sociales qui fonctionnent encore. Cette confédération de grands syndicats (16 au départ fusionnés à 8) compte plus de 7 millions d'adhérents, soit plus de 10 fois le nombre revendiqué, et non vérifié, par "notre" CGT, inférieur à 700 000.

En France non seulement la grève ne joue pas le même rôle, en dernier ressort, mais, entre les mains de la CGT, elle prétend précéder toute discussion, s'affranchissant aussi du respect de la loi votée. La gréviculture, gratuite pour les bureaucraties rivales, sert de support à la manifestation. Le but dérisoire du jour se bornait à un rassemblement à 14 heures place Montparnasse, simple processus d'agitation, et de chantage interne, afin de maintenir le carcan étatiste hexagonal qui empêche le développement de l'offre privée de transports.

La grande préoccupation de la CGT concerne en fait, en ce moment les élections syndicales du 4 décembre prochain, pour les "trois fonctions publiques". On doit savoir, en effet, que depuis le passage d'Anicet Le Pors, dirigeant du PCF, au ministère de la Fonction publique entre 1981 et 1984, les communistes ont réussi à imposer le concept selon lequel l'hôpital et les collectivités locales sont assimilables à la fonction publique de l'État, dont le statut remonte à Maurice Thorez en 1946  (2)⇓

Or, à la SNCF, si aux élections syndicales de mars 2014, la CGT demeurait la première organisation syndicale, elle ne recueillait plus que 35,64 % des voix, en baisse de 1,69 point par rapport à 2011. Même au sein de cette structure privilégiée, subventionnée, archaïque, le personnel se détache de la fonctionnarisation et de l'idéologie étatiste à laquelle la bureaucratie cégétiste se rattache encore.

En fait la centrale connaît une crise durable. En regard de celle-ci, le [vrai] scandale, révélé par le Canard Enchaîné le 29 octobre, des travaux dans l'appartement de son secrétaire général Lepaon doit sans doute être vu comme un révélateur. Lepaon, issu du secteur privé, ni plus ni moins crapule que son prédécesseur Thibault, avait été élu comme candidat surprise, arbitrant entre deux tendances rivales adossées aux "corporatismes" du secteur public.

En novembre 1995 l'annonce abrupte du plan Juppé avait permis à la CGT de bloquer le pays pendant plus d'un mois, jusqu'au 21 décembre, entraînant plus de 6 millions de jours de grève. Mais, aujourd'hui, malgré le mécontentement profond du pays, et l'impopularité de ses dirigeants politiques, les staliniens réconciliés avec les trotzkistes se révèlent très loin d'une telle capacité de mobilisation.

On se doutait bien, d'ailleurs, dès le 2 novembre que la grève ferroviaire du surlendemain échouerait.

Mais il n'est pas certain que la libéralisation du transport par autocars, annoncée par le ministre de l'Économie le 15 octobre parmi une série de réformes, cible véritable que la vieille centrale veut battare, puisse être menée jusqu'au bout. Grande se révèle en effet la volonté politicienne du chef de l'État de maintenir les équilibres internes au sein de la gauche. Et grande demeure également la lâcheté d'une droite incapable d’en finir elle-même avec la culture du monopole.

Et pourtant tout l'échafaudage du "modèle de transport public français" remonte à un héritage stalinien.

Le Comité central d'entreprise, en effet, aujourd'hui encore bastion cégétiste, ne fut pas la seule création du communiste Fitermann lors de son passage au ministère, quand en 1982 il transforma le statut de la SNCF créée en 1938.

En 1982 était ainsi votée, sous son influence, la "Loti". Ce sigle ne désignait pas l'équivoque écrivain turcophile mais la Loi d'orientation des transports intérieurs. D'inspiration profondément étatiste, elle régit encore ce qui est devenu en 2010 le code des transports, promulgué par ordonnance et dont la seule partie législative compte plus de 2 200 articles.

Tout ce système repose sur la subvention et la distorsion des prix. Ah ! on l'a oublié le bon temps où, s'adressant aux jeunes générations de voyageurs la pub ferroviaire leur disait "si tu payes le prix c'est que t'as rien compris". Ces jeunes clients ont pris de l'âge et de l'expérience. Ils ont compris : ou bien en effet ils ne payent pas le prix, ou bien ils ne prennent plus le train.

Le modèle français de transports public, corollaire indispensable de notre impérissable modèle social, ne dessert en effet que 22 millions de Français sur 66 millions d'habitants.

Les 2/3 de nos compatriotes et co-contribuables en subventionnent donc les beautés monopolistes.

JG Malliarakis        

Apostilles

  1.  Où, rappelons-le, un certain Vladimir Vladimirovitch Poutine fit ses premières armes en tant que résident du KGB, – officiellement comme directeur de la "Maison de l’amitié germano-soviétique" à Dresde de 1985 à 1990. Ceci éclaire sans doute le peu de confiance que nos cousins germains investissent aujourd'hui encore dans la politique moscovite. 
  2.  Dans les deuxième et troisième gouvernements Mitterrand-Mauroy

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